Ellana est on ne peut plus commune. Petite, aux cheveux bruns qui paraissent parfois noirs, parfois blonds – tout est une question de luminosité en fait – elle fait bien plus jeune que son âge, et il n’est pas rare qu’on lui donne neuf ou dix ans. Notre petite demoiselle aime s’habiller de couleurs neutres, qui se fondent dans l’environnement sylvestre, endroit où elle passe beaucoup de temps, il faut le dire. Elle est petite et relativement fine, mince, pour ne pas dire maigre, même si elle réussit à avoir son quota de viande par son braconnage aussi intensif qu’illégal, même si elle est heureusement couverte par les adultes de la Souricière, marché noir du District Sept, toujours impressionnés de voir tout ce qu’elle peut ramener. Ses cheveux sont la plupart du temps attachés en une tresse lâche. Quand on la voit, on la sous-estime, on la prend pour une petite fille faible, légère comme une plume et relativement fragile, qu’une bise du zéphyr pourrait tuer aussi sec. Et pourtant, c’est tout le contraire, car Ellana est l’image même de la liberté autonome et suffisante.

Notre petite demoiselle tient farouchement à sa liberté. Elle ne veut dépendre de personne et ne veut laisser personne dépendre d’elle. Elle aime le chant du vent, la mélodie des oiseaux, le murmure de la nature, la symphonie de la forêt. Elle est assez solitaire et peut passer des heures assise à la cime d’un arbre pour écouter les oiseaux chanter. La petite est vive, agile, discrète, rusée comme un renard. Quand elle a décidé d’être discrète, elle se transforme en rêve, en ombre, et l’entendre devient difficile. Les arbres sont son élément, la forêt garde une place privilégiée dans son cœur, et une fois armée d’un poignard et d’un arc, El peut se montrer redoutable, d’une précision mortelle. Elle aime le travail fait sans fioritures et sans ratures, les effusions de sang ne l’attirent pas. Elle ne tue pas de sang-froid, sauf quand sa vie s’en trouve menacée d’une manière ou d’une autre, comme le danger ou le manque de nourriture. Si elle est très curieuse, elle est également très réfléchie, et son esprit aussi acéré qu’une lame de rasoir la sort de situations compliquées un peu trop souvent à son goût. La petite est redoutablement méfiante, et elle n’accorde aucun crédit aux paroles des hommes, bien qu’elle les écoute et qu’elle en tienne compte si vraiment les paroles entrent en résonnance avec son instinct animal exacerbé. Ellana apprécie d’être bien entourée, sans non plus être trop entourée. Elle préfère être seule que mal accompagnée. Elle a un grand frère, qui lui a formellement interdit de prendre des tesserae aux Hunger Games, mais qui lui en a pris. Pour le moment, Ellana se plie à sa volonté et continue de braconner en priant pour que ni elle ni son frère n'aillent aux Hunger Games. Loin d'être une folle furieuse qui se jette au devant du danger, Ellana mise tout sur sa vivacité hors normes et son don inné pour le camouflage, qui lui permet de disparaître dans le plus petit des coins d'ombre du monde pour passer inaperçue.

Ellana avait à peine quatre ans quand son père la prit à part pour lui tenir un discours pour la préparer aux Hunger Games, et faire d’elle une chasseresse plutôt qu’une proie sans défense. Bien qu’elle ne comprenne pas ce que voulait lui expliquer son père, elle accepta de le rejoindre dans la forêt après l’école pour qu’il lui apprenne les bases de la survie. Rapidement, et illégalement, son père fit d’elle une petite carrière pour le cas où elle serait envoyée dans l’arène. Il commença par lui apprendre le combat, et très vite, El comprit qu’elle préférait franchement les armes courtes, comme les poignards, ou encore les arcs, épreuve dans laquelle elle se confirma très vite, capable de toucher une feuille en pleine chute à deux cent mètres de distance, renversée dans un arbre et accrochée par les jambes à une branche solide. Son frère s’entraînait avec elle, mais de mauvaise grâce, comme s’il voyait ça comme une corvée. Ellana, elle, adorait ça. Cette sensation de liberté qui la parcourait à chaque fois qu’elle se faufilait dans l’ombre des gens sans qu’ils ne la voient, qu’elle passait près d’eux comme un rêve, sa main si proche de leur bourse qu’elle aurait pu leur voler … Mais on ne fait pas comme ça dans la famille. Sa mère travaillait à la sueur de son front dans une usine de papier, son père faisait de la charpente, son frère et elle allaient à l’école. Leurs avenirs semblaient tous tracés mais Ellana ne s’y résignait pas. Elle ne voulait pas travailler le papier, elle voulait de la nature, de la chasse, des arbres, de la forêt, la liberté quoi. Elle ne se doutait pas que son indépendance, elle l’aurait très rapidement …

Quand elle eut sept ans, son père mourut bêtement, en se prenant les pieds dans des bouts de bois et en tombant. Coup du lapin, mort propre et nette. Sa mère sombra dans la dépression, et après avoir vaincu son propre deuil, Ellana recommença à vivre. Son grand frère dut arrêter l’école pour aller travailler les charpentes et ramener de l’argent dans la petite maisonnée. Ellana, après l’école, décida de commencer le braconnage. Auprès d’un vieux chasseur de la Hutte, elle apprit l’art des collets, perfectionna son tir à l’arc et commença à s’aventurer seule dans la forêt, tuant lapins et oiseaux qui se dressaient sur son chemin, ramenant le tout à la Souricière pour se faire des sous et ramener la plus chétive de ses prises à la maison pour qu’ils puissent manger. Son frère prit des tesserae, et Ellana commença à prier pour qu’il ne parte pas aux Hunger Games à cause de ça. Elle s’éduqua toute seule, ne comptant pas sur sa mère qui se complaisait dans sa tristesse, regardant la chaise vide en face d’elle avec des yeux vides et creux. Petit à petit, Ellana se transforma en créature de la forêt. Elle abandonna les robes miteuses dont on l’affublait pour revêtir des vêtements en peau, verts et marrons, se fondant avec brio dans la forêt. Elle apprit le langage des oiseaux, le grondement des chiens, le hurlement des loups, tout comme le langage des hommes, l’argent. Bien sûr, elle n’arrêta jamais l’entraînement que son père lui astreignait depuis ses quatre ans, continuant sa gestuelle, sa danse de tous instants. Elle apprit à lancer des couteaux les yeux fermés, esquiver, danser, feinter, se jeter au sol, rouler, bref, être intouchable. Il faut bien, car maintenant Ellana a douze ans, et pour elle, les Hunger Games commencent. Evidemment, il y a une infime possibilité que ça tombe sur elle. Que la chance lui soit favorable !