Nous reprenions donc la route dans ce paysage recouvert de blanc, à la recherche du Tribut qui nous avait échappé hier durant notre pseudo combat contre Emily. Bien évidemment, nous ne l’avions pas retrouvé et elle se cachait désormais dieu sait où. Une chose était à peu près certaine, c’était que cette fille ne se trouvait plus dans la forêt – ou du moins plus dans cette partie. D’un accord silencieux, on avait donc décidé de quitter cet endroit. En partant, et après avoir ramasser mon nouveau sac – bien plus grand et confortable que l’ancien – et repris mon épée, je remarquais qu’Ashe avait laisser tomber le mot de Noah par terre avant de prendre la route. Une irrépressible envie de pisser dessus m’envahit mais je me retins et repris le chemin à la suite de ma partenaire, non sans l’avoir piétiné une fois que je fus certain que cette dernière ne remarquerait pas mon geste. Malheureusement, ça ne me calma en rien, et à la place de montrer ouvertement ma mauvaise humeur, je me contentais de rester silencieux sur le trajet.

Finalement, nous atteignons la sortie de la forêt pour revenir dans ce paysage plat, maculé de blanc et recouvert de neige, à perte de vue. Au loin, nous apercevons le volcan, en haut duquel se trouve la corne d’abondance que nous avons pillé deux jours auparavant… et peut-être aussi la sangsue meurtrière qui avait faillit me passer à trépas. Pour la je ne sais quantième fois, je passais une main dans mes cheveux en marquant un moment d’arrêt et en observant ce paysage. C’était beau, certes, mais… quelque chose me dérangeait… je pense que c’est parce que à côté de ça, et même si c’était fabriqué par le Capitole, je me sentais vraiment faible et insignifiant devant la nature à l’état pure. Qu’avec une simple tempête de neige, je pourrais mourir de froid ou souffrir d’hypothermie.

– Ca me rappelle Noël tout ça... Tu ne trouves pas ?

Je lui lançais un regard oblique avant de regarder à nouveau le paysage face à moi. C’était les premiers mots que l’on s’échangeait depuis que nous étions partit de notre campement. Je tentais tant bien que mal de garder un ton neutre et détaché avant de répondre, tout en conservant mon calme le mieux possible.

– Je ne sais pas. Nous n’avons jamais fêter Noël.

Malgré l’effort que j’y avais mis, je n’avais pas su cacher l’amertume qui continuais à m’habiter depuis que j’avais découvert la proposition dont avait été la cible Ashe.

Finalement, nous avons repris notre route. Ne sachant pas trop où aller, nous avions pris la direction d’un lac qui semblait geler. Je savais ce que c’était que de la glace, mais je n’en avais jamais vu de cette manière. Et une chose était certaine : il me faisait peur. Oui, j’avais peur car il semblait si fragile… on pouvait voir l’eau en dessous de la couche de glace. Et j’avais l’impression que si je mettais un pied dessus, il allait se fissurer et j’allais plonger dans cette eau qui devait être tout simplement glacial. A mon avis, si je devais tomber dans cette eau, je ne survivrai pas longtemps avant de mourir de froid, surtout que nous n’avions pas réellement de source de chaleur pour nous réchauffer.

– Tu t'attendais à ce qu'il parte ce matin, toi ?

Je lançais un nouveau regard vers elle. Pourquoi me parlait-elle tout le temps de Zadig ? Il était partit, un point c’est tout, elle savait qu’on allait le massacrer une fois qu’on tomberait à nouveau dessus. Et on retombera dessus, c’est indéniable. Nous n’étions plus que dix dans cette arène, et les juges finiront bien par nous rapprocher les uns des autres histoires d’avoir des affrontements épiques. Et à ce moment là, on le tuera, tout simplement. Comme tous les autres, alors, à quoi bon s’en inquiéter. Je ne pus m’empêcher de pousser un soupir avant de répondre.

