Avant l'horreur, un peu de luxe, d'abondance et toutes autres capitoleries

Les yeux rivés sur l’extérieur, mon cœur s’emballe alors que tout devient noir, remplaçant le paysage apaisant qui me permettait de me changer les idées. Ce tunnel, ponctué de multiples fenêtres m’éblouissant à chaque apparition me fait détourner le regard, décidant de remettre ma veste sachant que l’heure est arrivée. Mais c’est lorsque j’entends distinctement des acclamations, des cris et d’autres rires provenant de dehors que je réapparais à cette fenêtre, m’exposant au Capitole. Je vois des regards posés sur moi, des gens et des enfants me pointer du doigt. Instinctivement je recule, mais tous ces sourires qui me sont accordés provoquent une sensation incomparable que jamais je n’avais encore ressenti. Je ne leur rends pas les signes de mains qui me sont adressés. Je sais qu’ils veulent que je réagisse, que je fasse quelque chose, mais pas maintenant. Je ne veux pas, je ne suis pas vraiment au top pour vaquer à ce genre d’occupations. Un sourire forcé, peut-être, permet de les satisfaire alors que je me hâte de sortir de cette chambre pour respirer un air frais en remplacement de la trop forte climatisation.

Les minutes passent alors que je marche entre cette foule en direction de voitures. Je croise encore ces personnes du Capitole, alors que je repense soudainement à mon père. Ces yeux. Je viens de croiser un regard, un regard qui m’est atrocement familier. Est-ce lui ? « Papa ? » Mais personne n’a dû m’entendre à part moi. Des pacificateurs m’obligent à avancer, ce n’était sûrement qu’une illusion… Je ne me souviens de son visage, comme aurais-je pu le reconnaître ? Si cela se trouve, il s’est entièrement refait, des cheveux à la pointe des chaussures… Mais peut-être me regarde-t-il, en ce moment. C’est pourquoi je cherche une caméra des yeux avant qu’un gardien de la paix ne me force à m’asseoir dans la voiture qui nous est réservée, à Alice, Jade et moi.

La route n’est pas longue jusqu'à la résidence des Tributs. Ce grand immeuble aux douze étages nous est à tous réservés pour plusieurs jours avant le commencement des Jeux. Parvenus dans le Hall, je fixe mon mentor avec une certaine appréhension. Je ne lui ai pas vraiment parlé dans le train… A vrai dire, je ne suis pas vraiment sorti de ma chambre non plus. M’être levé aux aurores pour pouvoir déjeuner seul dans la salle à manger n’était peut-être pas le meilleur moyen de me faire apprécié par mes camarades… je veux dire, par Jade et Alice. Mais cette Moisson a décidé de me tiré directement au sort, sans aucun volontaire ce qui est vraiment miraculeux. Je suis sous le choc, je dois l’avouer. J’ai fais le bonheur de mes parents, j’en ai bien conscience, et j’en suis heureux, certes, mais je ne sais pas pourquoi une telle peur s’est infusée en moi. Je ne devrais pas avoir peur, je me suis entraîné dur toutes ces longues années pour manier l’épée à la perfection, je ne dois pas avoir peur, je suis plus fort que les autres tributs, ils le verront à l’Entraînement et lorsque j’aurais ma note. Ils verront…

Je découvre alors pour la première fois notre étage, le premier étage, n’est-ce pas parfait ? Premier étage, premier district… Dernier aux Jeux ? « Bienvenue dans notre suite Alice et Orpheus. Vous pourrez choisir vos chambres, sachant que celle au fond c'est la mienne, et celle sur la gauche est celle de notre "charmante" hôtesse du Capitole. Bien, j'aimerais que vous ne vous attachiez pas trop au luxe de cet appartement mis à notre disposition, tout est fait pour que vous tombiez dans le cercle vicieux de la nourriture facile, de l'abondance et du confort, choses que vous n'aurez pas dans l'arène ! » Encore heureux que l’on puisse choisir nos chambres. Le luxe de cette pièce est vraiment relevable. Tout est très bien organisé, bien rangé, bien propre… C’est parfait, trop parfait. Je constate que notre mentor se laisse tomber dans un canapé. Sans plus attendre, je l’imite en m’installant en face d’elle. Rapidement, elle enchaîne la conversation avec un discours qu’elle a sûrement dû répéter non sans difficultés et qu’elle récite à tous ses tributs, sans aucun doute. « Avez-vous des questions où on peut commencer à parler de la stratégie et des conseils que je pourrais vous donner ? » Pressé, oui j'étais pressé. Bien sûr que oui nous avons des questions, mais toutes celles-ci seront sans doute oubliées lorsqu'elle nous dévoilera sa stratégie pour notre survie dans l'arène. Je n'ai pas peur des Jeux, mais plutôt de l'effet que je vais donner à la population. Rester moi-même me dit on. Si je reste moi même, je n'ai aucune chance.

« Bien sûr que oui nous avons des questions ! » je lance en me relevant. Sans l'ombre d'une hésitation je m'empare d'une cannette qui traîne dans les parages. Du soda ? Parfait. Lorsque je soulève la capsule, le gaz s'en échappant provoque un bruit résonnant dans la grande pièce. La portant à mes lèvres, je sens le liquide couler le long sur ma langue me faisant grimacer à ce contact douloureux, merci les bulles. « Pourrions-nous déplacer cette séance à demain ? Après un voyage comme celui qu'on vient de vivre, je pense que quelques instants de repos ne seraient pas de refus, t'en penses quoi Alice ? » Je sais que je devrais me calmer, mais tout ceci m'a fatigué, je ne suis déjà plus le même.

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