The Hunger Games RPG
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Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous.

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Trishteh Yeleen
Trishteh Yeleen
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MessageSujet: Re: Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous. Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous. - Page 2 I_icon_minitimeJeu 6 Fév - 17:08




Keep your chin up, someday, there will be happiness again.

Trishin
 
Et là, tout s'enchaîne très vite. La fille a sauté sur le côté vers son collègue évitant ainsi mon attaque, et le garçon celle d'Oswin. Il se retourne, son visage vide d'expression qui aurait pu signifier qu'il venait d'éviter une attaque mortelle. Il nous adresse à tous la parole, un sourire sadique accroché aux lèvres : « Dites les gens, ça vous dit de jouer un peu avec moi ? Plutôt que ça soit ces connards de juges et de créateurs qui s’amusent avec nous ? ».
Le sang bat à mes tempes. C'est de l'adrénaline pure qui coure dans mes veines. Pour lui jouer, c'est attaquer et combattre. Faire couler du sang. A cause du stress je serre les mâchoires, une boule se forme dans mon ventre. Il incline sa tête sur le côté, provoquant un mouvement en arrière de son alliée. Le garçon raffermit sa prise sur son fouet et commence à le faire tournoyer de chaque côté de lui-même. Puis il nous fonce dessus.

Un éclat métallique attire mon attention : il a accroché un couteau au bout de son fouet. C'est peut-être plus tranchant mais l'effet n'est pas le même. Ironiquement, son attaque me rappelle quelque chose. Je sais à peu près manier un fouet, donc prévoir ses attaques n'est pas trop dur. Le couteau pose plus de problèmes. Alors j'entre en transe, je me coule entre les attaques.
J'ai beau bouger très vite, muée par un instinct de survie poussé à l’extrême, ce n'est pas suffisant. La lame m'entaille à la joue : j'y sens la fraîcheur du métal. Puis à une côte, puis au coude gauche, puis à la mâchoire, puis au-dessus du genou. Puis la mitrailleuse à coups s'arrête. Je prends une grande inspiration, essayant de me calmer.
Un autre éclat apparaît. Il a prit une hache. Avant qu'il ait le temps de finir son arc de cercle en direction de mes jambes, je me propulse sur le côté grâce à deux pas chassés. Quand j'entends la lame siffler dans l'air froid, je suis derrière lui. En regardant au dessus de son épaule, je le vois enchaîner des coups, tous plus rapides les uns que les autres. Si je n'avais pas eu la présence d'esprit de me pousser aussi vite, j'aurais été coupée en deux, tranchée de partout, laminée. Une larme brouille mon champ de vision, pensant à ce que je venais d'éviter. A toute la douleur que j'avais contourné. Milles et milles épaules déchirées par les griffes d'un ours.
Maintenant le brun lance quelques couteaux que je n'aurais pas pu éviter. Pourquoi tant de violence ? Pourquoi s'acharner sur moi ? Et surtout, pourquoi n'a-t-il pas remarqué qui se déchaînait sur le vide ?
Brusquement, il fait demi-tour et je m'efface sur le côté pour ne pas rester sur son chemin. Il se dirige vers son alliée, lui murmure quelque chose à l'oreille.

Et là, quelque chose d'improbable se produit. Il prend son épée et transperce la nuque de la rousse puis sa propre gorge.

Le temps s'était arrêté, coupé par deux coups de canon. Quoi, tout ça pour ça ? Je regarde au ralenti les corps tomber dans une mare de sang, toujours dans la même étreinte. C'était du courage, ça ? Pourquoi s'être acharné sur moi pour après se suicider ? Pourquoi ?
Je ne comprends pas. La larme qui était retenue dans mon œil coule enfin sur ma joue et se mêle au sang de la blessure, traçant un sillon brûlant.. Je l'essuie du revers de ma main, et regarde la tache rouge qui s'y est étalée. Encore une fois hypnotisée par la couleur vermillon de la vie... et celle de la mort.

Un mouvement me sort de la transe dans laquelle j'étais et je reprends mes esprits, aidée par un secouement de tête. Le carrière. Le carrière est toujours en vie, un pied apparemment coincé dans un piège. Mes mâchoires se serrent à nouveau, provoquant une légère douleur dans la blessure du couteau-fouet. Je raffermis ma prise sur la garde de mon katana et m'approche de lui. Il a l'air de souffrir à la jambe. Mes traits se font durs, il a tué Emily, il a tué Alina. Je sais que ce ne devrait pas être à moi de me venger mais je n'en peux plus, je n'ai pas encore cherché à voir Oswin.
Et puis je n'ai pas envie de la voir tout de suite s'il le faut noyée dans une mare de sang.
Donc je m'approche du carrière, pris comme un lapin dans son piège. Je n'ai pas envie de faire le même massacre que j'ai vu sur Alina, je n'ai pas envie de m'abaisser à son horreur. Comme pour Llevana, je lui veux quand même une mort honorable. Alors je lui attrape l'épaule, recule ma lame et la lui plante dans le bas du ventre puis la remonte. Ensuite je me retire et lui donne un coup de genou dans la hanche, le faisant tomber à terre.
Je m'éloigne, sans regarder l'expression qui s'est affichée sur son visage dans le dernier moment de sa vie, plus par peur de ce que je vais découvrir que par arrogance.

