Explications:

----Mes pas me guident jusqu’à la grande place. Jenna voulait que je lui rapporte quelques provisions pour le dîner de ce soir, et elle m’avait donné assez d’argent pour nourrir une demi-douzaine de bouches. J’avais eu de quoi passer chez le boucher, chose assez rare, Jenna a du réussir à économiser pas mal, et chez le marchand de fruit et légume. J’avais largement de quoi nous faire tenir une semaine. Après tout, il n’y avait pas tellement d’enfant que ça à l’orphelinat. En réalité, nous étions au total 5 et j’étais la plus âgée. Il y a une petite de 6 ans, une fille de 8, un garçon de 10 et un autre de 13. Avant on était plus nombreux, mais les autres ont grandi et sont parti s’installer ailleurs, et une autre est morte aux jeux… Je ne suis pas vraiment attachée à eux. J’évite au maximum de les côtoyer et de m’occuper d’eux. Je me contente de leur rapporter à manger et je trouve que c’est déjà beaucoup. Je n’ai pas besoin de petit frère et de petite sœur supplémentaire, et surtout je n’ai pas besoin de frère ou de sœur de remplacement. S’attacher aux gens c’est bien trop facile, mais leur perte nous anéanti et nous détruit de l’intérieur. C’est la raison pour laquelle je préfère rester seule. Je suis déjà suffisamment amochée à cause de la mort de ma sœur, même si cela fait 3 ans maintenant, la blessure est toujours bien présente dans ma poitrine. Si jamais je venais à perdre une autre personne qui m’est chère, je ne sais pas comment je ferais pour survivre… C’est déjà suffisamment dur et douloureux… En parlant de douleur, même en marchant, mon dos continue de me faire souffrir. Saleté de Pacificateurs, ils n’y ont vraiment pas été de main morte. Mes plaies commencent tout doucement à cicatriser, mais le frottement de mon T-shirt dessus ralentit ce processus. Comme quoi, je suis une sorte de plaie ambulante, ouverte de l’intérieur comme de l’extérieur. Ca craint, mais c’est ma vie. De toute façon, si quelqu’un d’autre était fouetté de nouveau, je n’hésiterais pas à recommencer. Je ne tiens plus particulièrement à la vie. Elle a perdu toute saveur avec le départ de Kara. Si je fais un effort, c’est seulement pour Jenna qui m’aime comme une mère aimerait sa fille, et que j’aime en retour.

Sur la place, un groupe de gens est amassé. Je ne réalise pas tout de suite qu’ils ont le regard tourné vers un écran géant. Mais oui, que suis-je bête, la Moisson a eu lieu il y a quelques jours de cela. Ils ont installé ces grands écrans un peu partout dans le district dans des points stratégiques afin que nous ayons toujours un œil dessus même quand nous ne sommes pas chez nous. Ce serait trop bête que nous rations une seule miette de ce grand évènement. C’est vraiment une trop grande attention du Capitole…
Comme tous les ans, ça devait être le moment de l’interview entre les Juges et le présentateur. Caius. Mon cœur s’accélère et comme tous les habitants présents sur la place, je lève les yeux dans l’espoir d’apercevoir cet être qui me tient tant à cœur. Oui, je disais avant que je ne m’attache à personne, mais lui, c’est différent. C’est la seule personne qui arrive vraiment comprendre ce que je ressens, la seule à me prêter une oreille aussi attentive et la seule capable de me faire vraiment sourire. Il sait ce que c’est de souffrir, et il est encore plus abîmé que moi.
Je me souviens de notre première rencontre, elle reste gravée dans mon cerveau.

