Vous savez, en temps de guerre, rares sont les familles qui arrivent à s’en sortir indemne. Il y a toujours au moins une victime. Toujours. Les jours sombres… Une vraie apocalypse. Et pour les deux côtés. Que ce soit pour le Capitol, ou pour l’alliance District. Tous ont vu frères, femmes ou amis se faire massacrer.
Lui, c’est Buck. Il a 16 ans. 16 ans et il n’a jamais connu ses parents. Jamais. Il est naît en Juin, vers la fin de la guerre. Voilà ce qu’on lui a dit. Sa mère avait choisi le mauvais moment pour avoir un enfant, voilà tout. Tomber enceinte alors que de tout côté, les armes rugissaient et mordaient. Il fallait être fou pour faire une chose pareille. Et pourtant… Comme quoi, l’amour ne se commende pas. Néanmoins, Buck avait devant lui le résultat. Orphelin, voilà ce qu’il était devenu. Son père, sa mère, ils étaient morts. Pouf, exploser. Probablement pendant l’accouchement. Il n’en sait rien. Personne ne sait.
C’était une fin de guerre. Voilà tout. Ce n’était plus une vie. C’était un enfer. Il n’y avait que des cris, du sang, des larmes. Et la panique. Rien d’autre. Ses parents étaient morts. Ils n’étaient pas les seuls. Lui, par on ne sait quel miracle, avait survécu. Personne ne sait comment. Personne ne sait pourquoi. Personne ne se souvient. C’était une autre époque. Une époque confuse et sombre. Chaque jour était-le même. Tout était similaire.
En période de guerre, on ne se rend jamais compte de ce qu’il se passe autour de nous. On survit. On s’accroche à la vie. On improvise. On agit sans réfléchir. Des morts, il y en a à la pelle. Des survivants, des miraculés, aussi.
Buck, lui, il a survécu. Ses parents, eux, ils sont morts. On a oublié le reste de l’histoire. On a oublié comment se garçon était né. Tout est effacé. A jamais.
A présent, les jours sombres sont terminés. Les Districts ont perdu. Ils subissent les conséquences de leur misérable défaite.
Les jours sombres sont terminés. La guerre est loin derrière. Tout le monde ne veut plus y penser.
Buck, est comme toute une ribambelle d’enfants, un orphelin de guerre.
***
Cher journal,
Je m’appelle Buck. Ne me demande pas pourquoi, mais je ressens le besoin d’écrire un journal. Il ne faut pas chercher plus loin. J’ai eu six ans il y a quelques jours.
Voilà pour les présentations.
Tu sais, le foyer communal, c’est vraiment horrible. Pire que tout. Je suis surpris d’être encore vivant. Enfin, vivant. J’ai la vague impression d’avoir une existence fantôme. Mais puisque je suis fait de chair et d’os, je suppose que je vis.
Oh ! J’oubliais. Sais-tu ce qu’est le foyer communal ? C’est là où sont rassemblés les orphelins et les gamins dont les parents sont inaptes à s’occuper d’eux. Mais pas besoin de s’étaler dans des dizaines de phrases pour décrire le foyer communal. Un seul mot suffit. Enfer.
Moi, je n’ai pas eu la chance d’avoir une famille. Je vis dans cette foutue misère depuis toujours. Toujours. Beaucoup d’enfants meurent ici, tu sais ? De faim ou de maladie. On a beau dire que dans le District Douze, tout le monde est touché par la famine, nous les gamins du foyer communal, on souffre encore plus qu’eux. Parce qu’on est des malheureux.
Mais je m’accroche. Je m’accroche. Il le faut. Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque instant, mon instinct me souffle à l’oreille « vis ». Alors je vis.
Je vis.
Et je ferai tout pour.
Tout.
***
« Arrête ! Non. Non ! Rends-le-moi ! Rends-le-moi !
