Ils sont venus me chercher brutalement alors que je pleurais toujours. Ils m'ont dénudée, allongée, épilée, coiffée. Ils ont tout fait. Jamais mes ongles n'ont été si brossés, mes dents si blanches. Et je n'ai pas besoin de me voir pour y croire. On peut dire que je suis presque parfaite.
On me couvre d'un drap et me laisse, là, allongée.
J'attends. Pourquoi me fait-on patienter ainsi ? Bon, je n'ai plus qu'à réfléchir.

Pourquoi ai-je fondu en larmes tout à l'heure ? J'avais besoin de pleurer, certes, mais pourquoi devant Niko ? A moins que...Inconsciemment, mon esprit devait être prêt à lui dire mes sentiment. Mais pas moi ! Pourquoi lui dire que je l'aime, si ce n'est pour faire une croix sur le fait que l'un se laisserait mourir pour l'autre.
Je soupire et tourne la tête vers la porte qui s'ouvre, lentement. Ma styliste. Jay ! J'ai confiance en elle. Parce qu'elle a toujours soutenu les tributs dont elle s'occupe. Si elle est la même qu'à l'écran, je l'apprécierai à coups sûrs. Elle, c'est une vraie styliste.

Je souris. Je dois avoir l'air d'une pauvre gamine d'à peine douze ans, apeurée, mais réconfortée par la présence de sa mère. Pitoyable, n'est-il pas ? Mais je ne peux pas enlever ce sourire soulagé qu'elle n'aie pas démissioné ou quoi que ce soit. C'est très courant chez les stylistes. Il faut avoir les épaules de voir les tributs que l'on a pouponné se faire tuer avec une brique ou autre chose macabre.

Elle me dévisage. Oui, je sais. Mes yeux sont étrangement gris. C'est naturel, Jay, c'est naturel...Depuis quand les yeux se décolorent-ils ? Bah, il est vrai que les miens, parfois améthystes, peuvent faire peur à voir en gris, mais moi je trouve ça amusant. C'est comme l'hermine. Oui, je connais cet animal. C'est mon père qui m'a appris qu'elle changeait de pelage dès l'hiver. Une hermine, une souris des champs...Et vive les rongeurs.

Elle regarde mes cheveux, semble tout de même s'attarder sur mes yeux. Je ne les détourne pas et soutiens son regard. Même devant ma styliste, je ne veux pas être faible. Je le suis...Mais je ne veux rien laisser paraître.
Et puis elle s'approche de moi, une tasse fumante à la main. Je me demande ce que c'est - non, je n'en ai jamais vu de tel. C'est un liquide noir, presque brun...Etrange. Enfin, qui suis-je pour dire ça...Elle aussi doit me trouver bizzare.

Elle posa sa main libre sur mon front. Elle fait jeune, et pourtant, j'ai l'impression que je pourrais tout lui dire, comme avec Léa. Non, là, c'est différent...C'est très étrange. Je ne peux pas l'exprimer en mots.

"Chut...Rassures-toi. Je ne te veux aucun mal."

Avec Maryna, je crois que j'aurais sorti un ton ironique, je lui aurais déballé un truc qui irait loin et serais sortie juste avec mon drap sur le dos. Mais là, c'est toujours différent...Quelque chose, une petite voix me dit de ne pas l'agresser. Après tout, elle est là pour mon bien, pour m'attirer des sponsors. Mais Maryna aussi !
Je hoche doucement la tête, sans oser parler. La peur qu'elle entende ma voix ? Sûrement. Ma voix serait tremblante et je ne veux pas qu'elle aie pitié de moi.

"Alors Amy. Je tiens d'abord à te dire que je suis là pour t'aider avant tout. J'ai trouvé ça très courageux de te porter volontaire... Vu que maintenant je suis là, je ne veux plus te voir pleurer d'accord ? Si tu veux, tu peux même me raconter ce qui te tracasse... Mais avant..."

Elle se dirige vers ce qui me semble être une armoire - je ne la vois pas bien, comprenez, je suis encore allongée, l'objet est derrière moi. Je me lève alors mais le drap glisse. Je le rattrape et le replace juste avant que ma styliste ne se retourne et me jette des sous-vêtements. Forcément, un bas, mais...Je ne vois pas ce que peut-être l'autre. Ca a la forme d'une poitrine et je ne suis pas débile à ce point là, j'en déduis donc que ça se place ici...Mais comment ?

Jay me montre alors comment le mettre. Réflexe de jeune adolescente pudique, je me tourne et les enfile rapidement avant de me retourner. Il faut bien, même si je n'aime pas tellement qu'on me voie sans trop de vêtements sur moi. Heureusement que les préparations ne sont pas filmées. Ou bien pire encore, heureusement qu'un homme pervers n'aie pas remplacé cette merveilleuse styliste...

"Bon. Tu dois certainement connaître la cérémonie d'ouverture ? Cette parade de tributs qui donc commence les Hunger Games. Le but maintenant c'est de faire sensation. Tu vas être magnifique Amy, je vais tout faire pour en tout cas, mais vu la personne de départ il n'aura pas grand chose à faire ! Tu es très belle. "

Elle me sourit. Moi, je me sens flattée. Elle me met en confiance et m'explique. Ca fait toujours du bien...Mais, venant de mon mentor, je crois que j'aurais fais une crise...Pourquoi donc...?

"Je vais te montrer la tenue que tu porteras et on procèdera donc aux essayages d'accord ? Si tu as une peur ou une envie, n'hésite pas à m'en parler. Même une idée est la bienvenue ! Il faut que tu saches que durant cette cérémonie, tu dois attirer des sponsors, et ce pour ensuite remporter les Hunger Games, d'accord ?"

Je ne peux toujours pas parler...Dommage, j'aurais aimé exposer mes problèmes plus amplement. Non, Amy, arrête ton égoïsme...Allez, forces-toi, Amy...Dis un truc.

"C'est d'accord. On peut...On peut commencer. Euh...Où est ma robe ?"