Le carnet d'une styliste

Quand un appartement s'impose à vous...

J'habite dans le quartier résidentiel du Capitole depuis déjà deux ans. Je sais, ce n'est pas vieux, mais ce n'est pas non plus récent.
J'ai fait l'acquisition d'un petit appartement de 68 mètres carré au sixième étage d'un splendide bâtiment.
La première chose que l'on voit quand on y entre, c'est ce magnifique salon qui s'étend sur 30 mètres carré. Une cheminée en pierre se trouve au cœur de la pièce, permettant ainsi une répartition diffuse de la chaleur en hiver. De grandes baies vitrées exposées plein sud offrent une vue ahurissante sur les contres-bas du Capitole. Au loin, on peut apercevoir la forêt diffuse et éparse qui nous sépare des districts. J'ai aménagé la pièce avec un canapé moelleux à souhait d'un rouge bordeaux, d'une petite table basse en verre, d'un écran de contrôle, d'un tapis beige ultra-doux et de magnifiques rideaux en soie orangée-rouge. Mes murs sont nus, habillés de-ci et là, par des étagères en verre ou en bois ébène où des livres ou autres objets y sont rangés.
Directement à notre gauche, un escalier en verre nous permet d'accéder à une mezzanine. Quand on y grimpe, la première chose qui nous interpelle est sans nul doute cette petite fenêtre qui diffuse la lumière du jour de façon tamisée. Ensuite, on pose notre regard sur ce lit qui à l'air si confortable et si chaud... Puis, cette armoire souvent ouverte où l'on peut voir de nombreuses fringues, chaussures et autres accessoires de la sorte. Voici ma chambre.
En bas, le salon donne accès à quatre autres pièces : la cuisine qui est séparée par un bar avec le salon, un bureau, une salle de bain et un atelier.
La cuisine est de couleur caramel. Elle est bien agencée et rangée. Une table qui fait plaques de cuisson, fours et lavabo se trouvent au milieu de la pièce. Des tabourets se trouvent autour du bar.
Le bureau est simple : un canapé réversible, un bureau et une armoire. Je l'utilise souvent en chambre d'ami, lorsque Lanthane vient me rendre visite, ou El'...
La salle de bain, quand a elle est divisée en deux parties : un wc et la salle d'eau. Une grande baignoire, un lavabo, une grande glace, du maquillage ci et là, un tapis semblable à celui qui se trouve dans le salon... Simple et pratique !
L'atelier quand à lui est le seul endroit que je ne fais pas visiter ! Il est souvent en bordel, mes créations un peu de partout, des tissus éparpillés sur mes étagères... Mes esquisses et autres croquis épinglés à mes murs. C'est mon antre.

Et voilà, vous avez fait le tour de mon appartement ! Lanthane me dit souvent que je devrais prendre plus grand... Mais à quoi bon ? Je risque surtout de m'éparpiller encore plus ! Là, je n'ai que ce qu'il me faut. Que demander de plus ?

Quand nos chemins se croisent...

Pourquoi faisons-nous des rencontres ?
L'être humain a-t-il vraiment besoin de se créer des liens pour exister ? Ou bien est-ce encore une vaine tentative de notre gouvernement pour nous maintenir dans l'ignorance ? Non. Nous faisons des rencontres parce qu'elles nous élèvent, elles nous transcendent et elles nous changent à tout jamais.

Il y a de cela un an, je n'étais encore que cette petite Maë, un voile devant les yeux. Je ne voyais que ce qui m'arrangeait. Je me complaisais déjà à l'idée d'être une de ces stylistes de la 14ème édition des Hunger Games... Oh oui, j'étais heureuse ! Enfin, j'allais pouvoir montrer mes talents ! Enfin, mes créations allaient se confronter à celles de tant d'autres ! Je ne le disais pas ouvertement, moi petite marginale du Capitole. Mais je le pensais.

