Quand on dit « Gavyn Sand », la plupart des habitants de Panem voient encore le petit garçon de douze ans qui poignarde son dernier adversaire sous la pluie. Et pourtant, cela fait bien longtemps que le jeune homme a délaissé cette apparence. En 12 ans il a grandit, s'est raffermit et a prit quelques muscles. Les épaules larges, la tête haute, il n'a plus rien du gamin innocent et sans défense qui suscitait autrefois la pitié. Au contraire, il aurait plutôt tendance à faire frémir les plus peureux. Avec son regard perçant, son sourire en coin et sa manière de vous fixer sans gêne, il met souvent les gens mal à l'aise.... ce qui est dommage quand on sait qu'à côté de ça il a des atouts de taille : ses yeux couleurs noisette, ses lèvres fines et ses cheveux noirs en batailles par exemple. Il a du charme, il le sait, et il en joue très bien quand il en a besoin - autrement dit pendant les évènements officiels du Capitole.

Les autres jours il est plus décontracté mais ne se laisse pas aller pour autant. Il aime se présenter sous son meilleur jour et ne lésine pas sur les exercices pour se muscler, rester séduisant et être au top de sa forme. Cela lui vaut bien sûr beaucoup de regards noirs ; on a pas idée de prendre soin de son apparence quand les autres meurent des faim ! Mais Gavyn s'en moque éperdument et continue de cultiver cette image d'homme futile et insensible. D'ailleurs, il y tient énormément.... parce qu'elle empêche les autres de voir la vérité. Parce qu'elle l'empêche lui de faire face à ses fantômes et de tomber dans la dépression. Il sait pertinemment que s'il cessait de jouer au jeune coq écervelé, il verrait leurs visages partout. Sa vie deviendrait un enfer, comme ses nuits qui sont hantées de cauchemars depuis 12 ans.
La nuit... seul moment où il peut laisser tomber son masque et être vraiment lui-même : un être rongé par la culpabilité des morts qui ont marqués son existence. La fille du district 9, le garçon qu'il a poignardé, les tributs qu'il n'a pas réussis à sauver... tous le hantent. En public il donne l'illusion que rien ni personne n'a d'importance à ses yeux. Même pendant les Hunger Games, il fait semblant de ne pas s'attacher aux tributs du douze et hausse les épaules quand ils se font assassiner à la télé. Pourtant tout ceci n'est qu'une façade qui camoufle un mal être profond. Un mal être qui le pousse parfois à la violence. Il s'énerve rarement et essaie de garder le contrôle en public mais il lui arrive de sortir de ses gonds et de se montrer assez brusque... pour ne pas dire carrément brutal. Un défaut dangereux qui le condamne à la solitude.

Célibataire endurci, il s'entête à ne vouloir aucun ami et s'éloigne dès qu'il commence à apprécier un peu trop une personne. Par peur de lui faire du mal ou de devoir la perdre sûrement... ou parce qu'il craint qu'on n'empiète sur son intimité et lui pose trop de questions. Du coup, seuls l'entourent sa famille, les anciens tributs qu'il croise pendant les Hunger Games et les quelques connaissances qu'il croise dans les rues du district 12. Et même à eux ils offrent le visage de l'éternel ado insouciant qui ne pense à rien d'autre que s'amuser et se faire beau. Changera-t-il un jour ? Lui même ne le sait pas. Une chose est sûre : il n'est pas encore près pour s'ouvrir aux autres .

