Toi. Toi. Oui, toi, jeune être que tu es, je dois te décrire. Quoi ?! Comment ça t'en as rien a foutre ?! Mais...Eh ! Attends ! Te rendors pas...! Ah ben ça y est, on l'a perdue. Ces jeunes, j'vous jure.

Toi, tu te prénommes Maëlle. Maëlle Midnight. Joli, hein ?...Ouais, c'est vrai que t'en as strictement rien à cirer. T'es tout bonnement exaspérante, là, assise sur la branche du chêne, tout près du marché de ton district. Mais ça aussi, tu t'en fous, et c'est ça qui m'agace le plus. Qui agace tes interlocuteurs, aussi.

Que t'es pitoyable. En fait, c'est juste parce que tu t'es attaché à deux personnes qui t'ont fait mal que tu fuis la parole. Pas vrai ? Ah, j'ai touché un point sensible ! Enfin. Je suis quand même là pour te décrire, huhu. L'histoire, on verra ça après.

Tu es...Très spéciale, disons. Tu es là, dans ta bulle, les gens autour de toi n'existent plus. Et si quelqu'un ose la percer en t'adressant un semblant de parole, tu lui balance ta godasse à la gueule. T'as pas honte ? Le premier qui a osé te déranger pendant ta sieste, sur ce chêne que tu affectionnes tant, il est parti à l'hôpital du district, tout ça juste parce qu'il t'avait jeté une pierre en te traitant de sorcière ! Je suis désolé mais c'était qu'un gosse, et puis t'aurais pu faire comme toutes les jeunes filles persécutées de ton âge, le laisser faire ! Non...? Non. Bah tant pis, j'aurais essayé.

Bref, je ne vois pas comment décrire ton caractère autrement. Tu es tout ce qu'il y a de réservé, tu n'adresses la parole à personne...Une vraie ermite ! Tu passes tes journées à faire la sieste, à bouffer ou à lire. Malheur à celui qui crève l'abcès. Tu n'as pas d'amis, tu n'en veux pas, personne veut de toi, et c'est très bien comme ça. Mais tout ça, au fond...Moi, je connais la raison du pourquoi ! C'est de la peur, pure et simple ! C'est ça ton problème à toi. Au lieu d'affronter tes problèmes en face, tu t'es forgée une carapace indestructible...Ou presque. Simplement car on t'a fait souffrir par le passé.

Ah, on peut dire que t'es bien une carrière. Quand on t'emmerde, tu te bats. C'est inné chez toi, tu agis avant de réfléchir. Y'a même des fois où tu réfléchis pas du tout. Et puis t'as ce naturel je m'en foutiste qui énerve tant ceux de ton village...T'as fait une connerie ? C'est pas grave, c'est fait c'est fait, t'y peux plus rien...Et tu retournes dans ton arbre. Ton refuge, ton abri. J'me demande si ce serait pas plus confortable d'y construire une cabane, tiens.

Pour clore sur ton caractère, on va lister un peu ce que t'aime et que t'aime pas. T'adore ton chêne. Le premier qui a tenté de le couper il s'est reçu une de ces patates...On pourrait dire que t'aime te battre, mais c'est pas le cas. Quand t'as besoin de le faire tu le fais, c'est tout...Ta passion, c'est la littérature. Tu bouffes de ces bouquins par jour ! Et pourtant t'es pas foutue d'écrire un mot sans faire une faute. Pitoyable, tu es pitoyable...Mais ça, c'est comme tout le reste...Tu t'en fous.

Ton physique à présent. T'es brune. C'est bon à savoir. Tes cheveux sont ondulés, tu tiens ça de ta mère. Enfin...Ils sont beaux, tes cheveux. Tu les négliges pas au maximum, c'est sûr...Mais tu les laves, un coup de brosse et terminé. Parfois tu les attaches, parfois pas. T'en as rien à battre de ta coiffure. Tu laisses pousser tes cheveux et parfois, dans un élan de désespoir, la coiffeuse en bas de ta rue te fais une coupe pour ne pas te laisser "dans cet état". Tu t'en rends pas compte, à quel point tu la désespères, hein ? Et puis comme t'as rien à foutre de tes journées, t'accepte de faire un crochet dans son salon.

Ensuite, tes yeux. Ils sont marron. Tu les tiens de ton père, comme ta couleur de cheveux. Contrairement à certains et certaines, ils ont rien d'original. T'es une fille simple, en fait. T'as rien d'extraordinaire. Strictement rien. Tes yeux, on se plonge pas dedans. Ils reflètent un regard dur, très dur. Même armé de courage, démolir la bulle qui t'entoure sera périlleux et..long. En tout cas, je plains ton futur petit ami. S'il t'arrive d'en avoir un.

En fait, t'es plutôt une jolie fille, t'as juste rien qui sorte de l'ordinaire. T'es une fille, comme ça, agréable à regarder mais sans plus. Une fille que l'on prendra plaisir à regarder sur son arbre, mais qu'on n'inviterait pas à aller boire un coup sans raison apparente. T'es banale et tu t'en fous.

T'es née un dix sept juillet, dans le district Douze. Tes parents étaient pas super riches, comme la majorité des gens, là-bas.