Je trouve Oswin, armée jusqu'au dents et légèrement voûtée. Légèrement voûtée ? J'observe son ventre : une tache plus foncée s'étale dessus. Je vois un couteau part terre, et je fais le lien direct : il a dû lui en lancer un. Elle a vraiment l'air de souffrir, contrairement à moi. Mes blessures me paraissent absolument superficielles par rapport à la griffure de l'ours dans la grotte. Ça pique un peu, c'est humide et quand je bouge les endroits blessés ça me lance.
Et j'ai soif, en plus d'être essoufflée. Je m'approche de mon sac, y prend ma bouteille de thé et l'autre aussi. Je passe mon autre bouteille à Oswin – peut-être qu'elle a aussi soif que moi. Je bois cinq grandes gorgées de thé puis la repose à terre.
Maintenant que le coup de canon du carrière a été lancé, il ne reste que nous deux : Oswin et moi.
J'ai envie de défendre ma vie mais pas d'attaquer la sienne. Ça fait des jours que l'on avance ensemble, c'est pas moi qui vais rompre l'alliance en premier. Elles m'ont accueillies, alors que les carrières auraient pu me tuer dans la forêt.
Non je ne veux pas attaquer en premier.

© Belzébuth
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MessageSujet: Re: Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous. Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous. - Page 2 I_icon_minitimeVen 7 Fév - 18:06





















 ❝ Trishwin, le 9 et le 11 ❞
~My problem is you and I can't live without it~




Sa lame s'enfonce dans le ventre du carrière. Il s'effondre, aidé du pied de Trishteh. Voilà, il allait finir sa vie sur le sol froid de l'arène. Je ne savais pas qui il était, qui l'appréciait. Pourtant, je m'en fichais. Je ne voyais en lui que le tortionnaire d'Alina et la vue de son cadavre ne me faisait pas changer d'avis. Le seul regret que j'ai maintenant est de ne pas l'avoir tué de mes propres mains. Encore un qui m'échappe. A croire que quelqu'un essaie de me protéger du meurtre et de ce qui vient après. Mais tout de suite je ne vois que la victoire au bout du meurtre. Enfin, la victoire, l'on pourrait dire ça comme ça. Qu'est-ce que la victoire ? La reconnaissance de tout Panem pour avoir échappé à un massacre ? Les cauchemars qui viendront me hanter toutes les nuits ? Cela n'est pas ce que je souhaite. Peut-être certains tributs, peut-être Trishteh veut à tout prix cette reconnaissance. Moi, je m'en contrefiche. Je veux juste, pour une fois, y arriver. Et ce dont je parle n'a rien à voir avec la victoire. Je parle encore et toujours de toi. Que veux-tu que j'y fasse ? Je n'arrive pas à ne pas y penser. Hier encore tu m'as dit de ne plus en parler. De gagner. Je suis ici, dans la forêt, en finale. Si proche du but. Sortir d'ici, est-ce un but ? Je n'en suis pas sûre. Je ne sais même pas si j'arriverais à tenir là-dehors. Mais au moins, là-bas chez nous, on sera ensemble. N'est-ce pas tout ce qui compte ? Toi, sous cette plaque de pierre et moi, qui prendrait soin de toi. Jusqu'au jour où je te rejoindrais. Et si je le faisais maintenant ? Je n'aurais plus eu la chance de te revoir une dernière fois... et puis tu sais ce que je pense, à propos d'être ensemble dans la vie comme dans la mort. C'est que de la connerie. Des gens meurent, voulant rejoindre leur être aimé mort. Mais ça sert à rien, on est mort alors quoi ? Moi, si je meurs, je serai morte et je ne te reverrai plus. Je ne peux pas croire en ce que tout le monde raconte. Je ne peux que croire en toi. Et même si tu n'es plus là pour me dire en quoi croire, je peux toujours t'écouter par mes souvenirs. Les nombreux que nous avons eu, j'ai de quoi faire. Je me souviens de ce jour où je devais chanter devant la classe, j'avais bien trop peur. Alors tu m'as regardé de ce regard qui ne caractérise que toi et je me suis lancée. J'ai fait un carton, hein ? Eh, ou pas. Mais ce n'est pas grave, j'ai aimé chanter. Pas devant la classe. Juste pour moi, devant toi. Juste pour toi et moi.

Trishteh est en face de moi, à quelques mètres. Elle me regarde, ne bouge pas. Je crois qu'elle n'ose pas. La situation nous met mal à l'aise toutes les deux. L'une de nous va mourir, c'est le jeu. Elle va vers son sac, je continue de l'observer. Elle me tend sa bouteille, je ne la prends pas. Je n'ai pas soif. Je n'ai pas faim. Le spectacle macabre autour de moi n'est pas très encourageant. Pourquoi me tend-elle sa bouteille ? Ne veut-elle pas que je meurs au fond ? Au moins, elle aurait gagné. Et moi, je serais morte. Je ne sais pas quoi faire, je reste là debout. Cette scène est très étrange, horrible. Savoir que le jeu touche à sa fin et qu'on va devoir tuer ou être tuer. Il n'y aura personne pour le faire à ma place cette fois. Je ne bouge toujours pas. Je continue de l'observer. C'est alors que je me mets à parler.