C’était l’année de la 11e Edition. Ma sœur était déjà morte, elle n’avait pas survécut au bain de sang. J’étais complètement effondrée et j’errais comme une âme en peine. Il ne restait plus que 8 tributs dans l’arène et il se trouvait qu’il restait le tribut du 3. Un garçon un peu dérangé et vraiment psychopathe. Comme il en est la coutume, le présentateur devait donc faire la tournée des districts dont il restait un tribut en course, et il est donc passé par le trois. Je me suis malencontreusement retrouvée dans la conférence qu’il donnait sur la grande place en l’honneur de notre tribut, et je l’ai regardé. J’ai soudain entendu son nom quelques part. Caius Propalam. Propalam. C’était ce nom qui avait assassiné mes parents. Jenna ne me l’avais jamais caché. Je me suis mise à bouillir de rage et mon sang n’a fait qu’un tour. J’avais perdu ma sœur à cause du Capitole, et j’avais perdu mes parents à cause de ce Propalam. Il les avait assassinés peu après la fin de la Guerre pour les punir de leur résistance. Et plus que jamais, j’avais une réelle envie de vengeance. Je me fichai bien que mes actes soient stupide, mais je n’avais qu’une envie, c’était qu’il paie pour toute la souffrance qu’il m’avait fait connaître. Si mes parents n’avaient pas été tué, j’étais sure que Kara seraient toujours envie. C’est la raison pour laquelle je l’ai attendu à la sortie de sa loge à la fin de l’interview, prête à l’attaquer. J’avais réussi à me dégoter un couteau et bien que je n’ai jamais été très douée dans le maniement des armes, j’étais persuadée que le tuer avec serait une chose aisée. Quand il est enfin sorti, je me suis jetée sur lui. Mais il m’a rapidement maitrisé, malgré tous mes efforts. Je me contentai donc de lui crier ma rage et ma haine contre lui. Il a d’abord été très surpris par mon acte et par toutes mes paroles. Il a ensuite attendu que je n’ai plus rien à dire pour pouvoir en placer une. Et c’est là qu’il m’a appris que c’était son père qui avait tué mes parents, pas lui. Et que lui aussi avait souffert de la violence de son père. Qu’il était désolé pour tout ce que j’avais vécu à cause de lui, que je ne le méritais pas, et sans m’en empêcher, j’ai éclaté en sanglot dans ses bras. Je me souviens qu’il m’a longuement réconforté et que nous avons parlé ensemble toute la soirée. Malgré notre différence d’âge, nous avons beaucoup de choses en commun, plus que ce que les autres pourraient l’imaginer à première vue. Tout le monde pense que Caius est un habitant du Capitole qui respire la joie de vivre, mais à moi il m’a avoué son secret. Derrière ce fameux grand sourire et ces paroles gaies se cache un être meurtri, obligé de présenter avec gaieté tous les ans ces horribles jeux s’il ne veut pas le payer de sa vie. Nous avons tous des secrets, nous avons tous un passé lourd, mais tout deux nous nous sommes bien trouvé car notre passé, nos secrets relèvent presque du cauchemar. C’est pourquoi nous sommes tellement attachés l’un à l’autre. J’ai eu de la chance, car tous les ans depuis la 11e Edition, un des 8 derniers tributs était du 3, donc Caius passait me voir. J’espère qu’il en sera de même cette année.

Alors que je pense à tout ça, un Pacificateur me prend violemment par le bras pour m’intimer de me ranger correctement avec les autres habitants. Mon premier réflexe est de me défaire de sa poigne de fer et de m’apprêter à me défendre, mais j’use de toute ma volonté pour m’en empêcher. Une petite voix dans ma tête me cris que ce n’est pas le moment de chercher des embrouilles et que pour une fois je ferais mieux de les écouter. Je me contente donc de lui lancer un regard noir et venimeux avant de m’installer à côté d’une bonne femme qui m’est totalement inconnue. J’ai en horreur ces Pacificateurs. Ces hommes et ces femmes qui se croient tout permit parce qu’ils ont un peu de pouvoir… Ils m’horripilent au plus haut point, et j’ai déjà eu affaire à la plupart d’entre eux.

Plusieurs visages se retournent vers moi, des gens qui me sont complètement inconnus, mais il ne semble pas que ce soit réciproque. Ils semblent me reconnaître. En même temps, j’ai un semblant de célébrité dans ce district. Je suis la fille des rebelles, la pauvre enfant qui a perdu ces parents et sa petite sœur, la fille solitaire, la fille qui sauve les gens en se faisant fouetter à leur place. Bref, même si cela n’est pas recherché, beaucoup sont ceux qui me connaissent. J’ai l’habitude de ce genre de regard, c’est pourquoi je n’y fait pas attention. Je me contente de reporter mon attention sur l’écran. Ca ne devrait pas tarder à commencer. Je lance un dernier petit regard autour de moi, me demandant si Hayley, Amanda ou Tobias sont présent. Je n’ai pas particulièrement envie de les voir en fait. J’ai « sauvé » Tobias et Amanda et Hayley se sont occupées de moi. Je devrais leur en être reconnaissante, mais je déteste avoir une dette envers quelqu’un. En fait, je crois que j’ai surtout peur de redevenir amie avec elles. Si j’ai coupé les ponts c’était pour une bonne raison, je ne veux aucunement être attachée à quelqu’un.

