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One by one

L'air surpris de Lucas me fait sourire. Etre imprévisible. Dans l'Arène, cela peut faire toute la différence. Ne jamais laisser deviner à l'autre ce que l'on compte faire. Le surprendre par ses gestes et ses paroles. C'est ce que j'ai fait. C'est ce qui fait aussi ma force. Je garde mes yeux braqués sur le visage du tribut du district 8 et continue de mâcher mon sandwich. Il s'avance, lentement et prudemment. Lucas, hein, pas le sandwich. Comme une gazelle se demandant si le lion est sérieux lorsqu'il propose la paix. Ouais, je sais, drôle de comparaison. C'est la seule qui m'est venue à l'esprit. Lucas continue de s'approcher de moi. Il empeste la méfiance à des kilomètres. Je voix différentes émotions traverser ses yeux. La peur, le doute, la détermination, puis de nouveau le doute. Il finit par s'asseoir à bonne distance, assez près de moi tout de même pour prendre le sandwich que je lui tends. Il le goûte pendant que je termine le mien. Mes yeux ne quittent pas son visage, et c'est pour cela que je remarque qu'il fixe quelque chose derrière moi, quelque chose ou quelqu'un qui le surprend. Je n'ai rien entendu, et je me méfie d'une feinte de sa part. Mais comme on n'est jamais trop prudent, je jette un coup d’œil en arrière. Lucas en profite pour brusquement se rapprocher de moi, la lame de sa machette très proche de mon cou. Mon regard reviens lentement se poser vers son visage. J'aurais du m'en douter. Pourtant, malgré le fait qu'il puisse me tuer maintenant, il ne le fait pas. Cette hésitation me fait sourire. Il sait que je peux lui être utile. Ce serait dommage de gâcher ça. Mon rictus amusé semble encore le surprendre. Pourtant, sa voix est ferme lorsqu'il prononce ces quelques mots. « Pas un geste. » Je redresse un peu la tête, un air de défi sur le visage. Il fait le fier, mais je lit ses émotions sur son visage aussi facilement qu'un livre ouvert. Encore le doute. Toujours le doute. « Donne-moi trois bonnes raisons de ne pas te tuer et je ne le ferai pas. » Je hausse un sourcil et mon sourire s'élargit. S'il n'avait pas peur de moi, s'il n'avait pas besoin de moi, il ne me ferais pas cette proposition. Il veut passer pour magnanime, mais cela ne fonctionne pas avec moi. Son regard passe de mon visage à ma main droite, celle qui tient ma machette. Mais malgré ces précautions, il ne voit pas venir mon arme, dont la lame vient se poser contre son cou, à la manière de la sienne. Je prends la parole d'une voix calme et posée. « Pourquoi me laisse-tu cette chance, Lucas ? Aurais-tu peur de moi ? Tu sais que les hésitations de ce genre sont très mal perçues dans l'Arène. Alors pourquoi ne m'as tu pas tuée tout de suite ? Aurais-tu compris que tu as besoin de moi ? Mais maintenant, c'est trop tard pour agir. Car si tu esquisse un seul geste, je te tranche moi aussi la tête. Et je n'hésiterais pas. Pour Valentin. Tu sais, celui que tu as assassiné avec une pierre. Le jeune et naïf Valentin. C'était une proie facile, pas vrai ? Si maigre, si faible, venant du 12... » Je sais déjà quelles raisons je peux lui donner, mais je préfère ne pas les lui dire maintenant. Je fais un peu durer le jeu. Je sais qu'il ne me tuera pas parce qu'il n'est pas stupide et qu'il a compris que je peux lui être très utile. Je sais qu'il ne me tuera pas parce qu'il a bien compris qu'il n'aurait pas beaucoup de chances de sortir vivant de notre combat. Je sais qu'il ne me tuera pas parce qu'il sait très bien que je me défendrais corps et âme et que je n'hésiterais pas une seule seconde, comme lui vient de le faire, à le tuer. Etant donné que j'ai juré de venger Valentin. « Donne moi trois bonnes raisons de ne pas te tuer et je ne le ferais pas. Je te donnerais les miennes par la suite. » dis-je d'un ton faussement désinvolte en reprenant ses mots exacts. Je crois discerner un nouvel éclair de doute et de peur dans ses yeux. « Alors ? » continué-je avec un sourire carnassier et des yeux moqueurs.