- Je crois que t’as pas bien compris, Buck. T’es qu’un gamin de huit piges. Toi, une famille t’adoptera peut-être si t’as de la chance. Moi, j’en ai treize, alors ce sera difficile. Va falloir que j’attende ma majorité pour essayer de me reconstruire. Alors j’ai plus besoin de ce morceau de pain, que toi. En plus, t’es qu’un crétin à la belle gueule. »
Le nez en sang, le visage en pleur, Buck est allongé au sol. Il git dans la poussière de charbon. Mais il se relève. Encore et encore. Et à chaque fois, l’autre, Thomas, le bagarreur de première, le refait tomber. Mais il se relève. Encore et encore. Sans fin. Buck est si mince, a tellement peut de force, qu’il n’est pas de taille à lutter contre pareil colosse. Il en a conscience. Pourtant, le jeune garçon n’abandonne pas. Non. Il ne peut pas se permettre de se faire humilier comme cela. Il ne peut pas se permettre de se faire voler son morceau de pain (seul repas ou presque de la journée) à chaque fois.
Alors il saute sur ses jambes. Toujours. Avant de s’aplatir à nouveau sur le sol.
« Rends-le-moi ! »
Cette fois, sa voix se fait moins tremblante, plus déterminée. Dans ses yeux gris-bleus, on pourrait presque voir passer un éclair de colère. Buck ne se laissera pas faire. Non. Non. Non. Plus jamais il ne se laissera maltraiter par ses enfants plus forts et plus vieux que lui.
Car oui, telle est la dureté de la vie pour les gamins recueillis par le foyer communal. Certains se font une place dans cette loi de la jungle et survivent. D’autres n’ont pas la force de luter, et s’ils ne se font pas adopter, crèvent comme des chiens, leurs os transperçant presque leur peau. La guerre a affaibli les esprits. La guerre a semé un océan de misère sur le District Douze. Et partout. Que ce soit chez les adultes ou les enfants, on le ressent.
Buck respire un bon coup, et fonce sur Thomas. Il lui bondit dessus et s’agrippe, s’agrippe comme il le peut. S’agrippe de plus en plus fort. S’accrochant à ses oreilles, son cou et même ses cheveux. En l’espace d’une minute, une belle, une magnifique minute, Buck pense qu’il va réussir, qu’il va récupérer son fade morceau de pain. Mais ce qu’il ne savait pas, c’est qu’une fois la minute écoulée, il se prend un énorme poing en plein visage et s’écroule, face contre terre, évanoui.
« Hey’ gamin, ça va ? Rien de casser ? »
Buck garde les yeux fermés. Il semble émerger de loin et se sent si faible, là, avachi contre ce sol charbonneux qui l’empêche de reprendre son souffle. Il essaie de respirer. De regagner ses esprits peu à peu. Mais ses souvenirs restent flous et je ne sais combien douloureux…
« Eh Oh, petit ! Petit ! Allez, fait un effort. J’peux pas te traîner jusqu’au dortoir. Alors si t’es trop sonné, je vais m’en aller bien gentiment, moi. »
Buck écoute les battements de son cœur, écoute sa respiration irrégulière. Un, deux, trois. Un, deux, trois. Il sent de l’air frais sur son visage. Il a cette irrésistible envie de sauter sur ses jambes et de respirer à grosses goulées cet air qui sent si bon. Mais sa tête lui donne chaque seconde l’impression qu’elle va exploser. Il se sent faiblir, se dit que finalement, pour être condamné à toujours vivre ainsi, il vaudrait mieux mourir. Ça lui épargnera beaucoup de souffrances.
« Relève-toi, bon sang ! Gamin, arrête de faire l’imbécile. J’entends ton cœur battre. Tu vis. Tu te serais battu comme un lion tout à l’heure, pour abandonner ? Espèce de crétin. Si j’avais su, je ne te serais pas venu en aide. Tu es comme les autres. Un petit enfant qui se lamente sur son sort et qui au final, en vient à souhaiter la mort. Moi qui te pensais différent. Moi qui pensais que tu avais une force que certains n’ont pas. Moi qui te voyais comme moi. Bwarf, je me suis bien trompé. Ecoute petit, tu n’as qu’à crevé. Des cadavres, il y en a tous les jours. Ça ne me ferait rien. Mais réfléchis bien. Qu’est-ce que t’apporterait la mort à toi qui n’as pas encore connu la vie ? Sais-tu ce que c’est, au fond, vivre, vivre vraiment, toi qui n’a jamais eu ni parents, ni amis ? Accepter la mort quand on a bien vaincu est un acte de bravoure. Accepter la mort quand on n’a rien vécu est un acte de lâcheté. Bien-sûr, la vie, elle n’existe pas ici, dans ce bled pourri. Bien-sûr, il faudra que l’on se batte pour la garder, notre « semi vie » et pour la trouver, la « véritable vie ». Mais on peut le faire. Allez, attrape ma main, petit. Attrape ma main et lutte pour ta survie. Ensemble, on le trouvera, le vrai sens de la vie. Tu verras. On le trouvera. »
Alors, à ces mots, Buck ouvre les yeux. Il oublie tout. Sa souffrance. Sa peine. Tout. Et il saisit la main tendue vers lui et se lève automatiquement.