– Il allait finir par partir, c’était certain, juste que je pensais que ça aurait été plus tard, qu’on est le temps de le tuer avant qu’il ne parte. Ce n’est que partie remise, dé qu’on le recroisera, il mourra. Dis-je avec toujours autant d’amertume dans la voix qui n’avait pas grand-chose à voir avec Zadig.

J’avais dit tout cela d’un ton naturel, limite blasé, faisant passer notre pseudo amitié pour de la merde pigeon. Et c’est ce qu’elle était à mes yeux : de la merde de pigeon. Elle avait toujours été factice, ne représentant vraiment pas grand-chose à mes yeux, juste un moyen de faire l’illusion d’un groupe de Carrière soudé attirant ainsi des sponsors. Mais maintenant qu’il était partit, ça n’avait plus aucune importance, je l’avais réduis au même rang qu’un autre Tribut à traquer. Se serait juste difficile sans sa présence, mais je suis persuadé qu’avec Ashe à mes côtés, ça ira… sauf si elle me trahit… mais elle ne le fera pas, on s’en est fait la promesse, d’aller jusqu’au bout ensemble…

Plantant mon épée dans la neige au bord du lac, je lançais un regard vers Ashe… et une chaleur étouffante s’empara de moi. Je n’avais qu’une seule envie : la plaquer là, ici, dans la neige, et l’embrasser avec passion, jusqu’à ce qu’on arrive plus à respirer. La présence des caméras qui nous observait m’importait peu. Je n’en avais rien à foutre que les citoyens du Capitole nous voient. Je voulais juste laisser libre court à mes pulsions, à mes envies… mais je me retins malgré tout. J’ignorais si ces envies étaient réciproques et je ne risquerais pas à le savoir, sauf si elle me faisait comprendre le contraire.

Finalement, j’arrêtais de la regarder car cela ne faisait qu’attiser le feu qui régnait en moi et me replongeait dans mon mutisme, observant le lac gelé droit devant moi, les bras le long du corps, l’épée plantée dans la neige à côté de moi. Plus renfrogné que jamais, j’observais juste ce qui se présentait devant moi, oubliant tout le reste – sauf la présence d’Ashe. Il y a à peine deux semaines, si j’aurais ressentis ça, j’aurais sans hésité pris ce que je voulais, mais avec elle, je ne pouvais pas faire ça. Je ne m’imaginais tout simplement pas le faire. C’était une sensation très bizarre, car toute ma vie, si ce n’est ma sœur, je n’avais jamais été attaché à quelqu’un, et maintenant que ça arrive… je ne sais pas comment je dois faire pour vivre avec ça. Surtout que je ne sais si c’est réciproque. Certes, il y a eu cette « soirée » dans le salon de notre appartement, mais depuis qu’on est entré dans l’arène, elle n’a plus fait un seul geste envers moi, me considérant juste comme un équipier. A moins qu’elle le cache aussi… monde, que tu peux être cruel.

Il n’y avait absolument rien par ici, si ce n’est cette neige et ce lac gelé. Rien qui ne vaille la peine de se déranger pour. Aucun autre tribut n’était présent dans les parages. Malgré tout, je n’avais pas envie de bouger. Depuis tout à l’heure, je me sentais blaser par tout et n’importe quoi. Et pourquoi ? C’était débile, je le savais bien, ça ne servait à rien de faire la tête pour une raison aussi futile que ça mais… c’était plus fort que moi. Je lançais un nouveau regard en biais vers Ashe et ne put m’empêcher de pousser un soupir de dépit avant de regarder à nouveau vers moi en me passant une main dans les cheveux.

Ce Noah… qu’est-ce que j’avais envie de l’écorcher, de l’étriper, et lui faire plein d’autre chose qui lui ferait bien mal. Quoi qu’il en soit, je sentais mes jambes commencer à s’engourdir à cause du froid, il allait tout de même falloir se remettre en route. Mais pour aller où ? Vu que nous n’étions plus qu’une dizaine, trouvés des autres Tributs allaient relever de la véritable traque. Il allait donc falloir nous remettre en route. Malgré tout, mes pensées étaient loin d’être occupés par les autres Tributs ou la traitrise de Zadig.

