Passons vite sur le physique, c’est facile, innocent, et s’il vous en faut plus, j’ai un avatar qui est là pour ça…

Cheveux noirs et longs, yeux clairs, carrure forte pour une femme, ongles tranchants, je suis plutôt jolie, plutôt très jolie même, mais mon regard hautain et méprisant et mon ton naturellement hargneux tiennent les autres à distance respectable.

Passons maintenant au caractère. A partir de maintenant, vous allez sans doute me détester, comme 99 % des personnes qui m’ont rencontrée.

Je suis cynique, méchante, violente, belliqueuse, têtue, sanguine, sadique, hautaine, intransigeante, susceptible, mon élément est le feu, ma couleur le rouge sang (ou le violet ecchymose), je méprise la faiblesse et les faibles, ma résistance à la douleur est supérieure à celle du commun du mortel, je ne crois pas en la beauté du monde ni en la bonté humaine, à ce jour je n’ai que deux amis (Sue et son frère) et je n’ai pas envie d’en avoir d’autre, je bannis la tristesse puisque c’est de la faiblesse, quand je rencontre quelqu’un, je pars du principe que c’est un être insignifiant et que je ne l’aime pas, j’ai parfois des réactions aléatoirement arbitraires que je ne cherche moi-même pas à comprendre, je n’ai pas peur de tuer, je n’ai pas peur de faire mal, ce n’est pas que j’aime ça, ça me laisse simplement aussi indifférente que dire bonjour.

Je suis née avant les jours sombres de parents tanneurs. Ils n’ont pas participé à la révolte des districts, du moins pas quand ils risquaient quelque chose, de ce fait, j’en ai très peu de souvenir. Nous vivions comme avant et comme après.

J’ai deux frères, Kuzon et Luke, jumeaux, deux ans de moins que moi, que, à mon souvenir, j’ai toujours détestés.

Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours aimé me battre. Contre mes frères, contre des chats, contre des chiens errants, des ombres, des arbres, des larmes, des murs, des gens… J’ai même eu raison d’un loup à main nue une fois (j’en garde de belles cicatrices), une autre, j’ai abattu un taureau à coups de pierre.

J’apprenais la tannerie avec mes parents parce qu’il y avait suffisamment de travail pour nous cinq. La vie suivait son cours malgré mon caractère et les innombrables ennemis que je me faisais.

Puis, j’ai été moissonnée lors des 8ème Jeux de la Faim. Personne n’a pleuré mon départ. Pour deux d’entre eux, c’était parce qu’ils étaient certains que j’allais revenir, pour les autres parce qu’ils ne m’aimaient pas.

Ce séjour au Capitole puis dans l’arène ne m’a posé aucun problème. Indifférente à ces gens, prête à tuer puisqu’on me le demandait. Je ne me suis pas entraînée des trois jours prévus à cet effet. Je n’ai rien montré aux juges, qui m’ont tout de même mis 3. Je n’ai pas fait d’alliance. J’ai tué deux carrières dans le bain de sang en profitant de la cohue et de la surprise ; j’en ai étranglé un et j’ai brisé les vertèbres à l’autre. Le terrain était montagneux, de pierres grises, de l’herbe éparse, des sources régulières et une forêt de moyenne altitude. J’ai pris à la corne d’abondance de quoi manger pour quelques jours et je suis partie de mon côté, entre les arbres. Les trois carrières restant (la fille du Deux était morte d’une mauvaise chute) me cherchèrent. Une nuit, j’ai abattu le veilleur d’un coup de pierre sur la nuque. Les deux autres se réveillaient en sursaut et me sautaient déjà dessus. J’étais bien blessé lorsque la fille du Quatre mourut dans un râle d’agonie mais des bandages récupérés dans leurs affaires me permirent de tenir. Ils avaient bien d’autres choses dans leur pharmacie mais je ne savais pas quoi en faire. Un parachute argenté m’apporta une crème miracle pour mes blessures (utilisation on-ne-peut-plus-simple), je l’ignorai simplement. Nous étions encore sept. Je souffrais comme... comme je ne sais pas quoi, je marchais en titubant souvent, quand le garçon du Six me trouva. Apparemment, je l’avais sauvé lors du bain de sang et, avant que j’ai pu protester, il s’occupait de mes blessures ; je l’étranglai pendant son sommeil. Je tuai encore la gamine du Neuf qui s’était révélée plutôt débrouillarde et les quatre autres réussirent à mourir tous seuls. Il n’y eut pas de combat final et j’étais paisiblement en train d’allumer un feu quand l’overcraft vint me chercher.

Je suis maintenant mentor. Ce boulot est une sinécure. J’ai une maison pour moi seule et pas de voisins, autant d’argent que j’en veux, une position inattaquable et ça pour la simple condition d’accompagner deux gamins mourir au Capitole. Ma participation aux Jeux de la Faim a été la chance de ma vie.

Autant qu’on soit clair : je n’ai aucune pitié pour les tributs (je n’ai aucune pitié pour personne), s’ils me posent des questions, j’y répondrais sans prendre de gant, et s’ils passent leur séjour à chouiner, qu’ils le fassent en silence.