« - Tu... pour qui tu veux gagner ? »


J'aurais pu dire pourquoi mais je préfère demander qui car c'est plus généralement pour quelqu'un que l'on veut gagner. Il n'y a que les carrières qui veulent gagner pour la gloire, je vois mal Trishteh tuer pour ça. Je me rends compte que je parle alors que bientôt on devra se battre et que si je la tue je m'en voudrais car j'ai appris à la connaître un minimum, qu'une certaine confiance s'est installée en nous et que je me vois mal la briser. C'est difficile, tu sais, de choisir. Je ne veux pas mourir, je croyais m'y être préparée depuis le début mais on est jamais vraiment prêt, mais je ne veux pas la tuer non plus. On a plus le choix. C'est ce que je n'arrête pas de me dire. Et toi, et toi, et toi... encore toi. On peut dire que tu m'as rendu folle depuis que tu es partie. On ne peut pas passer sa vie avec quelqu'un et être seul du jour au lendemain. Après avoir vécu toute l'arène je sais ce que tu as pu ressentir. Et je ne suis pas censée penser, penser, penser encore et encore à propos de tout ça. Mais ce que je suis censée garder reviens lentement, je sens la mort proche et cela remonte à la surface comme une bulle d'air au fond de l'océan. J'espère juste que le froid de cet endroit va faire un iceberg qui gardera tout ça bloquer au fond. C'est comme ce qu'on dit à propos de la mort, ta vie défile devant tes yeux. Je crois que le moment le plus important que je me suis forcée à oublier me reviens par bribes. Cela fait encore plus mal que ma blessure à l'estomac. Enfin, tu vois ce que je veux dire.

« - On est plus que deux... »


Je ne sais pas si en disant ça je voulais qu'elle m'attaque ou qu'elle m'aide à fuir. Sachant que ce second on ne le peut pas, alors ça doit être le premier. Je ne veux pas qu'elle m'attaque pourtant, je n'en ai aucune envie ! Je ne veux pas qu'on se batte ! Là est le dilemme : dans l'arène les alliés finissent toujours par devenir des adversaires. Qu'on le veuille ou non.

J'étais toujours debout, je n'avais pas bougé depuis qu'elle avait tué le Un. En même temps, j'avais préféré restée immobile pendant ses longues minutes pour laisser ma blessure tranquille. Je ne sais pas si elle me fera très mal quand je devrais combattre mais je me doute bien que ce ne sera pas une partie de plaisir. J'avais toujours ma drôle de lance à la main, celle avec le tissu aspergé d'insecticide au bout. De l'autre main, je tenais une allumette et la boîte. Je devais avoir l'air étrange comme ça, à croire que je m'apprêtais à mettre le feu au carrière. J'ai pensé à toi en trouvant l'idée. Le feu... le Soleil... tous ses souvenirs nous rassemblant. Si je les utilisais pour trouver le moyen de gagner, ce serait injuste. Parce qu'au fond, j'aurais pu me porter volontaire et gagner pour toi. Regarde, je suis bien en finale là, non ? Ou même mourir, peut importe. Je serais morte pour toi, jamais je n'aurais voulu te laisser mourir. Et tu étais du même avis que moi. C'est bien pour ça... non. Pas maintenant. Je ne peux pas m'écrouler à ce stade. Je vais y arriver.

« - J'aimerais, pour elle... mais toi... cela signifierait que... »


J'ai dû mal à trouver mes mots, je me sens perdue. Et je ne fais que retarder l'échéance. Une larme coule sur ma joue. C'est trop tard. Il est là, revenu. Je refuse de le laisser me prendre, je refuse, comme j'ai toujours nié. Tu le sais que c'est trop tard bon sang ! Pourquoi maintenant ?! Aurais-je compris ?! Mon long séjour ici m'aurait-il appris ce que je n'avais pas compris ? Ce que je refusais d'entrevoir ? Jamais ! Tu ne peux pas maintenant ! Tu le sais, ça ? C'est Alina, hein ? Je l'ai vu mourir et... et elle me faisait penser à toi. Elle m'a protégé, dans un sens. Maintenant elle n'est plus là et tous les nouveaux morts et maintenant Trishteh en face de moi, NON ! S'il te plaît... comment ai-je pu oublier ça ? Le cacher ? Bâcler la vérité …

Je recule d'un pas, gratte l'allumette contre le côté de la boîte vivement puis dépose l'allumette enflammée sur mon flambeau improvisé. Une seconde s'écoule puis une petite étincelle jaillit avant que le rouleau de tissu enroulé autour de la lance ne prenne feu. Je tenais la lance de la main droite, le bras légèrement tendu pour ne pas me brûler.

« - C'est comme l'étincelle de mon cœur. Je t'aime bien, tu vois comme elle est chaude ? »

Je m'approche de quelques pas, vigilance orange, puis tends la lance enflammée vers le haut de son torse, sous son visage. Voilà, c'est moi qui m'attaque à elle. C'est lâche, ou courageux, je n'en sais rien. Je suis plus effrayée par ce qui flotte dans ma mémoire que par la mort qui me guette. Je devrais avoir honte. Ce n'est même pas le cas. Juste un dernier... rien que pour toi.



