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La liberté est à portée de main.

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AuteurMessage
F. Zadig Nichoelson
F. Zadig Nichoelson
+ District Un +


♣ Nombre de message : 128
♣ Date d'inscription : 15/02/2013


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MessageSujet: La liberté est à portée de main. La liberté est à portée de main. I_icon_minitimeJeu 2 Jan - 23:21




La liberté est à portée de main.




♣️

Ma progression se révèle lente et difficile. Peu habitué à me trouver ainsi entravé, j’ai du mal à mettre un pied devant l’autre. D’autant que j’évite à tout prix d’en poser l’un des deux par terre. Je suis convaincu que, si je fais en sorte de ne pas forcer sur ma jambe blessée, la guérison sera plus rapide. Une heure. Dans une heure, je suis certain que la plaie aura cessé de saigner. Que les tissus commenceront déjà à se régénérer. Sauf si, bien évidemment, les griffes des bestioles étaient couvertes de poison mortel. Dans ce cas, je n’aurais aucune chance de m’en tirer. Les minutes me seraient comptées. Mais pour le moment, je poursuis ma route sans trop me poser de question. Je n’ai pas les moyens de vérifier si du poison coule bel et bien dans mes veines. Je suppose que si tel était le cas, je le sentirais. Ou alors, on m’enverrait un parachute empli d’antidote. Si personne n’est mort depuis la diffusion de l’hymne, nous sommes toujours huit. Sinon moins. Les prix des cadeaux du Capitole doivent flamber comme jamais, au-dehors. Mais la plupart des sponsors ont perdu le Tribut sur lequel ils misaient, il y a déjà quatre jours. Ce qui signifie que j’ai des chances de recevoir un nouveau présent provenant d’un inconnu plein aux as. Les Capitolins s’arrachent probablement les derniers Tributs en lice. C’est à celui qui en offrira le plus. Si certains sont en train de se battre pour moi, j’aimerais bien qu’ils se dépêchent de trancher. Je me vide de mon sang sous leurs yeux. Je sais pertinemment que certains en sont ravis, caressant le doux espoir de me voir tomber avant leurs Tributs favoris. Mais je ne leur ferai pas ce plaisir. Ni à ces Capitolins sadiques, ni aux derniers survivants. Je me suis promis de sortir vivant de cet enfer de glace. Je ne peux pas imaginer d’autre issue. Malgré la fatigue, malgré le froid, malgré la charpie bouillonnante qui rougit mes bandages poisseux. Je gagnerai. Je survivrai. Et je rentrerai chez moi. Toute autre hypothèse me paraît inconcevable. Perdre ? A ce stade du jeu ? J’en suis incapable.

J’aimerais vraiment avancer plus vite. Accélérer la cadence. Mais les trop nombreuses précautions que je prends pour m’éviter de souffrir davantage me ralentissent considérablement. Ma jambe gauche, boursouflée en son milieu, me lance sans arrêt alors que je n’y touche pas. Mon autre jambe commence à fatiguer, ainsi que mes bras. J’y mets toutes mes forces pour avancer en gardant l’équilibre. Mes membres se font douloureux à leur tour. J’ignore combien de temps je vais devoir continuer à ce rythme. Mais si je veux allez loin, il va me falloir ménager mes forces. Donc faire des pauses régulières. Donc m’exposer au danger régulièrement. J’en suis pleinement conscient, mais je reste d’un optimisme infaillible. Je me sens invincible. J’ai de quoi me défendre en cas de combat au corps à corps. Je peux attaquer à distance avec des munitions empoisonnées. Qu’est-ce qui pourrait m’atteindre ?

Après quelques minutes de marche, je retrouve peu à peu mes esprits. D’ordinaire, je suis tout sauf trop confiant en mes capacités. Bien sûr, je suis avantagé par rapport aux derniers, étant un des derniers Carrières. Mais ce n’est pas la seule condition à remplir quand on veut gagner les Jeux de la Faim. Des milliers d’autres paramètres sont à prendre en compte. L’environnement. L’endurance. La gestion des ressources. La faim, la soif. Le hasard. La chance. C’est pour cette raison que même les Districts les plus pauvres ont leur mentor. N’importe qui peut gagner. Pas grâce à d’innombrables qualités, par force ou persévérance. Mais grâce aux erreurs commises par les autres candidats. Un seul faux pas, et notre avenir est sérieusement compromis. Une seule erreur, et on peut en payer le prix fort. Ce qui explique pourquoi rares sont les mentors des Districts de Carrière. Une trop grande confiance en soi peut amener à commettre des erreurs irréparables. A ignorer des dangers pourtant bien réels. A sous-estimer des candidats au potentiel trop bien caché. Je suis d’avis que chaque Tribut doit être pris au sérieux. Chaque être humain qui rôde dans l’arène est une menace à part entière. Même les alliés. C’est pour cette raison qu’il faut se méfier de tout le monde, et ne pas hésiter à trahir, mentir, tuer. Chaque occasion qui se présente est une nouvelle chance de survie qu’il faut savoir saisir à temps. Il me faut quelques instants de réflexion pour redescendre de mon petit nuage. Mais je parviens à me convaincre de ma qualité de mortel. Je suis une cible facile, je ne suis pas immortel. Il n’y a que dans cet état d’esprit que je parviendrai à m’en sortir.

