Allongée sur le lit moelleux, je joue avec une manette dont j’ignore l’utilité pour m’occuper les mains et l’esprit. Me voilà à nouveau au Capitole ! C’est reparti pour un mois de bons petits plats, de lits hypers confortables, de massages à volontés, de douches parfumées à ce que je veux, de jolies robes, de chocolat au noisette … Pas qu’au district je vive dans la misère, c’est même tout le contraire, mais rien n’égale le Capitole pour tous ces points et bien d’autres. Je soupire d’aise. Qu’est ce qu’on est bien ! Je tourne et retourne la manette entre mes doigts. De forme un peu ovale, avec un bouton rond au milieu et quarte autres autour. Elle était posée sur ma table de nuit et n’était pas là l’an dernier. Intriguée, je presse sur le bouton. A peine mon doigt l’a-t-il effleuré qu’une douce musique s’échappe des murs de la pièce – ou du moins c’est l’impression que ça donne tant on dirait qu’elle vient de partout à la fois. J’appuie sur le bouton de droite et la mélodie change.

Je joue un moment avec la musique, augmentant le volume, changeant de chanson, baissant le volume, l’augmentant de nouveau … Jusqu’à ce que l’occupation me lasse. Je dessinerais bien, mais il faudrait surement que je sorte de ma chambre et que j’aille voir comment se portent mes deux tributs – la fille un peu suicidaire qui s’est portée volontaire, et le garçon qui me semble un peu timide et renfermé, mais peut-être n’est ce qu’une impression.

J’arrive tout de même à me convaincre de bouger de ce lit qui m’attire comme un aimant. Je m’étire longuement, pioche dans mon placard plus que fourni une jolie robe rouge made in Capitole et enfile des chaussures. Bon, maintenant … mes tributs. Je passe la porte de ma chambre et m’avance jusqu’au salon. Aucune trace ni de l’un ni de l’autre. Ils doivent être dans leur chambres, à se morfondre sur leur sort, à pleurer leur famille, ou bien tout simplement à dormir ou découvrir les milles et une merveilles du Capitole. Du coup, la voie est libre. Je traverse l’étage pour rejoindre l’ascenseur. Sortir et prendre l’air me feront le plus grand bien. Après, il va falloir que je leur donne des conseils. Mais pour leur dire quoi ? Qu’il faut qu’ils se fassent à l’idée de tuer et de mourir dès maintenant ? Ca risque de beaucoup les aider. Mais bon, j’aviserais plus tard. Pour l’instant, je veux me détendre.

Dans l’ascenseur, j’appuie sur le bouton pour le rez-de-chaussée. J’aurais aussi pu aller sur le toit pour profiter de l’air frais, mais à tous les coups, il sera bondé de tributs, étant donné que ceux-ci ne peuvent pas sortir du bâtiment. En effet, ils sont eux obligés de rester enfermé ici. Et je n’ai pas spécialement envie d’être entouré de ces mômes aux portes de la mort. Non, vraiment, j’ai envie de sortir, pour me changer les idées et acheter du chocolat. Certes, je pourrais me le faire amener sans aucun problème dans ma chambre par une muette, mais je n’aurais pas le plaisir de humer l’odeur de la chocolaterie, de comparer les différentes sortes, et de me balader.

En quelques secondes à peine, l’ascenseur a rejoins le hall, sans secousses. Celui-ci est presque vide, à l’exception d’une standardiste à l’entrée, de deux ou trois Capitoliens, -stylistes, journalistes ou autre – et d’une autre personne qui retient mon attention. Une jeune fille il me semble. Elle a les cheveux auburn, comme les miens, et n’est donc vraisemblablement pas d’ici. Tribute surement donc. Intriguée par cette demoiselle, je laisse momentanément tomber mon idée de sortir et m’approche. Puis, tout sourire, je me place devant elle en lui lançant un « Bonjour ! » enjoué. J‘incline la tête sur le côté, guettant sa réaction. Peut-être va-t-elle se demander ce que cette folle peut bien lui vouloir. Moi même je ne le sais pas, mais j’avais envie de lui parler. Surement à cause de ses cheveux, flamboyants comme les miens.