©️ Code de Phoenix O'Connell pour Never-Utopia


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Mathys Krowey
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MessageSujet: Re: Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous. Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous. - Page 2 I_icon_minitimeLun 10 Fév - 20:19


Je marche doucement. Le monde qui m’entoure est teinté d’une étrange couleur blanche et étincelante. Loin d’être étouffante, elle me rassure et semble vouloir me mettre en paix. Pour la première fois depuis seize ans, je me sens serein. Plus rien n’a d’importance. Plus rien ne compte puisque je suis mort. Serai-je un fantôme ? Je n’en sais rien. Une chose est certaine, mon corps est bel et bien là. J’entends au loin le retentissement d’une détonation. Elle est sourde, comme étouffée par un coussin qu’on presserait dessus pour étouffer le son. Ce « boom » me rappelle quelque chose. Un sentiment que je ne parviens pas à identifier monte dans ma poitrine – tient, j’ai toujours un coeur ? – tandis qu’un souvenir tente de percer mon esprit. Mais sitôt j’essaie de la saisir, sitôt elle disparait parmi les nombreux souvenirs qui jonchent mon esprit humain. Je suis mort et le simple fait de parler de mon identité me met mal à l’aise. Je ne sais plus qui je suis. Je ne sais plus d’où je viens, je ne sais plus rien… Je ne suis plus rien. Rien qu’une coquille vide qui semble être déterminée par des brides de souvenir d’une vie passée.

Un murmure inaudible me parvient. Une voix que je crois connaitre me rappelle un souvenir qui s’efface évidement à une vitesse incroyable. C’est comme quand on essaie d’allumer un feu, on voit une étincelle et pouf le feu s’allume. Sauf que pour mon cas, l’étincelle ne prend pas et disparait aussi soudainement qu’elle est venue. Alors je continue à marcher, à la poursuite de quelque chose dont j’ignore tout. Je marche ou je vole, je ne saurai le dire. Après tout, tout est blanc. Tout est diffus. Tout est étranger.

L’endroit où je me trouve est vaste ; c’est un océan infini de lassitude. Je marche mais sans avancer, il me semble. Le temps passe – ou peut-être pas d’ailleurs – mais je sais que j’avance en vain. C’est comme si j’étais sur un tapis à sens unique et que je marchais à contre-sens. Puis comme si la brume se levait, deux chemins se dessinent au loin, divergeant l’un de l’autre.
D’un côté il y a ce chemin qui semble illuminé d’une aura apaisante et réconfortante. De l’autre, il y a ce sentier caillouteux, teinté d’un blanc délavé, presque sale. Je ne sais pas pourquoi mais j’aime la complexité, aussi ce dernier chemin m’attire plus qu’il ne me repousse. Moi, bizarre ? J’sais pas. J’sais plus. Après tout, je suis une sorte de coquille vide qui recherche qui elle était jadis. Mon caractère, mon histoire, tout ce qui fait de moi Moi n’est plus. Je crois que la mort est une amnésie complète. Que se reconstituer un Moi est le but ultime. Enfin, c’est ce que j’en dis… Après, si vous êtes mort vous aussi et que vous n’êtes absolument pas d’accord avec moi, ce n’est pas grave. Je m’en fous en fait !

Plus j’avance, plus la luminosité devient faible. Le blanc devient gris. Il est toujours un peu pus foncé… un pas, deux pas, trois pas. Est-ce que je marche ou est-ce que je vole ? J’sais pas… Jme sens léger. Léger comme une plume alors, oui peut-être… peut-être que je vole. Puis je me retrouve dans le noir. Un noir complet. Un noir opaque. Celui-là même qui fait cauchemarder les enfants. Celui-là même contre lequel tu te bats, vivant. Je suis mort. C’est une triste réalité mais c’est la vérité. Alors pourquoi est-ce que ce noir me fait peur ? Pourquoi est-ce que j’ai cette envie de fuir qui vibre en moi ? Qui me fait sentir vivant ? Sans comprendre ce qu’il se passe, mué par la peur. Mué par ce sentiment phobique, je me mets à courir. Droit devant. Droit vers le noir toujours un peu plus sombre. Toujours un peu plus opaque. Toujours un peu plus enveloppant.

Vous me direz, pourquoi courir droit vers ce qui m’effraie ? Vers le noir. Vers l’oubli. On m’a toujours dit que là où se cachait la lumière, l’obscurité régnait en maitresse. Qui ça, on ? Mamé. Je ne sais plus qui c’est mais c’est la seule chose qui me vient à l’esprit quand je tente de déterminer ce pronom. Et visiblement, elle a raison… Un rayon perce au loin, réduisant le noir opaque en néant. Je débouche dans un univers tout de blanc. Béat et perdu, je reste une seconde sans bouger. Où suis-je ? Tout me semble si… étranger. Et en même temps si familier. Du rouge vient me percuter. Du rouge ? Sur du blanc ? Un corps git, glacé et froid. J’avance, sans un autre regard vers ce spectacle morbide. Trois autres personnes apparaissent. Blessées, fatiguées, éreintées… Une autre tombe. Deux se font fassent. Il va se passer quoi ? La mort est là. Sur eux, planante et patiente. Je n’en ai pas peur. Je n’en ai plus peur… je suis mort donc elle ne peut plus rien contre moi, si ? Je regarde une des deux filles. Elle me semble familière. Mais je n’arrive pas à mettre le doigt sur ce souvenir qui glisse loin de mon esprit. Alors j’avance sans vraiment voir. On ne semble pas me remarquer de toute façon. Suis-je un fantôme ? Surement…
Hs : post retour
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F. Zadig Nichoelson
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MessageSujet: Re: Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous. Arys, quand la folie prend l'ascendant sur nous. - Page 2 I_icon_minitimeVen 14 Mar - 19:56


 
  Hold your breath and count to ten.

  Rest in Peace.




