On dit que je fais petit pour mon âge, j'ai l'air d'un petit de dix ans, mais j'en ai bientot treize. Maman m'appelle mon petit, c'est pour dire, j'aimerai qu'elle change un peu de disque. Si çà continue, Austine sera bientôt aussi grande que moi, et elle a sept ans. Bref, sinon, on dit que je ressemble à ma mère également. J'ai la peau très brune, enfin quand je compare à mon père, mais j'ai ses boucles épaisses qui me mettent au supplice quand il faut les coiffer. Je déteste çà, elles sont très bien au naturel, quand on dirai que j'abrite un nid d'oiseau au réveil. Heureusement, j'ai un atout. Toutes ces années à travailler dans les plantations de coton à porter des sacs en plein soleil (ce qui n'arrange pas mon teint) m'ont donné une certaine force qui me sert surtout à crâner quand je bat tout le monde au bras de fer à l'école. Mais bien sûr, j'évite de me mesurer aux plus grands que moi.
Une autre chose qui agaçe ma mère mais que mon père admire, c'est que je ne suis jamais triste. Je ne sais pas pourquoi mais c'est comme çà. Même quand je me blesse, je trouve le moyen d'en rire. D'aucun disent que çà me permettra d'affronter pas mal d'épreuves à l'avenir. Je suis heureux, guilleret, et j'aime rendre le sourire aux gens. Enfin, je suis encore un enfant, et je m'amuse en conséquence. Mon père lui, quand il a du temps, m'apprend à reconnaitre les plantes. Son père, mon grand-père, est pharmacien et soigne beaucoup de monde, alors il a apprit à son propre fils. Pour arrondir un peu nos fins de mois, je vais récolter certaines plantes pour gagner un peu d'argent auprès de mon grand-père. Il dit que je suis débrouillard, que je suis son petit fils préféré, en même temps, il n'a que moi.

Je crois que j'ai eu de la chance. Maman me dit souvent que d'autres enfants n'ont pas autant de chance que moi. Je suis né de deux parents employés dans les champs de coton, c'est d'ailleurs là qu'ils se sont rencontrés. Mon papa, David était le fils cadet du pharmacien du district onze, et c'est sa soeur, ma tante, qui a reprit son affaire, mais nous avons droit à des soins gratuits et quand nous avons des difficultés grand-père nous aide. Ma maman, Shila, est née de parents plus pauvres, mais ne s'en est jamais plainte. Elle me raconte que ses parents, décédés depuis longtemps, lui enseignaient la fierté et l'humilité. Enfin, nous n'avons jamais manqué de rien, j'entend par là que je ne suis jamais mort de faim, ma soeur non plus, bien que les rations soient maigres. J'ai grandit avec ma cousine Codie, de cinq ans mon aînée, qui me considérait comme son petit frère. On jouaient tout le temps ensemble, et quand ma soeur Austine est née, nous lui avons apprit tous les jeux que nous connaissions.

Quand j'eu sept ans, les Pacificateurs jugèrent que j'étais assez grand pour aller travailler avec les adultes dans la plantation. Codie y travaillait déjà, elle venait d'avoir douze ans et souriait beaucoup moins. C'était sa première année où elle était éligible à la Moisson, mais si elle s'inquiétait, pas moi, car comme un gosse, je pensais que ma famille était une bulle de bonheur. Il ne se passa en effet rien et nous continuâmes à jouer et travailler. Je continuait l'école quand même, j'adorait lire, et les seuls livres que j'étais sûr d'avoir étaient ceux de l'école. Mon professeur nous enseignait le chant aussi, et tous les enfants qui travaillaient dans les plantations reprenaient les mêmes airs; cela faisait plaisir aux adultes. Papa disait que çà leur permettait de travailler en cadence, pour faire comme une sorte de danse. C'est à peu près à ce moment qu'il commença à m'enseigner à reconnaitre les plantes médicinales. C'était à Codie que devait revenir la pharmacie, mais il tenait à ce que toute la famille sache se soigner. Je gagnais un peu d'argent auprès de mon grand-père en lui ramenant des plantes, et Codie faisait ses tâches ménagères, car depuis la mort de grand-mère, le pauvre ne savait plus rien faire tout seul, et après tout, un vieil homme de son âge est respecté dans notre district. Bref, notre vie était un long fleuve tranquille.

A la Moisson, suivante j'avais huit ans, Austine trois, et Codie treize. Elle n'était pas très inquiète, je lui avait promit qu'elle ne serait pas choisie. Sauf que c'est son nom qui sortit de l'urne. J'étais bouche bée, je ne pensais pas que cela pouvait arriver à Codie. Sauf qu'elle y est allée, et qu'elle est morte au deuxième jour. Ma tante avait perdu son seul enfant et ne s'en remettait pas, moi j'étais choqué. Il m'arrivait parfois de l'apercevoir dans les champs à côté de moi, mais c'était une illusion. C'était la première fois que j'étais malheureux, çà me faisait bizarre. La maison était étrangement vide sans Codie. Mais elle était morte, et rien ne pourrait la ramener. Le pire était sans doute de l'avoir vue sur grand écran, en train de mourir, une lance lui tranperçant la poitrine. C'était irréel, trop bizarre, je ne le croyais pas, mais j'ai vu tout le monde pleurer pour elle, même des gens qui ne la connaissaient pas bien. Elle était si gentille après tout...

J'ai reprit ma vie et j'enseigne ce que m'a apprit Codie à Austine. Elle n'avait que trois ans à l'époque et pourtant elle semblait comprendre ce qui c'était passé, je lui ait juré que si elle était choisie un jour je prendrai sa place. Je ne croyait plus que çà n'arrivait qu'aux autres.

J'ai douze ans maintenant, ma première Moisson est passée et je n'ai pas été choisie, mais je sais que je dois me préparer quand même tout en rassurant Austine, elle a eu très peur pour moi, et ce n'est pas quand on a sept ans qu'il faut commencer à se faire des cheveux blancs.