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Un sourire naît sur le visage de Lucas. Cherche-t-il à me déstabiliser ? Je ne rentrerais pas là-dedans. Je cesse de sourire, mais mes yeux restent moqueurs. « Elie, Elie... » commence le tribut du 8 en gloussant. « pourquoi tant de haines ? » Je ne me sens pas si haineuse que ça, moi. C'est lui qui a déboulé en me menaçant, avant de se calmer lorsqu'il s'est rendu compte que je n'étais pas si faible qu'il le pensait. « Tu l'aurai fait si tu étais à ma place. Ne ment pas. Je ne l'ai pas fait par plaisir. Il s'est interposé à moi. » Mes yeux s'assombrissent brusquement. C'est étrange, je n'ai pas le souvenir que Valentin se soit interposé à Lucas, mais plutôt le contraire. Pourquoi n'assume-t-il pas sa faute ? Pourquoi cherche-t-il absolument à se justifier ? Il s'est jeté sur Valentin pour le tuer, point. Pas la peine de se chercher des excuses. C'est précisément ce genre de réactions qui me filent la nausée. « Et puis après tout, on est tous dans le même bateau tu te souviens ? » Il fait référence à notre première rencontre, dans le lieu de regroupement, un terrain sec et chaud sur lequel les 12 districts étaient rassemblés lors de la chute de la météorite. Notre échange avait été plutôt virulent au début, puis nous avions appris à nous connaître mutuellement. J'ai apprécié le Lucas du district 8, celui avec lequel j'ai parlé là-bas. Le gars qui se trouve devant moi n'est pas la même personne. « Tu veux savoir mes raisons ? Ce n'était pas à toi de me les dire d'abord ? Mais soit, je reconnais qu'à présent, je suis tout autant à ta merci. Je veux donc bien te donner mes raisons. Puisque tu y tiens tant que ça. (trop aimable) Mais pas d'entourloupes, ou tu tombera avec moi. » dit-il, toujours en souriant, avant de mimer l'égorgement. Le public doit s'enflammer. Commencer à parier. Ma mère et ma sœur doivent trembler. Mais je suis quasiment sûre qu'il n'y aura pas de combat. Le point négatif, c'est que cela risquerait de décevoir le Capitole, et les Juges pourraient nous envoyer un piège aussi sec, histoire de se venger. Peut-être que tuer Lucas sera plus sécurisant pour moi. Mais voilà, le problème, c'est que nous sommes coincés. S'il me tue, j'en fait tout autant, et c'est réciproque. Et je n'ai pas particulièrement envie de tomber comme ça. Que faire ? « Je pense » commence Lucas, interrompant ainsi le fil de mes pensées « que tu n'es pas l'adversaire prioritaire à éliminer dans l'arène. Il y'en a d'autres, qu'il faudrait tuer. Joseph Grey. Ou Billie Goldsnow. Le reste des tributs sont loin d'être les plus forts, si on élimine ces deux la, on a déjà plus de chances de gagner. Si je te tue, je perd quelqu'un qui pourrait m'aider à tuer les deux plus forts. Tant qu'ils sont la, t'éliminer n'a pas énormément d’intérêts. Ça, c'était la première raison. » Il n'a pas tord. J'y ai aussi pensé. Lucas n'est pas le plus dangereux pour l'instant. Mes yeux sont fixés dans les siens, et je remarque qu'il se décale sur le côté. Je fais mine de ne pas l'avoir vu et attend qu'il reparte sur sa lancée. « Ma deuxième raison, moins importante, c'est les réserves que tu possèdent. On pourrait trouver un moyen de faire un échange non ? Pourquoi directement la manière barbare ? J'ai pas mal d'objets intéressants dans mon sac. Je suppose que toi ici. » Mmh. Sauf que je pourrais aussi bien le tuer et me servir dans sa mallette, tandis que lui aura bien plus de mal à trouver ma cachette. Pourtant, Lucas semble bien sûr de lui... Il me sous-estime encore. Il pense que je suis faible. Certes, je suis maigre, mais mes muscles n'ont pas fondu, et lui aussi a perdu pas mal de poids. Il pense encore sans doute m'avoir facilement, mais il ignore la force que j'ai. Il ne m'a pas vu à l'oeuvre. Une idée me vient en tête. Paraître