– Bon ! Pourrais-je savoir ce qu'il t'arrive ? Finit par demander ma partenaire.

Penchant ma tête légèrement de côté, j’observais Ashe. Et encore une fois, je ne pouvais m’empêcher de me dire qu’elle était vraiment belle. D’un côté, je n’étais pas surpris que des gens voulaient se la faire, et encore moins ceux du Capitole. Je savais qu’une fois qu’un Tribut qui était physiquement plaisant avait ses chances de remporter les Jeux de la faim, il ou elle était la victime de pas mal d’avance de la part des sponsors et autre habitant du Capitole. Donc au final, c’était même « logique » que ça se passe ainsi. Malgré tout, je ne pouvais m’empêcher d’avoir envie de péter un véritable câble en voyant Ashe se faire draguer par ces gens là. Bien qu’on ne sorte pas ensemble ni rien, je tenais à elle, et pire, j’avais un sentiment d’appartenance. Comme si elle m’appartenait et que moi je lui appartenais. C’était… déroutant.

Je savais qu’avoir de telles pensées maintenant m’amènerait immanquablement à ma propre perte, mais ce n’est pas comme si je pouvais les effacer d’un claquement de doigt. Finalement, je secouais légèrement la tête en signe de dépit après être resté là à l’observer pendant presque deux minutes, sans avoir répondu à sa question. Si elle était observatrice, elle aurait même pu apercevoir la lueur de désir qu’il y avait dans mes yeux. Mais pas du même désir habituel purement physique que j’avais en regardant les filles qui me plaisait. Non, cette fois, c’était différent, c’était un désir beaucoup plus profond que j’éprouvais à son encontre. C’était la raison pour laquelle je ne lui avais pas fais d’avance plus ouvertes jusqu’à maintenant. Je voulais simplement qu’elle le comprenne par elle-même. Je finis tout de même par lui répondre.

– J’ignorais que tu avais autant de succès auprès de ceux du Capitole.

Je n’avais pas su cacher l’amertume dans ma voix mais sans le vouloir, j’avais remarquer également quelque chose. Un soupçon de tristesse ? A cette idée, je me détournais de Ashe pour déplanter mon épée de la neige et regarder à nouveau autour de moi. Il fallait qu’on parte d’ici, la neige commençait à m’engourdir les jambes et les Juges allaient surement passer à l’action pour qu’on se bouge un petit peu.

– Bon, quoi qu’il en soit, il faut qu’on parte d’ici.

Tandis que je continuais à fixer l’horizon, en attente d’une réponse d’Ashe qui ne viendrait surement pas, quelques « bip » significatif des cadeaux que les sponsors nous envoient se fit entendre. Je levais la tête par réflexe et apercevait en effet un parachute tombé lentement vers nous, pour finir par se poser juste devant nous, sur la glace qui recouvrait le lac. Je m’approchais donc le plus possible pour distinguer quelque chose et avant que j’ai pu lire quoi que se soit, se fut Ashe qui brisait le silence.

– Je crois que c'est pour toi.

Elle avait effectivement raison, le nom « Alex Garraty » était visible sur le paquet. Pendant un bref instant, je songeais à le laisser là, ne voulant pas vraiment prendre le risque de m’aventurer sur cette plateforme gelée, mais c’était peut-être quelque chose d’important. Je replantais donc mon épée dans la neige avant de déposer mon sac sur le côté pour être le plus à l’aise possible et, prudemment, j’allais commencer à avancer sur la glace… jusqu’à ce qu’une idée me traverse l’esprit. Je ne voulais pas prendre le risque de passer à travers et de plonger dans cette eau gelée. Reprenant mon épée, je me postais à la limite sur la neige et tendit mon bras le plus loin possible, le bout de ma lame atteignant le parachute. Doucement, je le tirais vers moi jusqu’à le tirer complètement de la glace. Une fois cela fait, je déposais mon épée à côté de moi et observait mon cadeau. Je l’ouvrais donc et faillit m’étrangler en voyant ce qu’il contenait : un préservatif. Je le pris rapidement et le mettait dans mon sac avant qu’Ashe le voit. Je ne sais pas pourquoi mais j’éprouvais une certaine gêne à ce qu’elle voit cela, malgré la soirée qu’on avait passé l’autre jour, dans les locaux du Capitole.

