« Look at you, you're a fuckin' freak. »
« What do you think ? That suckin' xxxx is awesome and fashion ? God no. »
« Just get out of here. I don't wanna see you again, queer. »
Des mots. Plein de mots qui sortent comme ça. Quand les gens le disent, tu peux voir si ils le pensent en regardant leur regard. Quand j'ai entendu ces insultes – et là, ce ne sont que des échantillons – j'ai vu la haine dans le regard des gens. Qui peut bien m'avoir dit ça, hum ? Des gens dans la rue ? Mes amis ? Ma famille ? C'est un mélange de tout ça. Principalement ma famille. Qu'est ce que j'espérais ? De la compréhension ? De la tolérance ? Évidement. Mais nous sommes dans une époque où, visiblement, ce genre de choses n'existent plus. Il n'y a qu'à regarder la télévision pour s'en rendre compte.
Pourtant, avant, ma vie n'était pas comme ça. Mes parents étaient aimants. Attentionnés. Officiellement compréhensifs. Officiellement tolérants. Officiellement parfaits. De parfaits Capitoliens.
Mon premier souvenir remonte à l'époque où ils m'ont adoptés. Je devais avoir six ans. Peut-être plus. À vrai dire, je ne suis pas vraiment sûr de mon âge. Pas de date précise. J'avais environ 9 mois quand j'ai été retrouvé dans un coin peu fréquenté du Capitole. Ils ont fixé ma date d'anniversaire au jour où ils m'ont trouvé. Le 16 décembre. Inutile de préciser que je déteste le fêter.
« Honey ? Do you like daddy's gift ? Isn't that sword awesome ? You can do like those guys on tv ! »
Mes parents sont d'origine Japonaise. Comme moi. C'est sans doute pour ça qu'ils m'ont choisit. Pour avoir l'impression que je pourrais être leur vrai fils. Ils ont fini par y croire. Mais pas moi. Je ne sais pas vraiment pourquoi, j'avais du mal, du haut de mes six ans. Malgré tout les efforts qu'ils ont pu faire – et tout l'argent qu'ils ont pu dépenser – je n'arrivais pas à les aimer aussi fort qu'eux. Mais je n'avais que six ou sept ans. Puis d'après le pédopsy' qu'ils m'ont forcé à voir, je devais prendre mon temps, et c'était normal.
Quand j'avais six ans, les Jeux n'avaient pas encore commencés. Je garde un souvenir assez flou de cette époque. En fait, de mes six à dix ans, on ne peut pas dire que je me souvienne. Je crois que c'est plus ou moins conscient. J'ai juste pas envie de me rappeler d'une époque où je n'aimais pas ma vie.
La première édition. Je l'ai regardée avec mon père et ma mère. Là, assis sur mon canapé en cuir, une boisson gazeuse dans la main droite, mes tartines briochées au chocolat sur la table basse en face de moi, je regardais des enfants à peine plus vieux que moi s’entre-tuer. Est-ce-que je trouvais ça normal ? Bien sur. Est-ce-que je trouve ça normal ? Non.
« And the winner of the first edition of the Hunger Games is ... »
Mon père l'avait sponsorisé. Je ne sais plus son nom. Je n'ai jamais eu une très bonne mémoire des identités. Ce soir là j'avais 10 ans. Papa a sortit une de ses bouteilles d'alcool très chère de sa cave. Il a fêté une victoire qui n'était pas la sienne avec d'autres gens. Moi j'ai joué au Hunger Games avec leurs fils et filles.
J'ai perdu, évidement.
« Honey, mummy's a bit sick. I'm in an hospital. But don't worry I'll be fine. »
« Honey, daddy's gonna leave us for a moment. He has some stuff to think about. »
« Honey, daddy and I have something to tell you. Daddy doesn't love mummy anymore. »
« Honey, daddy and I are going to divorce. »
Chéri. Chéri Chéri. Maman m'appelle toujours comme ça. Dans les premiers jours, c'était plus énervant qu'autre chose. Mon petit chéri. Mon amour. Toujours des petits noms. Ils me redonnaient le sourire. Mon père a trompé maman quand j'avais douze ans. Je le savais, il a profité du fait qu'elle soit hospitalisée après une chute pour s'envoyer en l'air avec la mère de Tommy dans leur chambre. J'étais avec Tommy ce jour là. Et on jouait avec mes Pacificateurs miniatures. Mais j'ai voulu aller aux toilettes, et Tommy refusait de rester seul. On les a vus. Tommy l'a mal vécu. Moi aussi, mais je l'ai gardé, là, dans ma tête.
Maman et lui ont divorcés quand j'avais 13 ans. Malgré le voisinage colporteur que l'on avait, maman a mit longtemps à apprendre qu'elle était cocue. Elle l'a mit dehors. Et depuis, j'ai du le voir qu'une ou deux fois. Peut-être plus, mais je sais que je peux compter nos rencontres sur les doigts de ma main.
« Mom. I know what I wanna be when I'll be older.
-What, honey ?
-I wanna be an artist. A painter.
-Okay, honey. »
Même si j'adore ma mère, et que je sais qu'elle m'adorais, j'ai compris qu'elle ne me croyais pas quand je lui ai dit que je voulais devenir peintre. Pourtant, quand j'ai eu dix-huit ans – pendant que 23 adolescents comme moi s'entre-tuaient – je me suis inscrit à des cours de peinture plus poussés que ceux que je prenais avant. J'ai eu plusieurs professeurs. Et j'ai retrouvé Tommy. Peut-être que maintenant qu'au niveau histoire j'ai 18 ans, je devrais arrêter de l'appeler comme ça. Tom. Plutôt classique pour un habitant du Capitole. Mais il s'appelait comme ça. Il prenait des cours avec le même professeur que moi. Il avait vingt ans. Et il était beau. Juste...
« I've always known that you were gay.
-Oh yeah ?
-Yeah, darling. And I've always liked you.
-Yeah, but actually, I don't like you.
-Yeah, me too. »
C'est à cette période que j'ai fait mon coming-out. Tom aussi. Mais Tom est partit. Loin. Je crois que ces parents l'ont poussé à devenir Pacificateur. Et je ne penses pas que ces gens soit tolérants.
J'espère pour lui qu'ils le sont.
Ma mère ne m'a plus parlé depuis le jour où j'ai franchit sa porte pour lui dire que j'aimais les hommes. Mon père... Mon père n'a pas réagit du tout. Juste un « Oh. » et rien d'autre.
Depuis, je vis par mes propres moyens. A dire vrai, je n'ai pas vécu des choses très intéressantes. Malgré mon attirance pour les personnes du même sexe que le mien, j'ai réussi à percer dans le milieu de l'art, et mes toiles se vendent plus ou moins bien. Je trouve ça plutôt positif.
« Dry your tears, with love – X Japan »