Comme d'habitude, mes protégés une fois partis, l'étage réservé aux tribus du District 12 me semblait bien vide sans eux. Eux partis, mon job prenait un tout autre tournant. Après les avoir briefés et conseillés, je devais maintenant m'assurer de maintenir mes tribus en vie durant ces jeux. Ce travail ne s'arrêterait qu'une fois les jeux finis ou alors mes protégés décédés.

Ainsi, je me retrouvais sans plus personne à protéger. Ellie s'était bien battue mais s'était suicidée durant les Hunger Games et Valentin quant à lui, était mort dans les premières minutes du jeu pendant ce que l'on appelait communément le "bain de sang".

Une fois notre travail terminé, nous avions la possibilité de rester au Capitole jusqu'à la fin des jeux ou de rentrer dans nos districts. Je n'aimais pas ce moment du retour où l'on devait affronter les familles éplorées. Dans les districts périphériques comme le 12 où seule une mine fait vivre la population, tout le monde se connaît. Ceux qui participent aux jeux ont donc été des amis, des proches ou des gens que l'on côtoyait. C'était difficile pour tout le monde et souvent les reproches s'abattaient sur nous. On nous demandait ce que l'on avait fait, à quoi on servait. S'ils en étaient capables ils nous accuseraient même de les avoir tués. Quoi que dans les faits c'était à peu près ça. D'autres plus compatissants nous disent que ce n'est pas de notre faute, qu'on ne devait pas se reprocher quoi que ce soit, qu'on n'aurait pas pu faire plus pour eux à part aller nous-même de nouveau dans l'arène. J'aimais bien ces gens là, ils me remettaient les idées en place et m'enlevaient un peu de mes remords.

A chaque fois que l'un de mes protégés décédait je me posais plein de questions sur mon rôle dans tout cela. N'aurai-je pas pu faire mieux ? Et si je m'étais bougée un peu plus pour leur trouver des sponsors ? Mais à quoi ça servait tout ça ? Souvent je me retrouvais enfin chez moi à siroter une bonne bouteille de blanc récupérée du Capitole et je m'affalais dans le canapé face à ma cheminée pour me laisser aller à boire et oublier tout ça. Ce n'est pas facile la vie de mentor. Beaucoup oublient que nous aussi nous étions passés par là. Chaque Hunger Games nous rappelle inlassablement ce que nous avions nous-mêmes vécu, sacrifié et dû faire pour en sortir vivant. Pour moi les choses étaient un peu plus différentes car je cherchais en réalité à mourir. J'avais quasi volontairement mis en péril ma vie car je voulais retrouver ma famille. C'est difficile quand vous n'avez plus personne qui vous attend chez vous. Au final le destin en a voulu autrement et je me suis battue. Pas pour moi mais pour toutes les personnes qui m'étaient venues en aide.

Quoi qu'il en soit, comme à mon habitude, malgré la mort de mes tribus (ou retarder un peu plus le moment fatidique où je devrai rentrer), je reste dans l'appartement du 12ème étage jusqu'à la cérémonie de clôture avec l’intronisation du nouveau gagnant. La surprise n'était pas bien grande car en général il s'agissait d'un tribu de carrière. Il était rare qu'un infortuné enfant des districts périphériques gagne ces jeux de la faim.

L'avantage de cet appartement c'est, qu'étant situé au tout dernier étage d'une tour de verre, la vue était sublime. J'en étais d'ailleurs très contente car d'autres districts comme les premiers, n'avaient pas le droit à un tel luxe. De toute manière, ces gars là ne pensent à rien d'autre qu'à s'entraîner et tuer alors la vue vous pensez bien...

J'avais installé un fauteuil en face d'une baie vitrée pour contempler la journée passer avant d'aller me préparer pour les festivités du soir (pleins de réceptions et bals étaient organisés au Capitol et en général les Mentors les plus populaires y étaient conviés et disons que j'avais fait mon petit effet lorsque j'avais gagné les 11ème jeux). Soudain j'entendis comme frapper à la porte. Quelqu'un venait-il donc s'aventurer aussi haut ?


N'attendant plus personne, ni sponsors ni autre, j'étais un peu étonnée de recevoir de la visite. J'allais donc ouvrir la porte pour en savoir un peu plus.

En ouvrant la porte je fus stupéfaite de tomber nez à nez avec Lucia Elbereth, la mentor du district 7. La jeune femme était magnifique dans une robe noire, parfaitement maquillée et chaussée. Sa beauté froide m'avait toujours étonnée. Ses cheveux longs étaient attachés soigneusement en une queue simple mais sophistiquée du fait que l'attache n'était rien d'autre que ses propres cheveux enroulés (je l'ai remarqué lorsqu'elle est entrée dans l'appartement). Visiblement elle devait revenir d'une interview sans doute avec Noah le présentateur fétiche des Hunger Games, un jeune ambitieux que j'admire beaucoup.