« Je préfère ça. Allez, c’est quoi ton petit nom, à toi ?
- B… Buck. Buck Black. Du moins, c’est comme ça que j’ai voulu m’appeler.
- Oh ! Tu fais partis de ces petits nourrissons qu’on a trouvés à la toute fin des jours sombres et qui n’avaient même pas de noms ?
- Oui.
- Je vois. Moi, je m’appelais Charles S. Surrey. Mais ça, c’était avant que mes parents explosent. Maintenant, je m’appelle Sun, juste Sun. Sun comme le soleil, tu vois. Allez attrape, j’ai piqué tous ces petits pains au gros Thomas et à sa bande d’abrutis. Mange, tu en auras besoin. La vie c’est un combat, mon gars. Le tien commence maintenant et ne prendra fin que dans longtemps. »
Aujourd’hui, Buck ne le savait pas encore, mais il venait de sceller son destin. En acceptant cette main qu’on lui tendait quand il désirait de disparaître, en acceptant cette nourriture qu’on venait de lui offrir, Buck avait malgré lui fait un serment de vie. Pour la première fois il n’était plus seul. A présent, il allait vivre à tout prix, essayer désespérément de trouver un sens à son existence. Et pour cela, il devait d’abord trouver sa place.
Les gens connaissent mal le foyer communal. Peu de personnes savent vraiment ce qui s’y passe. Là-bas, les enfants ne se battent pas pour se donner la mort. Ils se battent entre eux pour devenir les plus fort et manger. Manger. Manger pour survivre et réussir à devenir adulte.
Devenir adulte, le seul moyen de s’échapper de cet enfer. Le seul.
***
Cher journal,
La vie passe plus vite. Beaucoup plus vite. J’ai l’impression qu’elle trace des rayons de lumière autour de moi. J’ai l’impression qu’elle me dépasse. Que c’est merveilleux de vivre à deux ! Deux ans que j’ai rencontré Sun. Deux ans, déjà, que ma vie, si on peut l’appeler ainsi, a pris un nouveau tournant.
Tu sais, je ne considère pas Sun comme un ami. Des amis, je n’en ai jamais eu et n’en aurais jamais. Non Sun et moi sommes partenaires. De parfaits partenaires d’infortune. J’ai Dix ans, lui en a Quatorze. Dans quatre ans, quand il sera majeur, il me prendra avec lui et tout sera fini. Il ira à la mine et moi, je continuerai de me rendre à l’école. Ce sera déjà une nouvelle forme de liberté, pour nous, qui avons connu et connaissons toujours l’enfer. Pour nous, qui n’avons presque jamais eu de foyers.
Mais pour le moment, on lutte. Sun m’apprend tous ce qu’il sait. Je vais tout te raconter mon journal.
Tu vois, au foyer communal, il s’est comme élaboré une sorte de « cercle vicieux » si on peut dire. D’un côté il y a les faibles, ceux qui renoncent à vivre et qui ne vont pas faire long feu, puis il y a les autres, ceux qui luttent. Les durs, quoi. Mais il ne faut jamais, je dis bien jamais se reposer sur ses lauriers. Un jour, on peut être le roi, comme le fut Thomas à une époque. Et un autre, on peut être le « maltraité ». C’est malheureux, mais ici, c’est du chacun pour soi. La solidarité, nous, on la laisse aux personnes qui ont une famille. Elles ne peuvent pas comprendre nos vies, à nous, les orphelins.