J’ai clairement l’impression de déranger la demoiselle, mais l’idée de partir et de continuer mon chemin ne me vient même pas à l’esprit. Je ne suis pas une chieuse, non non, mais j’ai envie de lui parler à elle, maintenant. Qu’importe si elle n’en a pas envie. Au moins savoir qui c’est. Elle m’intrigue. Mais elle ne daigne même pas tourner la tête, et me répond d’un ton las, quoiqu’avec un soupçon de colère et d’énervement. « Si vous êtes là pour me ramener à mes stylistes ou que vous êtes amis avec mon équipe de styliste vous devriez allez vous pendre. » De quoi ? Je ne me formalise pas de ses paroles, mais je n’en suis pas moins étonnée pour autant. La ramener à ses stylistes … Elle s’est … enfuie ? En même temps, je la comprends très bien : Se faire tripoter dans tous les sens n’a pas non plus été pour moi le moment le plus agréable de mon premier séjour capitolesque. Mais ça confirme donc mon hypothèse que c’est une tribute. Ce sera donc une de ceux qui lutteront contre mes deux ‘protégés’ dans l’arène. Peut-être même elle qui les tuera. Elle l’a l’air au premier abord d’avoir un sale caractère et d’être assez insolente et déterminée. Que demander de plus pour faire un tueur parfait ? De plus, elle est assez grande et doit avoir facilement seize ou dix-sept ans, et je peux deviner des muscles derrière ces vêtements. Non, vraiment, elle a ses chances. Quoique … si elle ne passe pas par la case ‘styliste’, elle risque de perdre de potentiels sponsors pour le défilé. Mais je suis sure qu’elle pourra sans problème défendre sa peau toute seule un moment dans l’arène.

Une autre question s’impose à mon esprit : De quel district vient-elle ? Du un, du deux ou du quatre ? A-t-elle l’air d’une carrière ? Peut-être, je ne sais pas ? Elle ne vient surement pas d’un district trop périphérique, elle n’a pas l’air trop sous-nourrie. Pas du Six, je serais au courant sinon. Le Trois ? Le Cinq ? Le Sept ? Qui sait, elle peut venir de n’importe où en fait.

Un « Bonjour. » de sa part me tire finalement de mes pensées et me fait redescendre sur Terre, au milieu du Hall. Tiens, j’ai même le droit à une salutation ? Elle ne voulait pas que j’aille me pendre ? Bon, elle n’a pas l’air spécialement emballée de me parler, mais on va faire avec. Je lui offre un grand sourire, et répond, la voix légèrement amusée :

« Tiens, alors comme ça, on se cache dans le Hall pour échapper aux stylistes ? C’est pas bien ça ! » Je ne peux m’empêcher de pouffer. « Mais ne t’inquiètes pas, je ne dirais rien. Je ne vois pas pourquoi je t’y ramènerais d’ailleurs, tu es grande, et tu fais ce que tu veux ! » Après tout, qui a décrété que les tributs ne pouvaient pas venir se réfugier ici s’ils ne supportent plus la tête de leur équipe de préparation ? Aucune loi ne stipule de clauses de ce genre il me semble. Elle aura peut-être des problèmes avec sa mentor et son styliste, mais ça, c’est elle qui gère, je n’en ai rien à faire. Si elle aime se faire passer des savons …

« Mais je dois t’avouer que je n’ai pas spécialement envie de me pendre aujourd’hui. J’ai encore d’une vie à profiter, et des tonnes de nouvelles sortes de chocolat à goutter. Mais pourquoi pas un autre jour ! » J'accompagne ma réponse d'un clin d’œil. Je ne sais pas si elle à le sens de l’humour ou pas, mais bon, au vu de la première phrase qu’elle m’a adressée, je pense qu’elle va saisir l’ironie. J’enchaine donc, en sautillant devant elle comme une gamine : « Dis, dis, diiiiis ! De quel district viens-tu ? »