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« Non mais… tu préfères pas qu’on reste en bas, sérieux ? »Emily m’a suivie de près dans mon arbre, utilisant une méthode à elle pour grimper : les couteaux dans l’écorce. Alors là, on était un peu mal barrées, si elle grimpait forcément comme ça et à cette vitesse… Elle avait l’air de nettement préférer marcher sur la terre ferme, mais on avait les carrières à nos trousses. Et on les a peut-être toujours. Mais pas envie d’aller vérifier en retournant à l’orée de la forêt en me mettant peut-être dans leur champ de vison : pas très discret… Puis de toute façon, il nous rattraperont bien assez vite s’ils doivent le faire. On fait une pause sur notre branche, et elle me tend une espèce de brioche assez fine. Il y a du sel dessus, et c’est vraiment pas mauvais. Faut dire ce qui est, je sais même plus depuis quand je n’ai pas mangé, depuis quand mon estomac crie famine, s’il crie vraiment. En tout cas, prise dans la course, je ne l’ai pas entendu. Et à la place, c’avait été l’adrénaline qui m’avait nourrie. En tout cas, pour le moment, je suis plutôt contente de ce moment de répit, si petit soit-il. Je savoure doucement mon biscuit, faute de meilleur mot. Emily, qui a eu la présence d’esprit de récupérer le s&c d’Hugo commence à déballer ce qu’il contient : je la laisse prendre les mitaines, parce qu’avec mes gants, elles ne me serviraient à rien, de toute façon. Mais détail le plus important : Hugo avait un sac de couchage, qui a l’air de tenir vraiment tenir chaud, voir même de chauffer tout seul ?En tout cas, c’est l’impression qu’il donne. La rousse, mon alliée, prise d’une soudaine envie pressante (apparemment), se lève, limite verte, bien assortie aux sapins qui nous entourent, et va (d’après l’odeur, mais surtout le bruit) se relâcher les tripes. Ouh, je suis sûre qu’elle a mangé ou bu quelque chose de pas clair, dommage pour elle. En tout cas, c’est fulgurant…

Je me lève, pour moins sentir l’odeur, et aussi parce que j’aimerais bien que l’on quitte cet endroit, tout près du danger qui nous guette. Qui nous a guetté, qui nous guettera ? On ne sera jamais à l’abri, où que ce soit… Si jamais on survit, aussi ! Oui, faudrait déjà qu’on puisse survivre. Elle me rejoint assez vite, après s’être bien… vidée ? Même dit comme ça, c’est vraiment dégueulasse, j’aurais pas aimé savoir ce qui l’avait rendue malade, ou pire, avoir été en dessous du déluge. Bref, je me lève, et je lui adresse un sourire gêné, qui devait plutôt ressembler à une grimace. Puis je lui fais u signe de tête, pour lui dire qu’il faut continuer à s’enfoncer dans la forêt, trop timide pour ouvrir vraiment la bouche. Mais avant qu’on puisse  décoller, elle s’assoit sur sa branche, qu’elle fait craquer. Top discrétion merci. Je reste interdite, un instant, l’oreille tendue. Ils sont peut-être dans le coin ? L’angoisse monte, pendant une demi-seconde, et encore plus après le craquement significatif de la neige, sous un poids un peu important. Du caaaaalme. C’est juste un animal, ou un truc du genre. Mais quand le craquement se reproduit plusieurs fois, et des fois en même temps, je me dis que c’est pas possible, c’est un groupe de personnes. 3 sans aucun doute. Bon c’est bon, je sais qui c’est. On est dans la merde, profond. Moi qui voulait pas me retrouver dessous…

L’adrénaline remonte, comme si elle ne m’avait même pas quittée en fait. La pause avait était courte, bien trop. Un sursis qui apparemment aura été inutile. J’avais mangé un bout de gâteau, maintenant j’allais peut-être mourir, mais à part ça, tout allait bien. On respire encore un coup, on se calme. C’est pas encore fini, et de toute façon, ça c’est le futur et on y est pas encore. Alors on y pense pas, aussi noir peut-il être. Emily, sans me regarder, murmure 3-4 mots en ma direction « Trish ! Regarde un peu par là… »Comme si j’avais pas vu. Trop transie (pas de froid, mais de peur) je ne répond pas. Comment ne pas remarquer le bruit de leurs pas lourdeaux ? J’aurais préféré ne pas avoir l’oreille aussi fine, ou tout simplement, qu’ils ne soient pas là… Mais bon, là pour le coup et pour le moment, on ne peut pas fuir. Maintenant qu’ils nous ont retrouvé, je ne pense pas qu’ils nous lâchent en vie, malheureusement. Je frissonne, et ce n‘est toujours pas à cause du froid. Je suis immobile, figée. Bientôt, les trois compères apparaissent au « grand jour »de la forêt, juste en dessous de nous. Zadig, Alex, et Ashe. Armés. Prêts à en découdre. Avec nous. Prêts à tuer, à NOUS tuer. Encore une fois sans aucun rapport avec la température négative, mon sang se glace dans mes veines.

