Saya est une jeune femme à l'apparence robuste, tant physiquement que mentalement. Il faut dire que pour avoir gagné les Hunger Games sans sombrer dans la folie ni l'alcool, elle ne peut que donner cette impression. Mais évidemment, les choses ne sont pas si simples. Plutôt grande et élancée, la jeune femme possède un physique plutôt appréciable, malgré les quelques cicatrices qui parcourent son corps, restes funestes de son expérience dans l'arène. Ses cheveux sont blonds, et lisses, et ses yeux sont bruns, et si au premier abord son visage ne laissent filtrer que quelques émotions, tel qu'une certaine joie ou en tout cas de la sympathie, on pourra toujours lire au fond de son regard une certaine tristesse et souffrance, invisible au regard lambda. Comme si rien ne s'était jamais passé. Et elle fait de son mieux, toujours, pour paraître joyeuse et heureuse, pour ne pas s'effondrer.
Elle a le caractère assez fort pour ça, même s'il s'agit d'une épreuve de chaque instant. Particulièrement intelligente, elle a conscience qu'elle ne peut pas faire n'importe quoi maintenant qu'elle a gagné son Hunger Games, et se retrouve donc obligée de jouer le jeu (encore une fois) du Capitole et d'aller dans son sens. Pourtant, elle espère secrètement pouvoir, un jour, trouver un moyen de faire changer les choses, même si elle a rapidement compris que pour ça, c'était la mentalité des gens qui devaient changer. Mais à elle seule, elle ne pourra jamais rien faire. Elle cherche donc plus ou moins désespérément un moyen de faire changer les choses, bien que la discrétion imposée par ce fait la freine énormément. Elle a un problème d'hypermnésie, ce qui fait qu'elle se souvient d'énormément de chose et n'a pas le choix de faire preuve d'un esprit de synthèse et d'une organisation particulièrement rigoureuse dans sa vie de tous les jours, pour ne pas sombrer dans la paranoïa la plus complète. Elle a d'ailleurs eu beaucoup de mal à ne pas le faire au cours des précédentes années et a dû faire preuve d'un contrôle d'elle-même particulièrement poussée.
Plutôt solitaire, elle n'apprécie que peu la compagnie des gens et peut se montrer particulièrement cruelle, voire violente, avec les personnes qu'elle considère comme gênante. Elle a beaucoup de mal à se gérer depuis la Hunger Games, et encore plus à se lier. Elle s'est vraiment beaucoup renfermée sur elle-même après ça. Elle a réellement de la chance de ne pas avoir perdu complètement la tête en un sens, surtout vu les nombreux facteurs qui auraient pu l'y amener.
Sinon c'est une personne particulièrement intéressante, cultivée, qui sait de nombreuses choses parfois particulièrement étonnantes, surtout dans la société actuelle. Plutôt tactile à l'origine, elle a du mal à faire la part des choses entre ça et son besoin de solitude, supportant encore moins les grands groupes de gens. Elle doit beaucoup prendre sur elle pour y faire face quand elle n'a pas le choix. Et en général il sera plus simple d'entrer en contact avec elle seul à seul après qu'elle ait eu une rencontre dans la journée avec un groupe d'individu.
Elle apprécie beaucoup la musique, et chante elle-même, bien qu'elle le fasse plus sans y prendre gare, quand elle est occupée à quelque chose ne nécessitant pas d'attention particulière de son attention. Elle a beaucoup de mal à ne « rien faire », sinon.

« Dis, Saya, si tu devais être choisie comme Tribut, tu ferais quoi ?
- Je ne sais pas, Yann. Je gagnerai, sans doute. Et toi ?
- A ton avis ! » répondit Yann avec un grand sourire.

Si j'avais su à l'époque à quel point ces mots seraient vrais, sans doute ne les aurais-je pas prononcé. Car il font partis de ces destins auxquels on ne peut échappés, ces prophéties qui nous poussent à donner le meilleur de nous-même pour en revenir, en nous faisant commettre le pire. Parce qu'à ce moment là encore, « tout allait bien », comme certains disaient.