Dans chaque District, il y a un marché noir, c’est bien connu. Disons que dans les foyers communaux, c’est pareil, du trafic, il y en a chaque jour.
Sun et moi, j’ai bien peur qu’on fasse partie de la catégorie des « durs », des "trafiquants". C’est le cas depuis qu’on marche à deux. Sun, il m’a tout appris, tu vois. Tout. Les pièges à homme, le maniement du couteau, les lancés aussi. Et surtout, savoir se déplacer avec discrétion et voler comme personne n’a jamais voler, s’enfuir comme personne ne s’est jamais enfui, se battre comme personne ne s’est jamais battu. Le bon vieux Sun, il m’a tout enseigné.
Okay, ce n’est pas très sympa, mais pour le moment, on n’a pas le choix. On vole la nourriture des gamins appartenant à la deuxième catégorie, celle des faibles. Quand on peut, on leur chipe leurs objets et on va les vendre à la Plaque, le marché noir. Ecoute mon journal, on survit. On n'est pas méchants. On survit. C'est comme ça. La vie est injuste.
Je ne suis plus faible. Je ne le serais plus jamais. Pas avec Sun à mes côtés. Il est loin le temps du gamin qui mangeait la poussière. Je me bats comme personne maintenant. Je me crée mes propres lois. Mes muscles, la ruse, le couteau et moi, on est devenus de supers potes.
A dix ans, je sais déjà me faire respecter. Et dans quatre ans, tout sera fini. Tout. Tout. Et l'on n'agira plus en salop. Plus jamais. On deviendra des hommes bien. Pas des pourris.
***
« Je vous l’ai dit monsieur, il me faut un gamin de onze ans, pas de quinze. Bien-sûr, ce gamin m’a l’air tout à fait costaud, ce qui est chose rare dans notre misérable District. Mais je ne veux pas d’un survivant. Je veux simplement un môme de onze ans, c’est tout.
- Mais monsieur le pharmacien, onze ans… Onze ans c’est bien trop jeune pour ce que vous envisagez. Ces gamins sont plus que pauvres, ils ne possèdent rien, mais ce ne sont pas des animaux. Le sort que vous réservez à un petit de onze ans est trop… Non, prenez Charles. Il est fort, il a de l’expérience. Il s’en sortira…
- Onze ans j’ai dit, Monsieur. Mon fils vient d’atteindre cet âge. Je ne veux pas prendre le risque qu’il soir tiré au sort un jour. Je veux adopter un gamin de onze ans, résistant ou pas. C’est mon dernier mot. Il peut être beau ou moche. Gentil ou complétement infecte. Peu m’importe. Je me contrefiche de son existence. Les gosses que vous gardez n’en n’ont pas de toute façon, ah ah ah. Non, il me servira d’objet, c’est tout. Mais c’est une chance, oui, une chance. Je lui offre l’un des meilleurs foyers de la ville, il pourra enfin se nourrir à peu près convenablement. Certes, si un jour mon fils à la malchance d’être tiré au sort, le gamin que je choisirai devra se porter volontaire. Mais c’est un prix peu cher payé, quand on voit tout ce qu’il gagne à côté. »
Sun regarde la scène, impuissant. Il a la chance d’être trop âgé. Il ne sera pas adopté par cet affreux faux bourges aux grands airs. Lui tout ce qui l’importe, c’est de prendre sous son aile un garçon de onze ans qui servira de bouclier à son fils du même âge, si jamais il est tiré au sort pour les jeux de la faim. Sun n’a pas onze ans. Des gamins de cet âge, il y en a tout plein au foyer communal. Il a eu chaud.
Soudain, tout va très vite. Cinq minutes plus tard, Sun retient un cri et se pétrifie.
« Attendez un peu. Le grand gamin avec la peau sur les os, le bellâtre brun qui se cache derrière votre minot de quinze ans que vous essayez sans relâche de me refourguer depuis tout à l’heure, il a quel âge ?
- Oh… euh » L’homme est gêné, regrette de devoir d’avantage parler. « Buck va avoir onze ans en Juin. Mais ce n’est pas une bonne idée de le prendre. Il a tellement souffert. Renoncez à votre idée ! Ce pauvre gamin, avec Charles il font la paire ! Et tous les autres… Vous ne pouvez pas vous permettre d’adopter l’un de ces pauvres garçons pour vos affaires personnelles.