Il y avait également un mot dans le paquet et je l’ouvrais avec curiosité, me demandant qui avait bien pu m’envoyer ça. « Au lieu d'être jaloux, saute sur l'occasion ! Je sais que tu en meures d'envie. Et je suis persuadée qu'elle adorera ça, t'es une vraie bête dans ce domaine.
Ta mentor qui sait de quoi elle parle ». Je ne pus m’empêcher de faire un grand sourire en voyant le message de cette chère Chleo. Je lançais un petit regard de travers à Ashe avant de revenir sur le mot. Finalement, elle me connaissait bien plus que ce que je ne pensais au départ. Et le petit compliment concernant mes « performances » de l’autre soir, dans le salon, m’emplit d’une certaine fierté, et à cette pensée, un certain regain de vitalité me revint. Je rangeais donc le mot dans mon sac, me jurant de remercier mon mentor si jamais j’arrivais à sortir d’ici vivant et lui prouver également qu’elle ne se trompait absolument pas sur mes aptitudes dans ce domaine. Je ne pouvais par contre rien dire tout haut, j’espère que Chleo comprendrait, je me contentais donc de me relever et de regarder vers le ciel, sachant pertinemment que les caméras ferait un gros plan sur moi pour faire un grand sourire et un clin d’œil destiné à mon mentor préféré. J’avais une certaine hâte de la retrouver maintenant.

Finalement, le soir arrivant, nous décidons de faire halte pour la nuit un peu plus loin du lac gelé et après plusieurs essais infructueux, nous réussîmes enfin à faire du feu. Me passant une main dans les cheveux, je m’installais devant celui-ci avant de sortir à manger car je commençais vraiment à avoir faim. Je sortis les deux petits pains que j’avais reçus d’Annabeth et j’en tendis un à Ashe tandis qu’elle me donnait les oignons. Je les mangeais avec appétit avec mon pain. Elle me dit également de me servir dans les oignons et je la remerciais d’un signe de tête, les deux oignons et le pain que je mangeais me suffisait amplement. Une fois cela fait, je sortais ma bouteille d’eau déjà entamée et buvais trois gorgées avant de sortir deux des quatre bonbons que j’avais reçu de ce connard de Noah. Ca me faisait mal de prendre quelque chose venant de lui, mais bon, je devais reconnaitre que c’était utile. J’en mangeais donc deux et remis les deux derniers dans le sac. Je buvais une dernière gorgée d’eau avant de remettre la bouteille dans le sac et le refermer définitivement. J’étais repu, j’avais bien mangé. Je m’apprêtais donc pour la nuit lorsqu’Ashe vint se mettre à côté de moi. J’étais curieux sur le coup, car après ce que j’avais révélé à demi-mot tout à l’heure, je ne pensais pas qu’elle resterait proche de moi ainsi.

– Autant rester ici que d'aller près de lui. Me murmura-t-elle.

Alors elle avait compris ce que j’avais voulu dire tout à l’heure. J’étais touché par ses paroles et j’avoue que j’avais une étrange flamme dans le ventre actuellement. Je ne savais pas quoi lui dire, alors, la seule chose qui me vint à l’esprit fut ce que je fis par la suite. Posant une main sur sa joue, je me rapprochais d’elle et déposait un baiser chaste sur ses lèvres, lui transmettant toute la tendresse et la passion que j’éprouvais pour elle. Lorsque je m’écartais d’elle, un léger sourire s’affichait sur mon visage. Mais bref, il était temps de dormir désormais… me couchant donc à côté de ma partenaire, nous serrant pour nous tenir au chaud, je me servais de mon sac comme d’un oreiller et gardais mon épée batarde à la main. Après tout, on ne sait jamais ce qui peut nous attaquer durant la nuit.[/color]