Je suis née et j'ai grandi dans le huitième district. Sur la brèche, nous n'étions pas un de ces districts où les gens crevaient dans leur misère et leur boue. Mais nous n'étions pas de ceux, chatoyants, qui brillaient à la lumière des Hunger Games. De ceux qui permettaient à leurs jeunes enfants de revenir en vie. Ou du moins d'essayer de le faire réellement, avec des espoirs de réussite. Quoiqu'il y en avait si peu. Au final, je menais une vie normale, autant que pouvait l'être celle d'une gamine dans un district. Particulièrement intelligente, je n'avais pratiquement aucun moyen de la cultiver, si ce n'était à l'école (ou ce qui y ressemblait du moins), et quand j'étais avec mon frère. Mon frère jumeau Yann, et seul ami. J'avais toujours été une gamine un peu à part entière, qu'on pointait du doigt parce qu'elle était différente. J'avais trop de choses dans le crâne pour la plupart des crétins du district qui pouvaient me parler. On comprit très vite que j'étais une surdouée. Mais ce cadeau de la génétique fut vite compensé par le fait que de la force, je n'en avais aucune. Et c'était, bien évidemment, ce qu'on recherchait en premier chez un enfant des districts. Une force de travail. Une raison de plus de faire de moi une sorte de paria.

Mon frère lui avait la chance d'être un jeune homme fort, en pleine possession de ses moyens. Et à nous deux, nous étions les meilleurs. Oui, nous avions de la chance en un sens. Surtout moi de l'avoir lui. Particulièrement proche l'un de l'autre, il fut celui qui me permis en grande partie de survivre dans ce monde, que ça soit durant l'enfance ou l'adolescence. Nous étions inséparables. Et même les émois de la jeunesse ne purent rien y faire. La plupart des copines de Yann furent écartées par moi-même, ne supportant guère notre relation fusionnelle, et quant à moi... j'étais de ces gens trop rationnels pour se laisser emporté par la fougue de la jeunesse, malgré le fait que j'enviais énormément les autres jeunes gens de mon âge pour ça. J'aurais aimé connaître l'amour à ce moment là, sans doute, même si je prétendais que je trouvais ça futile, et que ce n'était pas pour moi. En tout cas, le temps passa, et Yann se trouva un métier rapidement, alors que moi j'avais plus de mal. Je ne voulais pas quitter le district, mais j'aurais dû. Pour aller vers le Capitole, étudier, peut-être. Je ne sais pas. Mais je ne voulais pas partir, en tout cas. Alors grâce à Yann je pouvais quand même vivre, continuer de cultiver mon intelligence, grâce à des livres qu'il trouvait d si de là. Des objets inaccessibles pour la plupart d'entre nous.

Et puis finalement... Le temps passa. Jusqu'à ce qu'on ait dix-huit ans, tous les deux. On avait, jusqu'à présent, échappé aux Hunger Games, avec soulagement. Mais ça ne pouvait pas durer, pas vrai ?
Je fus finalement sélectionnée. L'année de nos dix-huit ans. La dernière année. Et Yann aussi. Putain... Je me souviens encore de ce jour là. Je m'en souviens même trop bien. Le regard que Yann m'avait alors lancé. J'ai su tout de suite comment les choses allaient se dérouler. Je l'ai senti. Et toute l'intelligence du monde n'y aurait rien changé du tout. Même si j'aurais préféré crever que de voir ce qu'il allait alors se produire. Beaucoup disent, encore aujourd'hui, qu'on avait alors joué de malchance. Que des jumeaux qui se retrouvaient ainsi propulsé dans la compétition, alors qu'ils n'avaient rien demandé, c'était triste. Pitoyable presque. Mais ça n'aurait pas été tout à fait les mots que j'aurais choisi, pour ma part. Je me souviens être resté calme alors, malgré mon envie de protester. Je savais que si je ne me pliais pas aux règles, ça aurait été pire que tout. Et qu'au final, ça aurait aussi attiré des ennuis sur Yann. Alors qu'il pouvait parfaitement s'en sortir. Mais je me dis aujourd'hui que peut-être... Peut-être ça lui aurait permis de s'en sortir en vie. Même si ça m'aurait condamné, lui...

