Ils sont arrivés alors que j’étais encore assise sur le lit, les bras autour des genoux. Ils m’ont emmené je ne sais où, à travers un dédale de couloirs et de portes vitrées. Maintenant, ils m’épilent, m’enduisent de crème au parfum étrange, me maquillent légèrement, refont mes ongles. Ils tournent autour de moi comme des oiseaux en discutant de leur voix aigue. Je suis un peu gênée, je ne les connais même pas et je suis nue devant eux. Je croise mes bras sur ma poitrine, ce qui ne change pas grand chose. Apparemment, eux s’en fichent. Ou alors ils ont l’habitude.
Mes préparateurs sont très bavards. Quand je dis très, j’ai l’impression qu’ils me racontent leur vie en long, en large et en travers, avec les détails s’il vous plaît. Donc j’ai appris que pour l’un deux c’est ses septièmes Jeux, pour les autres ils sont là depuis le lancement. Mon styliste est toujours inconnu, porté disparu. Génial, manquait plus que ça. Ne pas avoir de tenue pour la Cérémonie d’Ouverture, pour l’interview, etc... Comme si je n’avais pas assez de soucis comme ça !
Il y a deux femmes et un homme. Ce dernier est assez jeune, ses cheveux sont d’un vert... Fluorescent est l’adjectif qui conviendrait le mieux. Il a des tatouages en forme d’éclair sur ses tempes et ses joues. Ses yeux sont d’un bleu un peu trop bleu pour être naturel. Mais bon, par rapport aux deux autres énergumènes, ce type est celui qui est le moins... Etrange ? Changé ? La première femme a des cheveux violet strié d’orange, autant vous dire tout de suite que le résultat est juste ca-ta-stro-phi-que. Elle a des tatouages le long de ses bras, je n’arrive pas trop à définir leur forme ou leur couleur, ils semblent bouger tout seuls. La deuxième femme a une peau jaune et des pierres précieuses implantées autour de ses yeux. Des pierres précieuses. Implantés autour de ses yeux. Alors qu’une seule de ces gemmes pourrait nourrir une famille pour un an. Là, c’est clair, le Capitole m’exaspère. On voit rapidement ceux qui ne s’inquiètent que de leur tenue ou d’avoir demandé des fruits de mer en entrée !
Au bout d’une heure, mes cheveux sont soyeux, ma peau douce et mes ongles brillants et taillés. Chaque imperfection de mon corps a été gommée, masquée, maquillée. Ils m’ont arraché chaque poil, ont peint mes ongles d’un vernis transparent, restructuré mes cheveux. La femme aux tatouages me fait enfiler un peignoir de papier transparent et ils me laissent dans la salle, sûrement pour aller appeler mon styliste.
Je m’assoie dans un fauteuil, les jambes repliées sous mes fesses et je me prends la tête entre les mains. Je ne sais même pas qui est mon styliste ! Et s’il avait une idée juste horrible pour la Cérémonie d’Ouverture ? Genre, me déguiser en rat ou en écureuil. Me faire enfiler un costume de moulin ou d’épi de blé. Ou une autre idée tout aussi horrible. Ce qui évidemment me désavantagera lorsque les sponsors se précipiteront pour envoyer des cadeaux.
Et puis il y a mon mentor et l'autre tribut. Je ne veux pas m'allier avec lui, je sais que je ne pourrai pas le trahir après. Et je n'ai pas spécialement envie de le tuer.
Que je puisse penser à tuer aussi froidement m'horrifie, comme si je me transformais déjà en bête sauvage. Mais si je pouvais penser que mes adversaires n'étaient que des proies... je pourrai les abattre comme lorsque je chasse... Non, je repousse cette idée. Si je commence à imaginer ça, je ne serai plus que le pion du Capitole dans ses Jeux et je tuerai de sang-froid tous ceux que je croiserait. Et ça, je ne le veux pas. je ne tuerai que pour me défendre. Et avec un peu de chance, les carrières s’entre tueront. Puis je me rappelle les années ou des Districts pauvres ont gagnés. il y avait une particularité à chaque fois. Quand je mets le doigt dessus, je ne peux n’empêcher de sourire. Ce sont les années où les carrière sont manqué de nourriture. car ils ne sont pas habitués au manque, alors que nous, Districts plus pauvres, nous le sommes. Je dois avouer que je ne fais pas vraiment partie des catégories basses du 9, mais il y a eu des années où on se couchait le ventre vide parce qu'on devait acheter du sel, du pain. On ne pouvait pas se contenter de viande, de toute façon, les pacificateurs sont passés et ont tout raflés. Ils ont bien vérifié si on n'avait pas caché de nourriture. Ça a été une année horrible. Alors que le Capitole s'en fichait.