Physique - Caractère

Comme vous pouvez vous en douter, je n’ai jamais été très fan d’activités sportives. Je n’ai jamais trouvé le moindre intérêt à courir autour d’un stade ou de m’exercer au tir à l’arc comme certains gosses de mon quartier. Plutôt négligé dans mon apparence, j’arbore la plupart du temps une coupe de cheveux en bataille, une barbe de plusieurs jours et des vêtements plus ou moins propres.

Pour ainsi dire, les stylistes et préparateurs, maquilleurs doivent s’occuper de lui pendant des heures avant chaque apparition publique afin de le rendre présentable au moins une fois dans l’année.

Je n’ai jamais particulièrement été attiré par les études. Plutôt doué pour la chimie et la géologie, mon rêve serait de créer une fusée et partir loin, très loin de Panem et voyager vers les cieux comme on dit que les ancêtres l’avaient fait jadis.

Vainqueur des Jeux, je n’ai pas à travailler à l’usine comme mes parents avant moi. Il y a fort à parier que c’est là que je serais à présent, à tresser du câble électrique toute la journée comme mes parents l’avaient fait une bonne partie de leur vie.

Je passe ainsi la plupart du temps dans le laboratoire que j’ai créé dans ma maison du village des vainqueurs ou à la bibliothèque. Je voyage assez peu au Capitole ou dans les autres districts. En effet, alors que les autres tributs vainqueurs y sont adulés comme des demi dieux, ma renommée est plus modérée. Pas inexistante, mais moins d’actualité que tous ceux ayant un peu de sang sur les mains. Et honnêtement, cela me satisfait tout à fait.

Histoire

Une explosion morbide, glaciale. Un tremblement sourd, suivi de cris et de lamentations sordides. C’est ce que je retiens de mon passage dans l’arène. Encore aujourd’hui, je n’arrive pas à réaliser que je m’en suis sorti en vie. Cela avait pourtant mal commencé...

L’instauration des Jeux s’était passée sans la moindre rébellion dans le District. Après la guerre, la population était affamé et terrifiée d’être terrassée comme ceux du 13 qui avaient payé un lourd tribut. Tout le monde n’aspirait qu’à la paix, peu importe les sacrifices, mêmes les plus sanguinaires, exigés par le gouvernement central du Capitole. J’étais encore tout jeune à l’époque mais jamais je n’aurais pensé être sélectionné pour participer à cette barbarie…

On a coutume de penser que les étudiants du 3 sont tous très intelligents, en tout cas plus intelligents que la moyenne. Pour certains, c’est peut-être vrai. Moi, tout ce qui m’intéressait à l’époque, c’était de faire sauter des choses. Alors que la plupart des jeunes investissaient temps et énergie à comprendre comment fonctionnaient les choses, démontant et remontant les mécanismes les plus complexes, mon seul plaisir était de comprendre comment dynamiter, faire sauter, écrabouiller et réduire en cendre les créations de mes petits camarades.

En parlant de ça, je me souviens d’une psychologue du Capitole qui, avant mon entrée sur l’Arène, avait fait un rapprochement entre mon « passe-temps » et les activités terroristes d’un oncle éloigné, très engagé dans la lutte contre le Capitole pendant la guerre. Même si je n’avais jamais eu l’occasion de vraiment le connaître – le malheureux ayant fini sur un peloton d’exécution - son commentaire sur mon cas avait fait grand bruit parmi les sponsors qui ne se bousculèrent pas pour m’assister lors de l’épreuve.

Bref, vous l’aurez compris, j’étais un jeune homme tout à fait normal, sans grand intérêt pour les sciences complexes, pour le sport ou quoi que ce soit d’autre.

Inutile de dire que ma côte n’était pas très élevée lors du passage devant les juges, ni mêmes après la soirée de présentation télévisée. Ce n’est pas le défilé hippique qui m’a rattrapé, la styliste nous ayant déguisé, ma condisciple - une jeune fille de 15 ans que je ne connaissais pas - et moi-même en deux grosses machines à calculer. Il faut dire que cette année-là, de nombreux tributs s’étaient portés volontaires ce qui n’avait évidemment pas arrangé les choses. La situation économique dans certains districts avait poussé de nombreux jeunes à accumuler les tesserae afin de permettre à leur famille de survivre, un peu plus de temps.

Moi je n’avais juste pas eu de chance. Tout simplement.

Bien, maintenant, vous vous dites surement « Ne te plains pas, tu es en vie, quand même ! »

Et vous auriez raison …

Pourtant, je vous plante le décor … Nous sommes 24. Chacun dans son tube.

On nous remonte doucement pour être, à peine sortis, balayés par une bourrasque glaciale… Partout autour de nous, le blanc immaculé d’une montagne enneigée. Moi qui n’avais jamais vu la neige, ce fut une surprise des plus funestes.

Mais pas le temps de réagir, on fait sonner le canon annonçant le début des « jeux » qui devaient nous être particulièrement favorables, soit disant …

Renonçant à plonger dans la mêlée de la corne d’abondance, je m’enfuis à toutes jambes en direction d’une petite crevasse, une grotte où je finis par rester cacher … alors que les autres tributs s’écharpèrent gaiement.

N’ayant pas d’arme, peu de matériel et très peu de vivres, je pus tout de même utiliser mes connaissances sur les explosifs pour constituer et poser quelques mines explosives avec les matières premières grappillées non loin de ma cachette… Vous savez bien, un peu de salpêtre par ici, un peu de poudre par là…

Les Jeux furent particulièrement violents, cette année-là. Les 2/3 des tributs moururent dans les deux premières heures… Certains autres tombèrent congelés… Quant aux deux derniers, deux amis d’enfance du District 1, ils vinrent tout simplement marcher sur les mines que j’avais disposées… pensant me faire la peau pendant mon sommeil, sans doute.

Le public, après le déchaînement de violence qui avait eu lieu lors de l’épreuve, ne s’attendait surement pas à la mort aussi subite que ridicule de leurs champions, vers lesquels étaient tournés tous les espoirs. Si bien, qu’une vague de protestation s’éleva afin qu’on ne m’octroie pas ma pension de vainqueur. Certains parmi les plus teigneux parlèrent même de me refaire passer l’année suivante…

Mais heureusement pour moi, il n’en fût rien.

Je regagnais mes foyers sous les honneurs des miens pour qui j’avais survécu … par ma seule logique et un mental d’acier.
C’est à peu près tout…

Enfin non, ce n’est pas tout à fait terminé … Car si le Capitole prend, et donne, il reprend tous les ans à la même époque. Son rôle était désormais de devenir mentor et enseigner à d’autres ce qui lui avait permis de survivre. Inutile de dire que la tâche était chaque année pour lui une véritable torture. Non seulement, il n’avait rien à enseigner à ceux qui étaient tirés au sort, mais chaque année on venait lui reprocher sa prestation lamentable pendant les Jeux…et sa lâcheté face à des tributs qui méritaient, bien plus que lui selon les dires des gens du Capitole, le droit à la vie.