Emrys se redresse au son de ma voix. S’il avait eu plus de chance, cet imbécile aurait pu naître dans un District de Carrière. Un simple coup d’œil, et je comprends qu’il est armé jusqu’aux dents. Les sponsors ont dû miser sur lui, le séducteur du Six. Bien trop fier pour se défaire de son arrogance, il maîtrise son attitude et ne laisse rien paraître de sa surprise. Il préfère m’adresser un faux sourire, masque couvrant ses arrières pensées tortueuses. J’ignore à quoi peut bien penser ce Don Juan. Il se demande peut-être à quelle sauce me manger, ou réfléchit à une réplique salace à m’envoyer. A moins que son sourire jaune ne soit destiné aux sponsors, et qu’il ne mise que sur cet artifice pour s’attirer un dernier cadeau. Cette hypothèse me semble la plus probable. Ce petit crétin ne réfléchit pas. S’il a tenu jusqu’ici, c’est sans doute parce que sa copine est la tête pensante du groupe. Elle, en revanche, ne m’a pas l’air bien dégourdie. Elle se redresse en un sursaut, et pose sur moi des yeux emplis d’effroi. Elle ne se leurre pas. Tout est fini pour eux. Elle est bien la seule à saisir l’ampleur de cette vérité. L’autre s’entête, nie la réalité au profit de ses rêves de gloire. L’arène lui a fait perdre la raison. Sa chute n’en sera que plus brutale. Je vais me faire un plaisir de le tailler en pièces. J’ai des comptes à régler avec cet abruti fini. Sa tête de moins que rien arrogant ne me revient pas. Il est temps de la faire tomber.

Je ne comprends mon erreur que trop tard. Mes yeux, rivés sur l’équipement dont dispose le couple du Six, ont manqué le plus important. Je sens une forte et soudaine pression autour de ma cheville, alors que je tente de mettre le pied en avant. Ma cheville droite s’est coincée dans un solide fil de fer. Je lève un regard meurtrier en direction du blondinet. Plus fier que jamais, il ne parvient pas à se défaire du sourire qui lui déforme les traits du visage. Il savait. Cette enflure savait pertinemment que je fonçais droit dans la gueule du loup. J’aurais dû me méfier. Rien n’est facile dans l’arène. Surtout pas à ce stade des Jeux. Mais les liens ne m’ont pas l’air solide. Je peux m’en défaire si je prends le temps de comprendre comment le piège fonctionne. Mais ce temps, je ne l’ai pas. Le type du Six va venir se battre, conscient que, ainsi coincé, je suis incapable d’esquiver ses assauts.

Mais ce guignol n’a même pas le temps de sortir l’une de ses armes. Tout se passe à une vitesse ahurissante. A ma gauche, la rouquine déboussolée se lève et se rue sur son acolyte, le poussant d’un geste brutal. Je n’ai pas le temps de me demander quelle mouche l’a piquée. Une lance siffle non loin du couple et finit sa triste course au milieu des racines noueuses en un bruit sourd. Sous mes yeux médusés, deux silhouettes se dessinent sur l’obscurité, rompant mes tentatives d’évasion. Estomaqué, je reconnais la frêle petite chose qui a préféré fuir plutôt que de finir ses jours en compagnie de sa collègue rousse. Une petite blonde fluette l’accompagne. Ses traits décidés durcissent son visage aux traits pourtant angéliques. C’est la première fois que je la vois depuis le bain de sang. J’ignore comment la recrue du Neuf a pu se hisser parmi les cinq finalistes. Des miracles se produisent parfois. Je l’imagine mal se reposer sur les frêles épaules de la poupée du Dix. Je suppose qu’elles ont simplement eu plus de chance que les autres Tributs. Un peu comme cette fouine aux longs cheveux bruns, sur qui je n’ai toujours pas réussi à mettre la main. Non contente d’avoir lâchement pris la fuite alors que son alliée se faisait tuer sous ses yeux, elle a trouvé refuge au cœur d’une autre alliance. Son attitude laisse à croire qu’elle est de mèche avec la petite blonde. Peut-être se connaissaient-elles avant leur entrée dans l’arène. Peut-être pas. Les monstres se cachent souvent là où on ne les attend pas.

Bien conscientes qu’elles ont beaucoup à perdre, les deux petites furies ne laissent pas la moindre seconde de répit à leurs adversaires. Par chance, je suis hors de leur portée. Du moins, c’est ce que je pense avec conviction, jusqu’à ce que la brune lance un instrument enflammé en direction de la rousse. Plus bondissante qu’un lapin, cette dernière parvient à éviter ce nouvel assaut. J’ouvre des yeux ronds. Il faut dire que les combats que j’ai menés jusqu’à aujourd’hui n’étaient pas des plus sérieux. J’avais un avantage évident sur tous mes adversaires. Le premier a tenu à m’affronter à l’aide de couverts. La deuxième tenait à peine debout. Si je n’ai compté que sur moi-même pour accomplir ces deux meurtres, je savais que je pouvais me reposer sur les autres Carrières en cas de difficulté majeure. Nous étions encore une alliance solide. J’étais seul face à la poupée du Dix, mais elle n’était qu’un fragile objet tout juste bon à fracasser. La détruire a été un jeu d’enfant. C’est sans doute pour ça que j’ai pris mon temps. Cette fois, c’est différent. Je suis seul face à deux alliances. L’une est solide, j’en suis certain. Pour ce qui est des filles des champs, je ne saurais dire. Dans tous les cas, les liens, aussi forts soient-ils, finiront par éclater. La victoire vaut toutes les trahisons, tous les délits, tout le sang. Nous sommes réunis pour la finale la plus sanglante de l’histoire des Jeux. Et je suis le pion solitaire. Le seul Carrière du lot. La tête à abattre. J’ignore quelle folie pousse mes quatre adversaires à s’entre-tuer plutôt que de s’en prendre à moi, mais je compte bien mettre ce court répit à profit. Plutôt que de m’escrimer à tirer en vain sur le cordage de fer qui n’a décidément pas l’air décidé à lâcher prise, je préfère me saisir de la planche de bois qui meurtrit mon dos depuis le premier jour. L’Enfer se déchaîne non loin de moi, et je ne compte pas l’accueillir à bras ouverts. Cette pièce va enfin se montrer utile. J’ai à peine le temps de l’attraper qu’Emrys se tourne de nouveau vers moi, un sourire mauvais lui étirant les lèvres. Il se donne en spectacle, comme à son habitude. Son expression change du tout au tout en une fraction de seconde. Il pousse un rugissement bestial et, avec une force que je ne lui soupçonnais pas, il se met à fendre l’air avec son fouet. La lanière de cuir claque en ponctuant chaque coup d’une sonorité étrange. Des reflets de lumière inattendus retiennent mon attention. A n’en pas douter, le Tribut du Six a fixé une lame au bout de son arme. Ses assauts n’en seront que plus meurtriers. Et il semble décidé à faire de moi son cobaye.