On avait pris nos affaires, et quitté le district huit pour se rendre sur place. Là où auraient lieu les jeux. Là-bas, on eu le droit à notre guide, à nos entraînement, où Yann se montra excellent d'ailleurs. Il n'avait jamais eu l'entraînement des autres, d ceux du district quatre, un ou deux, mais je savais qu'il pourrait être meilleur qu'eux. Et puis... Il m'aurait moi lors du jeu.

« Dis, Saya...
- Non.
- Ahah ! Tu réponds avant même que je te pose la question !
- C'est parce que je sais ce que tu vas me dire...
- C'est vrai. Alors tu sais que tu survivras, pas vrai ?
- … On survivra tous les deux, Yann.
- Tu sais bien que c'est impossible.
- Rien n'est impossible quand on le veut vraiment.
- Tu seras tout de même celle de nous deux qui survivra. »
Je détournais le regard au moment où il prononça ses mots, alors qu'il m'enserrait de ses bras. Putain... C'était tellement injuste. C'était... dégueulasse ! Et pourtant, je savais qu'il avait raison. Si jamais à la fin il ne restait plus que nous deux... Si jamais... Bordel, je ne voulais pas y penser. Tout ça pour... pour ça, pour une rébellion. Que nous n'avions même pas commise. C'était une injustice profonde qui me blessait au plus profond de moi-même et qu'aucune logique, aucun esprit n'aurait su éviter. Et c'était encore pire, je crois. Je savais, je sentais, mais mon cerveau, qui ne m'avait jamais fait défaut, refusais d'admettre. Et j'avais conscience qu'alors, ça ne serait que plus douloureux par la suite.

Le Hunger Games commença. Je me souviens de tout. Dans les moindres détails. Ma mémoire ne me permet pas d'oublier. Alors je me souviens des premières goûtes de sang, du premier massacre fait à l'entrée du jeu. Je me souviens de mon souffle court, de la sueur qui perlait sur mon front alors que le sac rebondissait entre mes mains, jusqu'à ce que je le mette sur mon dos, Yann devant moi, courant tout en m'attendant. Je sentais qu'il n'était pas à fond, et ça me faisait rager de le ralentir.
Il avait pu récupérer une arme, lui. Moi je n'avais que quelques babioles qui ne m'aideraient sans doute pas. Finalement, on s'établissait en haut d'un arbre pour la première nuit. La journée suivante, on parvint à éviter les troubles. On quadrilla la zone. Yann avait eu, contrairement à moi, un score plus que convenable auprès des juges et semblait être apprécié du public et des sponsors. On décidait d'agir la nuit. Huit personnes étaient déjà tombées pour le moment. Il était maintenant temps de passer à l'action aussi. Yann avait du mal à l'idée de devoir tuer, mais je le raisonnait facilement. Et si notre travail d'équipe fonctionna bien, surtout de nuit où nous tuions sans mal ni remord nos opposant, le moment où il ne restait plus que deux groupes principaux arriva vite.

Avec Yann, on décidait d'en espionner un, le plus « faible », pour le massacrer une fois la nuit tombée. Groupe de trois, ils établirent des tours de garde. Ayant pu récupérer un arc, il ne fut pas difficile d'éliminer silencieusement le premier, puis de simplement égorger les deux autres. Et puis on se plaça en embuscade dans les arbres, en attendant l'autre groupe. On savait qu'ils passeraient par là tôt ou tard, et notre plan fonctionna parfaitement.
Au final, nous avions vaincu. Nous n'étions plus que les deux, installés contre un arbre, non loin du massacre. Et putain... J'aurais alors tellement voulu que ça n'arrive jamais. Que malgré les blessures, malgré l'épreuve que cela représentait... J'aurais juste voulu encore un peu pouvoir m'échapper de cette réalité. Parce que maintenant que c'était fini... Bordel ! Pourquoi ?! Sérieusement, pourquoi il avait fallu que ça arrive ? Pourquoi nous ? Putain. Putain ! PUTAIN ! Je me souviens avoir baissé les yeux vers le sol, alors que ma mâchoire se serrait tout comme mes poings. Je me souviens de mon cœur qui battait furieusement contre ma poitrine, de peur de ce qu'il allait se passer. Je me souviens du sang qui vrillait mes tempes comme pour me rendre sourde. Je me souviens sans peine des larmes que je retenais, et qui me brûlaient les yeux sans que je puisse rien y faire.