Ma coéquipière, elle, contrôle sa peur bien efficacement en choisissant de leur envoyer une boutade : « Oh mais qui voilà ? Les abrutis entraînés à tuer… entraînés, seulement. Qu'est-ce que vous me faites peur avec vos armes ! C'est pas des jouets les enfants, vous risquez de vous faire bobo avec. Vos parents vous ont jamais dit ça ? »Elle les provoque. Pourquoi ? Mais c’est inutile, bon sang ? Tu veux juste les énerver pour qu’ils en finissent plus rapidement ? Je comprends pas ta technique… La fille du Deux, Ashe je crois, rentre dans son jeu, facilement. « Ooh, ne t'en fais pas pour nous ! ...Mais on dirait que les tiens ne te l'ont pas dit.»Ah ça, personnellement, je ne me fait pas de soucis pour vos personnes ! Celui qui va gagner sera sûrement l’un d’entre vous… Pas moi, là c’est trop mal barré ! J’avais eu un espoir à un moment… mais là, pfuit ! plus rien. Envolé, comme c’est étrange. M’enfin voilà, ils se lancent des piques, et pour l’instant, l’épée de Damoclès n’est pas tombée. Petit sursis. Pour l’instant, je passe inaperçue, je crois. Les regards de nos trois compères sont dirigés vers Emily,


« Disons que m'interdire d'avoir des couteaux serait un vrai crime. Tu te rends compte, tous les rebelles à moitié cinglés qui courraient les rues, sans moi et mes armes ? »Ah si tu le dis… Je suis l’échange, de loin. D’ailleurs, elle commence à s’activer à côté de moi, à tailler une branche, après la bavette. Elle continue quand même à parler : « Mais au fait, t'as pensé à Zadig ? Enfin bonhomme, désolée de parler de toi comme si t'étais pas là, hein. Tiens ben d'ailleurs je vais m'adresser à toi, ce sera plus rapide. Tu flippes pas ta race ? Non parce que quand même, t'es le seul tribut du Un, là. C'est la fin des haricots choupi, ils vont te buter à un moment où à un autre, n'est-ce pas ? »Aucun commentaire de ma part… Je ne sais pas ce qu’ils foutent, en bas, mais en tout cas, ça commence à sentir le brûlé, et j’entends un bruit de pierres qui s’entrechoquent… Ils allument un feu, ils veulent camper là ou quoi ? « Attendez, je vous prépare une surprise ! ». Elle prend sa masse, que je n’avais pas remarqué, et l’enduit de sève à partir du trou qu’elle a pratiqué dans la branche, puis sors son briquet et après plusieurs essais allume sa torche de fortune… Sympa la surprise ! Et voilà ! Un joli feu pour me réchauffer. Il a l'air très chaud, à votre place j'essaierai pas de m'approcher de sa détentrice. »

Du côté des carrières, leur feu flambait bien. Qu’est-ce qu’ils comptent faire avec ? Ils discutent toujours. « – Fais gaffe avec ton allumette à ne pas te brûler. Bon, on fout le feu uniquement à leur arbre ou on se débrouille pour faire cramer toute cette forêt ? »Avant de répondre, Emily se retourne vers moi. Elle a perdu son air heureux et ironique, si jamais elle en avait eu un. Elle est sérieuse, et quand elle m’adresse la parole, elle est limite sèche. « Je m'occupe d'eux. Toi, tu prends les sacs. Je te rejoins plus tard, t'en fais pas pour ça. T'as intérêt à fuir. J'ai pas envie que les cadeaux de mes sponsors finissent dans les mains des carrières ou brûlés. Clair ? »Je lui adresse un hochement de tête, encore trop figée pour parler. Il faut que je récupère ses deux sacs, et que je m’en aille, aussi vite que possible. Elle compte les attaquer, et peut-être mourir ! Pour moi ? En tout cas, elle veut revenir me voir. Je ne sais pas comment elle me retrouvera, mais elle le fera, si elle sort en vie de l’affrontement. Je prend ses sacs, que j’accroche des deux côtés de mon cou. En tassant bien j’arrive à mettre les affaires d’Hugo dans le sac d’Emily, ce qui me rendra un peu moins empaquetée. La canne, je la coince dans mon dos. Accrochée comme ceci entre les deux bandoulières, elle ne peut pas bouger. Maintenant, je suis prête pour partir, j’attend juste qu’elle lance son attaque, pour qu’elle fasse diversion.

Puis elle lance ses deux torches, et ensuite 3 couteaux, sans se soucier de savoir s’ils ont atteint leurs cibles. Et dans la même foulée, elle saute à terre, avec le reste de ses couteaux. En tout cas, pour ma part, je commence à grimper doucement pour ne pas trop attirer l’attention. Une fois arrivée à une hauteur assez respectable, je me permet de me retourner : même de là, je peux voir les feux qui sont allumés, et j’entend mon alliée lancer, comme sa dernière arme : « C'est moi que vous voulez ? Aucun souci. Que le combat commence. »D’un pas lourd mais silencieux, je m’éloigne, essayant de mettre le plus de distance entre les affrontements et moi. Essayant peut-être de quitter cette forêt et d’être le plus loin possible quand les coups de canons retireront. Je soupire, la mine grave. J’espère que je ne verrai pas son visage ce soir…

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