Je ne suis pas vraiment préparé lorsque le premier coup fond sur moi. Je tente de brandir ma planche encombrante devant moi, tel un bouclier, mais la lame ennemie parvient à érafler ma jambe gauche. Ignorant la douleur pourtant vive, je concentre mon attention sur le corps du jeune homme, observant ses gestes, ses torsions, ses efforts. Sa nouvelle attaque me meurtrit le bras gauche, mais je parviens à bloquer la troisième. La puissance de l’assaut empêche la lame du couteau de se ficher dans le bois. L’impact creuse un petit trou dans mon bouclier de fortune. Médusé, je ne peux que subir la pluie de coups de fouet qui s’abat sur moi. J’essaye de faire marche arrière pour mieux anticiper les attaques régulières, mais entre mon genou blessé et le piège qui s’est refermé autour de mon pied, je n’ai que peu d’équilibre. Difficile de coordonner le mouvement de mes bras, portant mon fragile bouclier, et mes pieds, dansant sur place pour me sauver la vie. Lorsque l’orage cesse, mon mur de protection a laissé des débris tout autour de moi. Je suis en nage, chancelant, luttant contre l’envie de vomir. Mes mollets sont striés de griffures plus ou moins profondes, ainsi que mon visage, déjà maculé de sang. Je ne comprends même pas pourquoi la violence a laissé place au calme. L’imbécile en provenance du District des drogués a choisi d’offrir ses dernières forces à la fille du Onze. Il lance dans sa direction tout ce qui passe à sa portée. Je ne comprends plus rien. Haletant, je garde un œil sur les deux autres filles. Elles non plus n’ont pas l’air de saisir. Aucune des deux n’esquisse le moindre mouvement. Aucune d’elles ne prendra part à cet assaut déconcertant. Aucune des deux ne vient se frotter à moi. Bien que ruisselant de sang, j’ai encore l’esprit clair et des réflexes de Carrière. Si mon semblant de bouclier s’est incliné face au fer, je n’en reste pas moins armé.

Je m’apprête à en profiter pour me défaire de mes entraves, mais le temps s’arrête brusquement. Emrys fait demi-tour. Il court s’agenouiller auprès de sa compagne, qui le dévisage d’un air perdu. Il prend son visage entre ses mains, murmure quelque chose. Et c’est fini. Un éclair d’argent, des éclaboussures de sang. Un coup, deux cadavres. La brochette s’écroule sur le sol tapissé de neige, immobile dans la mort. Voilà comment s’achève l’histoire des Tributs du Six. Sur un coup de tête. Pathétique. C’était lâche et puéril. Non content d’être suicidaire, Emrys a également sacrifié son amie à sa bêtise. Ces deux-là étaient dérangés et ont bien mérité leur sort. Ils n’avaient pas leur place en finale. A ce stade, le public demande du grand spectacle. D’ordinaire, on ne garde pas les tempéraments suicidaires aussi longtemps. Ils se font éliminer rapidement. Ces deux-là ont su passer à travers les mailles du filet. En vain, finalement. Leur mort n’en aura été que plus pitoyable.