- Taisez-vous. Buck, désormais tu t’appelleras Billy. Je t’adopte ».
Buck se met à hurler, à protester. Mais rien n’y fait. Alors il gesticule, il refuse qu’on l’attrape. Il ne veut pas partir avec cet homme ignoble. Ne veut pas mener une belle vie avec de la bonne nourriture sans son partenaire de galère. Ne veut pas augmenter ses chances de participer aux jeux de la faim…
« Arrête Buck ! »
Le garçon se fige. C’est Sun qui vient de parler.
« Tu deviens ridicule. C’est comme ça. Maintenant tu vas avoir un foyer. Avec un peu de chance, tu arriveras à la majorité sans aucuns soucis. Tu vas avoir une belle vie mon vieux, enfin. Alors arrête de gémir comme un gamin. Arrête ! Ne pleure pas. Ca devient stupide. Toi et moi, nous savions que ça pouvait arriver. Au fond, je suis content pour toi. »
Mais les paroles de Sun sonnent fausses. Buck en a conscience. Il le sent.
« Sun… Sun ! Tu te souviens. Tu te souviens de notre rencontre ? De notre serment ? Vivre à tout prix… Trouver le sens de la vie. Ne pas mourir…
- Oublie. On est plus du même camp. Oublie. T’es un bourge maintenant. »
***
Cher journal,
Salut, ça fait un bail ! Deux ans pour être précis. Je n’ai plus l’occasion de t’écrire autant. Tu sais, je me terre petit à petit dans un silence sans fin. Je ne parle presque plus. La vie est si épouvantable. Il me semble loin le temps ou un garçon de douze ans, un garçon que j’appelais mon partenaire, me disait que la vie pouvait être belle et qu’il fallait survivre tant qu’on le pouvait. Pourtant, je n’ai jamais oublié le serment que j’ai prêté ce jour-là. Sun m’a peut-être rayé de ses souvenirs définitivement, mais moi, je le garde dans mon cœur, lui ainsi que toutes les promesses qui lui sont rattachées. Je vivrais.
Toujours.
Je vivrais.
Il a fait de moi un jeune homme fort et intelligent. Un jeune homme qui réfléchit et qui agit. Pour lui, ce garçon qui m’a oublié, je vivrais.
Tu sais mon journal, même si je déteste ma famille adoptive, je dois tout de même reconnaître que depuis que je suis ici, je mange mieux, beaucoup mieux. Mais des engueulades, il y en a tous les jours. Je ne me laisse pas faire. Ils ont beaux m’envoyer chercher des plantes dans la forêt pour leur pharmacie, alors que c’est interdit ; ils ont beaux exiger que je les aide à gérer la boutique à la place de leurs nigauds d’enfants, ou bien à soigner un client légèrement blessé, je ne renonce jamais. Chaque jour, je leur fais payer un peu plus le prix de m’avoir enlevé de mon compagnon de toujours. Ils paieront. Jusqu’à la fin de leur vie, ils paieront.
Ils paieront.
***
« Salut Sun. Tu manges ?
- Ça peut aller. Et toi, toujours pas moissonné ?
- Toujours pas. »
Les deux jeunes gens se serrent la main, puis se quittent. L’un s’en va travailler à la mine, l’autre, longer le grillage de la forêt qui entoure le district 12, pour essayer de trouver quelques plantes comestibles ou médicinales.
Comme chaque jour, ils ne se regardent presque pas. Comme chaque jour, leur ton est froid. Mais ni l’un ni l’autre n’a oublié leur vague amitié passée. Oui, amitié, l’on pouvait belle et bien employer ce terme. Pourtant, dans deux ans, tous deux se rendront compte à quel point ils comptent l’un pour l’autre. Il aura simplement fallu attendre que le plus jeune d’entre eux, le dénommé Buck Billy, soit moissonné et parte pour une mort presque certaine.
Mais pour le moment, la vie suit son cour et chacun d’eux emprunte des chemins différents. Chemins qui se rejoindront bientôt.