Je n'ai vraiment ouvert les yeux que durant ces jeux de la faim. Au début intransigeante, froide et hautaine, je n'avais pas attiré la sympathie de mes tributs.
Et puis, il y avait eu le jeune Milo... Avec qui j'avais échangé mes idées, montré mes croquis pour sa tenue de cérémonie. J'étais bloquée et c'était grâce à lui que tout était rentré dans l'ordre. Mon masque était quelque peu tombé, sans que je ne m'en aperçoive.
Et puis, il y avait eu la jeune Léa... Cette jeune fille qui était si semblable à moi : jouant ce même jeu que je m'évertuais à jouer. Je m'étais retrouvée en elle... Et une fois encore la Maë que je tentais d'être ne résistait pas, laissant la place à véritable personnalité.
Et puis, il y avait eu Ambre... A qui je n'avais pas vraiment parlé. Aujourd'hui c'est devenu un regret... Elle semblait si frêle, si innocente...

...pour mieux se séparer.

Ces trois tributs avaient été honorables jusque dans leur mort. Tous... Je les avais
tous perdu. J'espérais en revoir, ne serait-ce qu'un seul ! Mais non,
ils avaient tout les trois péri dans l'arène. Si jeunes...
A cette période, je n'arrivais pas encore à cerner ce sentiment qui me serrait le cœur et qui m'empêchait de dormir la nuit. J'en avais sauté, des repas, la faim me délaissant. Seul ce sentiment de culpabilité me rongeait. Jours et nuits.
Moi, petite styliste bien naïve, venait de se réveiller d'un long rêve bien utopique. La chute avait été terrible... Mais pourquoi tombons-nous, si ce n'est pour mieux se relever ?

Le revers de la médaille n'est pas forcément que mauvais...

"Bonjour ou Bonsoir chère styliste,

Nous avons l'immense plaisir de vous annoncer que vous être une de nos stylistes de la 15ème édition des Hunger Games. Étant désormais accoutumée à l'organisation de la préparation des tenues, je vous prierai de vous faire parvenir au plus vite, le district dont vous souhaitez vous occuper (deux choix tout au plus, si des fois un de vos collègues vous aurez précédés).

Cordialement, et puisse le sort vous être favorable,

Le Capitole"

Au final, je n'avais pas eu besoin de choisir un second district. Celui que je désirais était encore vaquant quand j'y étais allée. J'avais jeté mon dévolu sur le District 3. Les tributs ne seraient désignés que lors de la Moisson, mais je ne doutais pas en leurs capacités. Et dans le pire des cas, s'ils se révélaient être exécrables ou vantards, je n'aurais pas à me soucier d'eux une fois la cérémonie d'ouverture et les interviews achevées !

Quand j'avais reçu ce courrier des organisateurs des jeux de la faim, j'avoue être restée bouche bée pendant un petit moment. Comme si le passé - passé, pas si passé que ça - avait ressurgit devant moi, je revoyais mes trois petits tributs.
Ambre, Léa et Milo... Tout les trois avaient rendu leur dernier souffle dans ces horribles jeux ! Ils étaient à l'orée de leur vie, jeunes et inconscients. Et les voilà, morts, enterrés et oubliés... Et dire que le jeune garçon du 4 ne voulait qu'un seule chose : être inoubliable. Comme quoi, une tenue ne faisait pas tout ! Nous autres, stylistes, n'étions bons qu'à fournir des raisons à Panem de continuer à ce massacre année après année.

Alors oui, quand j'avais reçu ce courrier, je l'avais jeté. Purement et simplement. Et puis, la nuit était passée... A ce qu'on dit, "la nuit porte conseil", c'est ce qu'il s'est passé. Je pouvais être celle qui leur redonnerait de l'espoir. Même si cela ne serait qu'un mince filet de vapeur d'espérance... Je pouvais les soutenir jusqu'à ce qu'ils entrent dans l'arène. Je pouvais persuader les gens aisés - ces hypocrites du Capitole - de les sponsoriser ! Je tenais enfin une conviction... Si je n'avais pas été d'une grande aide pour Ambre, Léa et Milo, je le serais un peu plus pour mes futurs tributs !

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