Je refoule un accès de colère. Pourquoi se donner tant de mal pour en arriver là ? Ils jouent avec leurs vies plutôt qu’avec celles de leurs adversaires. Comment peut-on en arriver à mettre fin à ses propres jours, alors que tant de proies potentielles s’offrent à nous ? Je ne comprends pas. Je ne comprendrai jamais la mentalité des dépressifs qui peuplent les Districts périphériques. Nous venons de mondes trop différents. Faire passer les besoins des autres avant son propre intérêt, c’est louable. Mais pas au point de tuer son allié, de trahir sa confiance aux portes de la mort, de déshonorer son District. Et nous, dans l’histoire, nous passons pour des incapables. Le Capitole va me voir comme le Carrière incapable de mettre fin à la folie des faibles du Six. C’est vrai. Je n’étais pas vraiment parti pour avoir l’avantage. Mais si ces deux idiots avaient loyalement combattu, les choses auraient sans doute évolué différemment. J’aurais pu renverser la situation, reprendre le contrôle et abattre ce moins que rien. La rouquine, paralysée face à ses démonstrations de violence, l’aurait suivi peu de temps après. Les deux dernières survivantes semblaient suivre un accord secret, leur intimant de ne pas s’en prendre à moi. D’éliminer les tarés du Six avant tout. Là encore, j’aurais pu m’en servir pour assassiner l’une, puis l’autre. Mais rien n’est encore perdu. Je n’ai pas eu à me vider de mes forces face à un adversaire qui ne le méritait pas. Il m’en reste peu. Je chancelle et commence à voir des lumières danser autour de moi. La faim creuse mon ventre depuis plusieurs jours. Elle me force à puiser dans des réserves insoupçonnées pour rester debout, et ce depuis presque une semaine. Tuer demande une énergie considérable. J’ai fait ce que j’ai pu, mais mes forces s’amenuisent. Allons ! J’ai tenu bon jusqu’ici, ce n’est pas pour tourner de l’œil à l’aube de la victoire ! Je m’agenouille lentement, luttant contre l’irrésistible envie de m’asseoir par terre pour me reposer. Ce n’est ni l’endroit, ni le moment. Je dois encore me débarrasser de deux Tributs. Ensuite, j’aurai toute une vie pour recouvrer mes forces. Mais je dois gagner. Je dois gagner. Je n’ai jamais été aussi proche de la victoire. Plus que deux pouilleuses à tuer. Plus que deux gamines à faire tomber. Dans quelques minutes, le canon tonnera la chute des quatre cadavres à mes pieds. Je serai couronné grand vainqueur de la seizième édition des Jeux de la Faim. J’ai longtemps caressé ce doux rêve. A présent, il est à portée de main. Encore un effort, un tout petit effort. Elles sont deux, mais je peux m’en débarrasser aisément. Quelques minutes… Deux coups de sabre…

L’adrénaline pulse dans mes veines. Un vrai moteur, qui réactive mon cœur, mes espoirs, ma force. D’un seul coup, mes rêves me rendent invincibles. Je sais qu’ils vont devenir réalité. Il ne peut rien m’arriver. Les gamines ne vont pas tarder. Cette fois-ci, elles ne fuiront pas. Où iraient-elles ? Je suis désormais leur seul ennemi. Le loup ne lâchera pas ses proies. Elles s’épuiseraient bien avant moi. Elles subsisteraient jusqu’à ce que le gel dévore leur chair. Alors que mes fidèles sponsors, croyant plus fort que jamais en mes chances de revenir, m’enverraient de quoi survivre le temps que les deux autres abandonnent la partie. Alors elles vont venir tenter leur chance au corps à corps. Un domaine dans lequel j’excelle. Peu importe quelle option elles choisiront. J’ai déjà gagné.

D’immenses perspectives s’offrent à moi. J’entrevois mon avenir, plus clairement que jamais. J’imagine la réaction de mes proches lorsque je vais leur apparaître pour la première fois depuis des semaines. Avalon au premier rang, des torrents de larmes se perdant dans son tendre sourire. Son corps qui viendrait naturellement se coller au mien, pour retrouver cette complicité unique qu’on aura bien failli perdre. Je peux presque entendre les cris de joie de Berry, sentir son odeur, reconnaissable entre mille, sentir sa peau caresser la mienne. Je me vois déjà abandonner mon visage dans sa chevelure soyeuse, l’étreindre aussi fort que possible. Surtout ne plus jamais la lâcher. Noah Laurenson, le présentateur des Jeux, fera le déplacement au Un pour assister à notre mariage, qu’il promet de financer. J’en profiterai pour le remercier de son soutien dans cet enfer blanc. Quand les festivités se seront calmées, j’irai retrouver Devon, mon meilleur ami, son sourire charmeur métamorphosé en un éclat de rire sincèrement soulagé. On parlera de tout et de rien. Il me harcèlera sans doute de questions à propos de l’arène, de la stratégie à adopter pour survivre le plus longtemps possible. Il me traînera de force au centre d’entraînement, et m’obligera à l’entraîner pour la prochaine édition. Je sais que ces Jeux lui tiennent à cœur. Il veut qu’on se souvienne de lui. Il veut briller aux yeux de tout Panem, puisqu’il n’a pas réussi à retenir l’attention de son père. Je lui prodiguerai mes conseils avec plaisir. Mais, dès qu’il aura le dos tourné, j’irai narguer Ruby. Ma rousse rivale refusera de l’admettre, mais elle sera contente de me voir revenir en un seul morceau. Et je compte bien profiter de mon nouveau statut de mentor pour l’embêter encore plus qu’à l’accoutumée. Elle va me détester encore plus, mais je ferai d’elle une Carrière hors pair. En un an, à l’aide de Camille et de Jillian, c’est tout à fait jouable. Je vais enfin pouvoir montrer à ces deux gagnantes que je n’ai pas à rougir face à elles. Que je suis capable de grandes choses, moi aussi. Que je mérite mon titre de vainqueur.