Alors que j’approche de la lisière de la forêt, un bip sonore m’arrache à mes rêveries. Un parachute se dessine dans l’obscurité, achevant sa course en ma direction. Je le regarde d’un œil méfiant, ralentissant l’allure. Je ne suis pas certain d’apprécier son contenu à sa juste valeur. Le paquet se pose doucement entre les racines congelées, sans encombre. Je prie pour qu’il ne s’agisse pas d’un antidote. Je ne veux pas me rendre compte que j’ai été empoisonné à mon insu. Mais la boîte est trop grande pour ne contenir qu’une malheureuse fiole de remède. Je me baisse et la traîne derrière moi, jusqu’à ce que j’atteigne un tronc contre lequel m’appuyer. En équilibre sur ma jambe valide, je défais mon paquet. Je soupire de soulagement en y découvrant une douce couverture ainsi qu’une petite boîte emplie de cachets blanchâtres. Pas de médicament. C’est que je n’en ai pas besoin. Je fais confiance à mes sponsors pour ce qui est de me dégoter ce qui m’est utile. D’autant plus que le petit roman qui accompagne le tout est signé de Camille. Sa remarque m’arrache un sourire. Comment ça, elle est meilleure que moi ? La seule raison pour laquelle elle est devenue mentor avant moi, c’est qu’elle est plus vieille. Elle a donc eu l’occasion de participer aux Jeux avant moi. C’est tout. Mais bientôt, je la rejoindrai. Peut-être pas en un seul morceau comme je l’espérais, mais je rentrerai chez moi. Et je lui prouverai que je n’ai rien à lui envier. Si ce n’est tout cet argent qu’elle investit pour son dernier Tribut. Une petite précision attire cependant mon attention. Si j’en crois la belle blonde du Un, les cachets qu’elle m’envoie sont hors de prix mais voués à me redonner quelques forces. Les économiser ? Ma mentor est adorable, mais elle ne sent pas que l’énergie me manque de plus en plus. J’ai beau essayer de garder la tête haute et un bon moral, je ne peux nier l’évidence. Je faiblis d’heure en heure. Je bouge trop, ou pas assez, et ces stupides écureuils m’ont épuisé. J’ai l’impression que, quoi que je fasse, je me vide de toute énergie vitale. Si j’ai tenu bon jusqu’à présent, rien ne m’assure que je pourrai encore tenir debout à la fin de la journée. Alors ces quelques cachets sont les bienvenus. Et puis, ils sont faits pour être utilisés. Pour ne pas froisser mon fidèle sponsor, je range les nouveaux cachets dans mon sac et en extirpe les deux qu’il me restait. Je les avale allègrement en les accompagnant d’une gorgée de lait pour les faire passer plus facilement. Je m’empare ensuite de mon couteau, et déchire le bas de mon pantalon, déjà dans un sale état. J’enroule les lambeaux que j’obtiens autour de mes bandages rouges et humides. Je fais un nœud très serré, histoire de stopper l’hémorragie. Ce geste serait inutile si je ne m’accordais pas une petite pause. Je lorgne en direction de l’orée du bois. La sortie n’est qu’à quelques mètres. Les arbres ne sont pas trop touffus en bordure, de sorte que je serai capable de détecter le moindre mouvement suspect provenant de la poudreuse. L’idée de croupir dans ce lieu humide et sombre encore un moment ne me réjouit pas vraiment, mais ma large blessure est plus préoccupante. Aussi, je me laisse glisser le long du tronc, prenant garde à ne pas fléchir ma jambe meurtrie. Je lutte contre l’irrésistible envie de m’envelopper dans ma nouvelle couverture, qui dégage une chaleur bienfaisante. Le combat est rude. Même si je grelotte, je parviens à l’emporter. La raison guide encore mes décisions. C’est bon de s’en rendre compte. Je veux profiter du froid pour guérir. La température négative ralentit la circulation du sang dans les veines. Associée à un pansement précaire mais solidement noué, je peux espérer tarir les flots de sang sous peu. Il me faut juste être patient. J’ai besoin de temps. Je ne suis pas certain d’en avoir, mais j’essaye de m’en accorder un peu. Je laisse au destin le plaisir de choisir ce qu’il adviendra de mon corps endolori.