plus faible que je ne le suis réellement. Cela pourrait me donner un avantage. Il se méfiera sans doute de moi, mais moins qu'il ne devra réellement le faire. Il aura l'impression de m'utiliser, mais ce ne sera pas le cas. Peut-être qu'au final, ce sera moi qui tirerais les ficelles. « Ma troisième raison et non pas la moins surprenante et ça vaut le coup pour toi aussi : si je te tranche la gorge, tu me tranche la gorge. Et si tu me tranche la gorge, je le ferai aussi. Tu voudrais vraiment mourir en me tuant ? Ce serait con quand même. Tu risque peut-être de décevoir ... Mia c'est ça ? Elle n'était pas avec toi ? » Mon regard se fait plus dur, et Lucas semble s'en apercevoir. Bon. Il a vu que Mia était un point sensible. Grand bien lui fasse. Mais qu'il n'essaie pas de m'apitoyer avec ça. Mia n'est plus. Et si sa mort est difficile à accepter, je n'ai plus vraiment le temps d'y penser. « Alors, convaincue ? » termine-t-il avant de s'emparer d'un pierre proche. « Je pensais que tu allais me trancher la gorge si j'exécutais ne fut-ce qu'un seul mouvement ? Il me semble que c'est ton tour. » Je lui adresse un fin sourire, sans chaleur. Puis, brusquement, j'éloigne sa machette de mon cou avec mon avant bras. Puis je continue de la pousser jusqu'à ce que sa main touche le sol. Avant qu'il ait pu réagir, je pose mon pied sur sa machette, de façon à ce qu'il ne puisse plus la bouger. « Premièrement, laisse moi te dire que je n'aime pas les menteurs. » Je préfère ne pas revenir sur l'épisode avec Valentin. Il a sûrement compris de quoi je parle. Et je sais qu'il n'a pas totalement tort : Valentin serait mort à un moment où à un autre. Mais ma phrase était un avertissement. « Ensuite, si je ne t'ai pas égorgé tout de suite, c'est parce que je suis convaincue. » Je ne le suis pas tant que ça, convaincue. Mais autant lui faire croire le contraire. « Quant à mes raisons, ce sont les mêmes que les tiennes. Joseph et Billie. L'échange d'objets. Si tu me tues, je te tues, et inversement. » Phrases simples, qui n'auront pas de mal à monter jusqu'à son cerveau. Je me redresse et m'écarte légèrement de Lucas, déplaçant par la même occasion mon pied, ce qui a pour effet de relâcher sa machette. Je sais que j'aurais pu le tuer, dans cette position. Il n'aurait rien pu faire. Et pourtant, je ne l'ai pas fait. Suis-je réellement faible ? Non, je ne suis juste pas stupide. J'ai besoin de lui, autant que lui a besoin de moi. Mais si Lucas pense que je suis faible, grand bien lui fasse. Cela m'arrange. « Que ce soit clair, si je ne t'ai pas tué maintenant, c'est parce que j'ai moi aussi besoin de toi. Nous pourrons échanger certains objets et nous entraider pour tuer ceux que nous devons tuer. Rien de plus. Chacun de nous suivra ses propres lois. » tirade prononcée d'un air de défi. Je crois voir passer une lueur moqueuse dans ses yeux. Il doit penser que je fais la fière pour cacher ma faiblesse. Parfait. Je tends ma main vers lui. « Dis-toi bien que si tu serre cette main, cela veut dire que tu me fais confiance. Que tu ne me mettra pas de couteau dans le dos tant que nous n'aurons pas tué Joseph et Billie, si nous y parvenons. » J'ai fait exprès de ne pas prononcer le mot "alliés". Je crois qu'il n'aime pas trop cette idée. Je laisse passer un peu de temps puis lâche un « Je te fais confiance, Lucas. » en murmurant. Je suis plutôt bonne dans le rôle de la petite fille innocente et faible. Malgré tout cela, je sais qu'il se méfiera de moi. Mais pas assez. Ce que j'ai dit est tout de même sincère : je ne le trahirais pas non plus. Je ne suis pas stupide. Mais si nous devons combattre, je pourrais facilement le surprendre. Je garde ma main tendue vers lui, mon autre main tenant toujours ma machette, en attendant de voir s'il va accepter mais également prête à parer toute attaque.