Je tremble d’excitation. Beaucoup trop. Ce n’est pas normal. Je n’arrive pas à me défaire de mes liens. Ma cheville reste inexorablement coincée dans ce putain de piège. Si je prenais le temps de réfléchir, d’analyser la construction de ce collet, je pourrais m’en sortir en un claquement de doigt. Mais mon esprit est déjà ailleurs. Beaucoup trop loin. Je peine à me concentrer sur mes entraves. Les spasmes qui agitent mes bras et fourmillent jusque dans mes doigts ne me facilitent guère la tâche. Je réalise seulement maintenant que mon rythme cardiaque est beaucoup trop élevé. Je respire anormalement vite, anormalement fort. L’excitation ? L’adrénaline ? La perte du peu de contrôle que j’exerçais encore sur moi-même ? Je relève la tête, à moitié hagard. La fille du Onze, celle que j’ai eu tant de mal à approcher jusque-là, s’avance vers moi d’un pas décidé. Je me redresse d’un bond, le regrette aussitôt, et pars à la recherche de mon sabre. Elle a le sien bien en main, et n’hésitera pas à s’en servir. On peut jouer à ce petit jeu. Mais je suis plus doué qu’elle dans le maniement de cette arme. Mais je ne trouve pas ma lame. Ma fidèle arme, qui a tué plus d’une fois et m’a toujours assuré une protection depuis mon entrée dans l’arène, a soudainement disparu. Je mets de trop longues secondes à l’apercevoir, à quelques pas de moi, gisant dans l’obscurité. J’ai préféré la laisser à terre, misant sur mon bouclier de bois pour faire face à la mortelle folie du Tribut du Six. Une grossière erreur à laquelle je n’avais pas songé. Et qui risque de me coûter cher. J’ai envie de plonger à terre, de la récupérer et de faire face à la jeune fille, comme un homme. Comme un Carrière. Mais elle ne m’en laisse pas le temps. Elle est déjà là. A deux pas de moi. J’attrape instinctivement mon couteau. Un pas. Je lis dans ses yeux tout le mépris du monde. Je transpire et peine à retrouver mon souffle. Non. Ça ne peut pas finir ainsi. Pas comme ça, pas maintenant. Pas à cause d’une stupide erreur de ma part… Elle est là. Je risquais bien plus en quittant le clan des Carrières, et c’est à cause d’un fantasme sur ma victoire que je vais perdre. Perdre la face, perdre la vie.

- Merde, je murmure.

La gamine m’attrape par l’épaule pour m’attirer vers elle. Je n’ai pas le temps de réagir. Quand je comprends ce qu’ils s’est passé, il est déjà trop tard. Sa lame est profondément enfoncée en travers de mon ventre. La douleur me déchire en deux. Du sang chaud s’écoule de la large plaie, poissant déjà la toile en lambeaux de mon pantalon. Je n’ose pas regarder l’étendue des dégâts. Je voudrais me tordre de douleur, hurler ma souffrance, mais je n’en ai plus la force. La brûlure du fer s’apaise rapidement. Je sens le froid m’engourdir. Avec peine, je relève les yeux en direction de l’assassin. Elle retire sa lame de mon corps meurtri d’un coup sec. Je tousse et crache du sang. Mes poumons ne fonctionnent plus. J’ai l’impression qu’ils se noient. Ils se noient dans le même magma rougeâtre qui s’échappe de mon torse. Je soutiens le regard fermé de la jeune fille. Mes pupilles ne se détachent pas des siennes. Je veux qu’elle y lise tout le mépris que je nourris à son égard. Je veux que mes yeux à moitié voilés la hantent pour le restant de ses jours. C’est tout ce que je peux faire. A défaut de la tuer, je peux faire en sorte de lui rendre la vie insupportable. Je peux faire partie des fantômes de l’arène qui maudiront sa nouvelle existence. La vie qu’elle aura gagné au mépris de nombreuses autres. Je la devine fragile. Elle n’oubliera pas ces Jeux.

Sans un mot, elle te donne un coup de pied dédaigneux. Ton corps mourant ne lui oppose aucune résistance. Tes genoux heurtent le sol dur de la forêt. Tu ne ressens plus aucune douleur. Tu te fiches des bleus ou du sang rouge. Tu pousses un profond soupir, les yeux rivés sur le sol rougissant, du sang s’échappant de tes lèvres écumantes. Tes épaules se font lourdes et raides, comme le reste de ton corps. Tu voudrais relever la tête, affronter une dernière fois cette frêle jeune fille qui te tourne le dos. Qui s’apprête déjà à s’en prendre à son alliée. Elle t’a oublié. Ils t’oublieront tous. Dans un an, ce sera terminé. Tu auras brillé. Mais tu as échoué. On ne se souvient que des vainqueurs.

Ton buste raide bascule en avant. Tu ne peux amortir ta chute. Tu sens à peine ton corps heurter le sol gelé. Tu n’es plus maître de tes mouvements. Tu ne penses plus. Tu ne ressens plus. La chaleur du sang qui recouvre ton visage te paraît lointaine. Tellement lointaine… Tu pousses un long soupir, rauque et chargé de sang. Tes paupières se font plus lourdes encore que le plomb. Tu as sommeil. Tu veux te relever. Un cri étouffé te l’ordonne. Mais tu refuses d’obéir. Tu as bien mérité un peu de repos. Tu vas dormir. Reprendre quelques forces, et te venger ensuite. Oui, ça te paraît un excellent programme. Ton dernier soupir libère ton âme en un nuage de brume blanchâtre, qui s’évanouit dans l’air glacial. Tes yeux voilés restent ouverts sur le vide qui se dessine autour de toi. Tes lèvres entrouvertes ne laissent plus aucun souffle s’échapper. Les flux de sang commencent déjà à se tarir. Ton cœur a cessé de battre. Tu as cessé d’exister. Ne reste que ton corps immobile, étendu sur un sol inexistant là-bas, propriété du Capitole et souvenir douloureux au cœur de tes proches.




 

 
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