La musique du Capitole résonne enfin, et les écrans affichent les images des moments forts des éditions précédentes. Je contiens ma rage. Je déteste les Jeux. Ils nous montrent tous les anciens vainqueurs et je ne peux m’empêcher de sursauter lorsqu’ils nomment Ethna Knight, la gagnante de la 11e Edition. Bien sur je ne lui en veux pas. Je sais pertinemment que ma sœur n’aurait eu aucune chance de toute façon, mais j’ai toujours ce genre de réaction lorsqu’on évoque SON édition… Après avoir rappelé les règles des Jeux et pourquoi ils ont été instauré (chose totalement inutile dont on aurait pu se passer car nous connaissons déjà tout cela par cœur) le fauteuil de Caius tourne enfin et les lumières l’éclaire.

Cela va faire un an que je ne l’ai pas vu, et revoir son visage m’apaise. Il n’a pas tellement changé lui. Chose qui me marque, je vois pour la première fois qu’il a des tatouages sur les bras. Il sourit de toutes ces dents et je n’oublie pas ce qui se cache réellement derrière ce sourire. Nous entendons la foule du Capitole en délire. Quelles bandes d’idiots ! Comment peuvent-ils être aussi stupides ? Il suffit de voir la façon dont ils s’habillent pour voir qu’ils n’ont pas toute leur tête. C’est affligeant de voir à quel point ils adorent les Jeux. A autre chose que Caius et moi avons en commun : nous détestons les Hunger Games et nous détestons le système dans lequel nous vivons…

« Bienvenue à vous tous ! Bienvenue à la préface de la quatorzième édition des Hunger Games ! Et puisse le sort vous être favorable ! »

Phrase totalement stupide et dénuée de sens soit dit en passant. Et pourquoi est-il obligé de dire ça à la foule du Capitole ? Ce n’est pourtant pas eux qui risquent d’être tiré au sort ? Eux sont des monstres qui se prélassent devant des bains de sangs, qui parient sur les chances de gagner d’un candidat, qui sont heureux quand un enfant meure… Mais dans quel monde vivons-nous ??

« Nous allons dors et déjà retrouver nos vingt-quatre tributs lors de cette émission puis interroger notre invité surprise présent avec moi. Pour le moment nous ne révélerons pas leurs identités pour garder le suspens. » il sourit à la foule, et je ne peux retenir moi-même un petit sourire. Il joue son rôle tellement bien… Tout le monde tombe dans le panneau à chaque fois…

S’ensuit un rapide résumé de la Moisson où nous voyons tous les tributs. Je suis scandalisée par l’attitude des filles du 2. Se battre pour aller aux Jeux ? Si seulement quelqu’un s’était battu pour prendre la place de Kara …
Mon cœur se serre quand je vois les tributs de notre district, surtout la petite fille, Nawel. Elle me fait tellement penser à ma sœur… Elle aussi n’a que 12 ans, elle va être tué dans la fleur de l’âge, elle n’aura pas eu le temps de profiter de la vie. Je lui espère une mort rapide et non douloureuse, car je sais que elle non plus n’a pas de chance de gagner face aux Carrières… Lors de la Moisson, je m’étais raidi quand j’avais vu le petit bout de chou monter sur la scène. J’avais l’impression de me projeter 3 ans en arrière et de revoir ma sœur. J’ai eu une soudaine envie de réagir cette fois ci, mais diverses images ont défilées. Jenna d’abord puis Caius. Qu’elle serait sa réaction s’il me voyait me porter volontaire ?? Il comprendrait j’en suis sur, mais ça l’anéantirai encore un peu plus… Une fois encore, nous avons donc laissé une petite de 12 ans partir à l’abattoir, c’est tout bonnement dégueulasse…
Je n’ai pas le temps de voir les autres tributs tant je suis perdue dans mes pensées et mes souvenirs. De toute façon cela m’importe peu, je ne compte pas les suivre, et il est hors de question que je m’attache à l’un des candidats, ça ne lui porterait pas chance…

« Je crois que les sponsors vont se déchaîner cette année ! » Bah comme tous les ans, ils ne savent faire que ça… « A présent ! Mesdames et Messieurs ! Veuillez laisser place à Kayley Smitter ! » J’ignore qui c’est et je m’en fiche totalement.

Se retourne une blondinette sortie tout droit du Capitole qui n’étais pas allée de main morte avec le maquillage, c’en était presque comique. Je soupire secouant la tête désespérée. Une tête blonde attire mon attention devant moi. C’est Hayley. Elle se met à me faire de grand signe et je fais comme si je ne l’avais pas vue, espérant qu’elle abandonnera. D’autant plus que la foule est dense, elle ne pouvait pas vraiment se frayer un chemin jusqu’à moi. Comme si de rien n’était, je me re-concentre sur l’écran et sur Caius.