Je sens que je perds connaissance. Mon esprit se vide durant un laps de temps que je ne saurais évaluer. Lorsque je rouvre les yeux, rien n’a changé autour de moi. Mon sac est toujours vissé à mes épaules, plaqué contre l’écorce froide de l’arbre. Toutes mes armes sont à portée de main. Pas un bruit ne vient trahir une présence inconnue. A l’extérieur, le ciel est toujours clair, et semble n’attendre que moi. Avant de le rejoindre, je jette un œil à mon genou. J’enlève les bouts de tissu qui recouvrent la gaze. Les fins bandages paraissent moins humides. La couleur rouge qui les a noyés est moins vive. Comme si le sang avait séché. Un détail qui resterait invisible si mon liquide vital avait continué à couler à flots. J’en déduis que je guéris. Lentement, mais sûrement. Un peu plus serein, je décide d’avaler un morceau avant de me remettre en marche. Je fouille dans mon sac et y trouve le paquet de gâteaux envoyé par Jillian. Il en reste trois. Sans prendre garde, je croque férocement dans l’un d’entre eux. Et manque de me briser la mâchoire. Le biscuit a durci, trop longtemps soumis au froid. A tel point qu’il est presque impossible à mâcher correctement. Je déploie des forces que je ne me soupçonnais pas afin de finir ma bouchée. Comme je suis lancé, je termine le biscuit entier, au prix d’efforts ridicules. Mais je ne touche pas aux deux derniers, me contentant de leur lancer un regard mauvais. Je refuse pourtant de gaspiller une nourriture bien trop précieuse. Je verse quelques gouttes de poison sur chacun des petits gâteaux et me débarrasse de l’emballage. Après quoi, je noue de nouveau les restes de mon pantalon autour de mon genou, et me redresse lentement. Je n’ai aucune idée de ce que je veux faire dans les heures à venir. Errer comme un paumé dans les différents lieux de l’arène me paraît être une mauvaise idée. Si je veux tuer les derniers survivants, je vais devoir les chasser. Je ne suis pas une proie. Je suis le traqueur. Je ne peux pas rester dans cette forêt éternellement. Je veux m’en éloigner sur-le-champ. Je vais marcher un peu, pour ne rien perdre de mes réflexes, puis me trouver un observatoire. Un endroit d’où je pourrai voir sans être exposé aux regards meurtriers. Une cachette sommaire, imparfaite, mais qui m’offrira un panorama de choix sur l’ensemble de l’arène.

J’ai déjà ma petite idée sur la question.

De nouveau sur pieds, je me remets en route. Arrivé à la lisière de la forêt, j’abandonne mes biscuits au pied d’un arbre, histoire d’appâter un Tribut naïf qui passerait par là. Je recouvre les gâteaux d’une fine couche de neige, pour qu’ils n’éveillent pas les soupçons. Mais ils resteront visibles aux yeux de celui qui s’approchera, affamé. Quant à moi, je m’appuie sur ma canne de bois et poursuis mon chemin. Je ménage mes efforts et progresse plus lentement que jamais, attentif à ne pas m’épuiser. Au bout de quelques mètres, j’entame l’ascension du volcan. Pas encore complètement fou, je n’ai pas pour but de me réfugier au creux du cratère. Je ne veux pas prendre le risque de rouvrir la plaie béante en escaladant les pentes du volcan. Dans mon état, je ne suis même pas sûr d’atteindre le sommet avant la tombée de la nuit. Je grimpe simplement le long de quelques mètres. Juste pour prendre un peu de hauteur, avoir une vue d’ensemble sur les environs. Une fois que j’estime être assez haut perché, je me laisse tomber sur une pierre. Du bout des doigts, je saisis un peu de neige et la dépose sur mon pansement. Je n’ose pas défaire les bandages. Je sens qu’ils sont de nouveau humides. Et ce n’est pas dû à la neige fraîchement déposée dessus. J’ai été vigilant, mais l’exercice a rouvert la plaie. Pas très profondément. Juste assez pour me rappeler à l’ordre. Très bien. Finis les efforts inutiles. Je vais m’armer de patience et attendre qu’un Tribut assoiffé de sang de Carrière se présente à moi. Je tiens ma sarbacane prête à l’emploi et scrute le paysage désert, désespérément blanc, qui s’offre à moi. Avec la très ferme intention de tirer sur la première silhouette qui se dessinera à l’horizon.



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