« Yann...
- On y est, Saya ! » Et il rit nerveusement. « Tiens, prends ça. Tu auras juste à serrer. Et ça sera fini. » Il me tendait une corde fine. Il voulait que je l'étrangle. Il croyait quoi ? Que c'était sans douleur, qu'il ne fallait aucune force pour ça ? Bordel, il avait tellement tort ! Et j'aurais voulu qu'il s'en rende compte. Mais... Je n'avais pas le courage de faire autrement. J'étais... Je me sentais comme un automate.
« Je ne peux pas, Yann.
- Si, bien sûr que si. Regarde. »
Il vint s'installer contre moi, passant mon bras par dessus son épaule, pour que je ne vois pas son visage. Mais je le sentais qu'il tremblait, alors qu'il enroulait le fil autour de son cou, pour me le placer dans les mains. Il tourna son regard vers moi un instant, me fit un sourire.
« Tu n'as plus qu'à tirer. Et ça sera fini. »
Il guida mes mains, me poussant à serrer, encore et encore, jusqu'à ce qu'il commence à étouffer. Il tenait entre sa main son bras et l'écrasait presque, je le voyais, jusqu'à ce que je ferme les yeux. J'essayais d'oublier ce qu'il se passait alors, de me dire que tout irait bien, alors que son corps commençait à convulser contre le mien et qu'il se forçait à ne pas se débattre. Et les larmes coulaient, autant sur ses joues que sur les miennes. Et même lorsque tout mouvement cessa, je continuais de serrer. Je savais que si je ne continuais pas, il pourrait se réveiller. Puis j'entendis l'annonce de sa mort. Et j'arrêtais de serrer. Je sentais à peine les larmes sur mes joues alors que mon cœur mourrait, et que je serrais son corps inerte contre moi. Et je lui murmurais des mots doux pour l'apaiser, caressait ses cheveux et sa joue encore chaude, encore colorée, alors que j'avais l'impression qu'il ne faisait que dormir. Mon corps se convulsait comme le sien l'avait fait, mais à cause de mes sanglots.
« Je suis désolée, Yann, je suis tellement désolée. Yann... Je t'aime... Putain... Pourquoi... Yann... »
Je le berçais doucement, d'avant en arrière, pressant mes lèvres sur son front comme on l'aurait fait pour un enfant. Je lui chantais une berceuse, entrecoupée de larmes, la même que celle que notre mère nous chantait quand nous étions jeunes. Et à mesure que mes mots s'envolaient, je sentais comme un creux au fond de moi, un creux qui ne se comblerait sans doute jamais.

Par la suite, on me raconta qu'au moment où on vint me chercher, il fut impossible de me détacher de Yann, et qu'il fallut m'endormir, alors qu'on me présenta finalement à la foule comme gagnante. Je refusais d'évoquer à nouveau Yann par la suite, et j'adoptais un ton plus dur, plus froid, alors que je finissais par m'installer dans mon District, bien que n'aimant pas y être. Trop de souvenirs. Je n'eus pas le courage de retourner voir mes parents, suite à ça. Je ne voulais plus qu'oublier. Mais je ne le pouvais pas, et je maudissais ma mémoire qui m'en empêchait. Et je me fichais que certains disent que je n'aurais jamais dû gagner. En apparence. Au fond, je savais qu'ils avaient raison. Mais je ne voulais pas y penser.

Mais je n'en eu plus le choix au moment où on m'appela pour devenir mentor de mon district. Et je ne pu alors plus que haïr le Capitole qui ne me laissait même pas en paix.