« Bien … Bien ! Kayley. Bien. Vous avez comme nous tous, assisté au résumé de la Moisson. Que pensez-vous de cette année ? Des appréhensions ? Des doutes ? De l'excitation ? Dites-nous tout. Nous voulons tout savoir de ce que vous pensez par rapport à cette quatorzième édition des Hunger Games ! »

« Je pense que cette saison nous garantit de nombreuses surprises, des carrières plus forts que jamais qui risque de nous concocter des combats divertissants, des tributs courageux. Il me tarde vraiment de voir de quoi ils sont capable en condition réel, je pense qu'ils vont vraiment nous surprendre cette année. »

Dégoutée, révoltée, bouillante de rage, voilà ce que je suis de nouveau. Les tributs ne sont que des pantins pour eux, ont peut les laisser s’entre tuer, ce ne sera qu’un bon divertissement. Mais c’est du grand n’importe quoi !! C’est eux là, ces gens pompeux du Capitole qui mériteraient de se retrouver enfermé dans une arène. Les rôles devraient s’inverser pour qu’ils comprennent notre douleur. Mais non bien sur, cela ne sera jamais réalisé. Nous sommes condamnés à une éternité de Jeux car nous avons osé protester contre ce foutu Capitole et ces cinglés de dirigeant. Et nous devions soit disant désormais en payer le prix. Sérieusement, si c’était à refaire, je le ferais sans hésiter. On ne peut pas vivre dans de telles conditions. Mais une révolution ne se fait pas seule, et les gens sont bien trop effrayés pour oser lever un petit doigt. Que des moutons, que du bétail, voilà ce que nous sommes devenus…

« Que les jeux commencent ! » hurle alors la blondasse, bientôt suivi par tout le Capitole.

Qu’est ce que je disais… Que des fous. Ils ont du avoir un problème à la naissance, ce n’est pas possible, ils leurs font quelque chose. Ils leurs retirent une partie du cerveau ou un truc dans ce goût la ! Ces gens n’ont vraiment pas toute leur tête.

Je vois devant moi du mouvement. Des gens râlent et se décalent pour laisser passer des personnes. Ca se dirige vers moi. Je suis étonnée de voir que c’est Hayley. Elle ne lâche pas facilement elle ! Je me souviens que déjà quand j’avais coupé les ponts, elle n’avait pas voulu me laisser partir, et j’avais du me montrer dure avec elle. Je n’en éprouve aucun remord, c’était nécessaire, autant pour elle que pour moi. Elle arrive tout sourire avec accrochée à son bras un petit bout de chou. Je n’ai aucun mal à reconnaître sa sœur Rosalie, qui a bien grandi depuis la dernière fois que je l’ai vue… Je soupire. Je n’ai pas envie de lui parler, et sa bonne humeur et son grand sourire m’énerve. Il est tellement plus facile de l’adorer que de la haïr. Je sais qu’au fond de moi, je n’ai qu’une envie c’est d’être gentille avec elle, car elle a toujours été là dans mes pires moments, la preuve encore récemment… Mais je refuse d’être de nouveau amie avec elle. Ce serait signer son arrêt de mort. Quiconque me connait ou me côtoie est promis à une mort précoce qu’il ne mérite pas, à l’image de mes parents et de Kara. Je l’aime trop pour ça. Voilà c’est dit. Oui j’adore Hayley, ça a toujours été ma meilleure amie et ça a été une véritable torture que de lui annoncer que je ne voulais plus lui parler. Mais ce qu’elle ignore c’est que je fais ça pour son bien, je la préserve de moi et de mon aura néfaste.

C’est pourquoi, quand elle arrive, je lui lance un regard perçant et tout sauf amical, pour lui conseiller de partir, de retourner de là où elle venait, pour m’oublier. L’étonnement se lit sur ces traits, mais elle ne semble pas prête à s’en aller. Je lui dois bien ça. Elle n’abandonne pas facilement. Surtout avec moi. Elle connait bien mon caractère de cochon. Il s’est surement renforcé, mais il n’a pas vraiment changé. Je soupire, ça ne sert à rien de l’envoyer bouler devant tout le monde. Je n’aime pas me donner en spectacle, et ça la blesserait encore plus. Je rends les armes cette fois ci et me contente de dire froidement :

« Salut »

Avant de faire mine de m’intéresser à ce qu’il se passe sur l’écran.