T'y as grandi. Tes parents te chérissaient plus que tout ; ta mère ayant eu un accident dès tes un ans, elle ne put plus avoir d'autre enfant. Mais toi t'étais heureuse. Ton père se privant de dîner pour que vous mangiez correctement, tu ne manquais de rien. Tu remarquais de temps en temps que quand on t'achetait une jolie robe, quelques meubles ou bijoux de famille disparaissaient, mais rien ne t'inquiètait trop. Tu avais d'ailleurs deux amis avec qui tu passais tes journées ; Célia, une demoiselle très timide et atteinte par une maladie grave et Jake, un abruti de première qui vous énervait bien, toutes les deux.

Mais un beau jour, à tes trois ans, tu t'es aperçue qu'il ne restait plus rien - ou presque - chez toi. Ton père t'a simplement prise par la main et, alors que tout le monde assistait à la Moisson, il a attendu, près du train où embarqueraient les tributs de la 3ème édition. Il t'a confiée au tribut, juste avant qu'il embarque, et ce une fois que les Pacificateurs fussent occupés par ta mère qui faisait diversion. Le tribut mâle profita d'une pause au district Un pour t'y laisser. On t'a trouvée et amenée à l'orphelinat, où tu grandis sans trop comprendre cet instant. La seule chose qui te fit pleurer est que tu ne revis jamais ni tes parents, ni tes amis.

Tu as grandi et appris la vérité sur les Hunger Games, que tu observais sans rien dire chez toi. Et c'est dès tes douze ans que, comme toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons de ton âge, tu te mêlas à l'attroupement de la Moisson. Tu avais mis une robe pour l'occasion, une jolie robe bleue. On t'avait attaché les cheveux avec un ruban, et tu étais si mignonne...Malgré l'annonce de la mort de tes parents, se rebellant contre des Pacificateurs la veille, tu avais préservé assez de ton innocence pour que, lorsque l'on piocha ton nom, tu fasses un grand sourire à la caméra et que tu trottines vers l'accompagnatrice, l'air de rien, comme on te l'avait appris à l'orphelinat. Il fallait attendrir les sponsors, apparemment. Tu n'étais plus une jeune enfant, mais tu ne comprenais pas encore très bien le principe de ces sponsors, de ces mentors...

C'est lorsque tu as revisionné les vidéos des Moissons que tu as perdu ce sourire, cette voix cristalline et ce regard à croquer. Tu as entendu son nom...Leurs noms. Célia Honnson et Jake Wolf, tes deux amis d'enfance. Pourquoi eux deux en même temps, hein ? Il avait à peine un an de plus que toi, et elle avait ton âge. Tu n'aurais jamais cru pouvoir sécher tes larmes après avoir vu ça. Après avoir discuté avec ta styliste, vous en avez conclu qu'il fallait attendrir le Capitole avec cette histoire.

La Cérémonie d'Ouverture s'est très bien déroulée, tout comme les interviews. Tu n'as pas osé aller les voir, tes anciens amis. Tu ne les as pas vus, d'ailleurs...Et une fois dans l'arène, tu as juste couru.

Tu as réussi à prendre un sac, de taille plutôt petite. Tu t'es réfugiée derrière la Corne, et tu as attendu que les combats cessent. Tu es revenue sur tes pas et tu as vu que le tribut du Quatre ainsi que celui du Un étaient morts, ainsi que quelques autres tributs que tu n'avais pas identifié. Les survivants ont entrepris de construire un abri, avec ton aide.

Le soir venu, tu as attendu que tous s'endorment ; tu montais la garde. Tu as pris, sans prévenir, un sac sur ton dos et un dans ta main puis tu es partie. Tu as beaucoup couru ; lorsque tu t'es épuisée, tu as escaladé un arbre et tu y es restée, des jours et des jours. Les coups de canons s'accumulaient, et bientôt tu l'as su ; il ne restait que les deux tributs du Douze.

Tu es partie à leur recherche, très discrètement, tout en te demandant comment deux adolescents aussi jeunes avaient pu survivre. Tu les trouva près d'un ruisseau et te cacha derrière une pierre, n'osant pas contempler le spectacle qui s'offrait à toi ; Célia, en larmes, un couteau en main, ainsi que Jake, baignant dans son sang.

Tu as sorti une dague de l'un de tes sacs et tu t'es avancée vers eux. Ton amie s'est retournée et t'a fusillée du regard. Dans un élan de désespoir elle a commencé à parler.


<< Tu peux pas savoir combien j'ai besoin de survivre, Maëlle, tu peux pas savoir...Mes parents, contrairement aux tiens, sont toujours vivants et...Et puis j'ai une petite soeur, tu sais ! Elle est très mignonne...Elle s'appelle Carla, et elle a dix ans...Et j'ai d'autres amis ! Je...Je n'ai plus ma maldie, alors...Je dois survivre ! >>


Tu as fermé les yeux ; grave erreur. Pourquoi ? Car tout ce qu'elle venait de citer, tu ne l'avais pas. Pas de parents, pas de soeur, des amis...Mais tu avais toi aussi cette volonté de survivre qui bouillonait en toi.

Mais clore les yeux permit à ton ennemie de bondir vers toi, la pointe de son couteau s'enfonçant légèrement dans ton ventre ; pourtant d'un coup elle s'est stoppée et est tombée. Une mare de sang s'est formée autour de tes pieds et tu as pu voir, à côté du ruisseau, Jake et son arc.

Ainsi, depuis la 6ème édition tu es devenue mentor du district Un, et cette tortue je m'en foutiste. Tout ça grâce au sacrifice de tes amis. Une fille comme toi, on aimerait jamais en croiser...