Je n'avais pas le plaisir de connaître Lucia personnellement mais je savais qu'elle était mentor depuis longtemps. Bien plus longtemps que moi d'ailleurs car j'ai eu à affronter des protégés qu'elle avait d'ailleurs très bien conseillé. Ils m'avaient donné du fil à retordre. Elle était réputée pour faire du bon travail et du reste, je m'échinais à faire de même avec mes tribus. Néanmoins il était malheureusement rare qu'ils aillent loin dans la compétition étant donné que nos districts périphériques n'étaient pas dotés d'écoles d'entraînement en vue de préparer les Hunger Games comme l'étaient les districts dits de carrière.


D'un voix suave elle me salua et demanda à me parler. Je lui répondit d'une voix alors aussi douce et aimable que possible même si je me demandais vraiment ce que la mentor du district 7 me voulait en l'occurrence.


- Bonsoir Lucia. Bien sûr, entres je t'en prie.


Je joignis alors le geste à la parole en l'invitant à entrer. Je l'ai laissé attendre quelques instants, profitant de ce laps de temps pour admirer l'appartement luxueux et moderne du 12ème étage pendant que je m'échinais à ranger le fauteuil que j'avais préalablement déplacé.


L'appartement était meublé de manière très moderne. Décoré dans des tons neutres tels que le gris et le blanc, on remarquait aisément que la décoration était neuve, soignée et pour le moins extrêmement propre. Je ne me sentais pas vraiment chez moi dans ces appartements notamment à cause de la froideur que dégageaient les lieux en particulier. Les pièces étaient divisés en espaces. Ici il n'y avait pas de cuisine (les muets apportant et servant le repas qui était cuisiné au rez-de-chaussée j'imagine). Il n'y avait d'ailleurs que de rares portes comme dans les chambres. Ainsi, à chaque espace sa fonction. On y remarquait un salon, près d'une espèce de petit hall d'entrée. Il était composé d'un canapé et de fauteuils de type moderne très confortables. Une table basse était en verre avec une petite plante dessus, sans doute pour décorer et au mur d'en face un écran de télévision, plat et encré dans le mur. C'était de là que nous regardions les rediffusions des interviews avec nos tribus et surtout les notes qui leur étaient attribuées à la fin de leur période d'entraînement.


A gauche se trouvait ce qui s'apparentait à une salle à manger. Elle était faite d'une grande table de verre, entourée de chaises blanches, rembourrées de velours rouge. Il y en avait en tout et pour tout 8 mais on pouvait faire rajouter une table et des chaises si on recevait des sponsors. Dans cet immeuble tout était étonnamment possible. C'était assez inhabituel pour quelqu'un comme moi des districts périphériques. Je dois admettre que même si je vis dans de meilleures conditions qu'avant, j'ai tout de même beaucoup de mal à me faire au luxe du Capitole lorsque je viens ici chaque année.


En face se trouvaient les chambres avec des dressings gigantesques pour chacun, des tas de miroirs pour permettre aux équipes de préparation de travailler mais c'est un espace déjà beaucoup plus personnel.


- Hum... A te voir Lucia je dirai que tu sors d'interview. Assis-toi je t'en prie, fais comme chez toi.


 Je lui désignais la partie salon de l'appartement où j'étais certaine que les fauteuils moelleux répondront sans doute aux appels de secours de ses jambes que les talons qu'elle portait devaient la faire horriblement souffrir. J'examinais son visage tout en m'asseillant moi-même et je cru remarquer chez elle une certaine gêne. Je me demandais de plus en plus ce qu'allait concerner cette conversation et j'avais hâte d'en savoir plus à vrai dire mais je saurai être patiente.


- Que me vaut le plaisir de ta visite ? Souhaites-tu boire ou manger quelque chose ?


Je l'interrogeais du regard tout en restant attentive à ses réponses. Lucia était de réputation quelqu'un de calme et de raisonnable je ne me faisais pas d'inquiétude, cette conversation resterait sans aucun doute cordiale et sympathique. Les choses auraient sans doute été différentes si elle avait été du district 1, 2 ou 3. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai toujours eu un don pour me faire des ennemis des tribus de carrière. J'imagine qu'ils nous sous-estiment sans doute en nous prenant tous pour des insectes dont ceux qui ont réussi les Hunger Games n'ont été que des chanceux. Je ne partage pas cet avis personnellement et j'ai toujours remarqué que les tribus des districts périphériques avaient toujours eu beaucoup plus de mérite à gagner ou de plus belles morts car elles traduisaient, arrivé à un certain stade du jeu, tout le courage dont ces personnes faisaient preuve et j'avais toujours admirés mes tribus pour ça. Ils mouraient toujours dignement.