Lorsqu'il était enfant, Gavyn s'était souvent entendu répéter qu'il avait une chance incroyable. « Tu es le fils du maire ! », rabâchait Mme Sand. « Tu n'auras jamais faim et crois moi, peu de gens d'ici peuvent s'en vanter ! » . Bien sûr, c'était vrai : tous les mois la famille bénéficiait de privilèges inouïs et ils ne connaissaient plus la misère depuis la fin de la guerre. Malheureusement ces avantages s'accompagnaient d'un "cadeau" beaucoup moins appréciable : le mépris. Pas un seul habitant du district 12 n'ignorait que Mr Sand avait obtenu son poste en léchant les bottes du Capitole et en dénonçant les derniers résistants à la fin de la rébellion et cela lui valait la haine de bon nombre de personnes. Une haine qui s'étendait parfois à sa femme et ses deux fils. Arthur et Gavyn n'avaient rien avoir avec la félonie de leur père mais ils profitaient de tous les avantages qui en découlaient et ne se gênaient pas pour étaler leur vie confortable aux yeux des autres. Ce n'était pas vraiment de l'arrogance mais plutôt de l'immaturité. Ils croyaient que leurs parents avaient accomplit un superbe exploit en contribuant à mettre fin à la guerre et qu'ils méritaient donc cette vie paisible. Ainsi grandirent-ils dans l'ignorance, choyé par leur parents et délaissé par les adolescents de leur âge qui ne voyaient en eux que des petits bourgeois.

Jusqu'au jour où tout bascula. Maire ou pas maire, Mr Sand ne pouvait rien contre la moisson et comme chaque habitant il était tenu d'y présenter ses deux fils. Gavyn n'avait qu'un seul papier à son nom lors de la deuxième édition des Hunger Games et autant de chance sur mille d'être tiré. Et pourtant, ce fut bel et bien sur lui que s'arrêta la main du représentant du Capitole. Sur la place, personne ne s'offusqua et on le poussa presque sur l'estrade. Plutôt lui que l'enfant d'un honnête mineur. Sur la scène on lui fit serrer la main de l'autre tribut, une jeune fille de 15 ans qui tremblait comme une feuille, et il comprit aussitôt qu'ils n'avaient aucune chance. Il était aussi effrayé qu'elle et il ne savait rien faire de ses dix doigts. Comment pouvait-il espérer gagner ? Mr et Mme Sand semblaient du même avis puisqu'ils versèrent des torrents de larmes en venant lui dire adieu. Comme s'ils savaient qu'ils ne le reverraient plus.

Puis on l'emmena à bord du train et le représentant commença sa formation. Ce qu'il devait savoir, ce qu'il devait faire ou ne pas faire au Capitole, comment se dérouleraient les prochains jours, ce qui l'attendait au centre d'entraînement... il lui expliqua tout mais cela ne rendit pas moins impressionnant la capitale. Et que dire des autres tributs ! Si certains étaient pétrifiés de terreur, d'autres semblaient avoir tué toute leur vie. Surtout ceux du district un et deux. Il n'avait aucune chance de les tuer en combat singulier et il décida donc de se concentrer sur les ateliers de survie : apprendre à reconnaître les plantes comestibles, apprendre à faire des noeuds, des pièges, à se camoufler dans la nature, etc... il prit aussi quelques leçons pour savoir lancer un couteau correctement, juste au cas où.

Enfin le jour J arriva et il se retrouva dans l'arène, entouré des autres tributs. Le gong sonna et il décida d'écouter les conseils qu'on lui avait donné et de fuir le plus loin possible de la corne d'abondance. Tant pis pour les armes, les provisions et les couvertures : il préférait se terrer dans un trou et disparaître. Et c'est ce qu'il fit... trois jours durant, il resta prostré dans une caverne souterraine et ne sortit que deux fois pour s'abreuver de gouttes de pluies. Malheureusement il n'avait cessé de pleuvoir depuis la première nuit et il dû bientôt quitter son refuge inondé. Il repéra alors la fille du district 9, la seule qui lui avait témoigné un peu de sympathie au centre d'entraînement. C'était une chasseuse hors paire, très douée avec un arc, et elle avait déjà tué plusieurs tributs qui avaient essayé de l'approcher. Malgré tout Gavyn prit le risque de s'aventurer sur son territoire. Évidemment, elle se rendit compte très vite de sa présence mais ne montra aucun signe d'hostilité. Avait-elle pitié de lui à cause de son jeune âge ? Estimait-elle qu'il n'était pas dangereux et qu'elle pouvait le tuer en dernier ? Quoiqu'il en soit elle le laissa tranquille et il passa deux autres jours à la suivre. Elles tuaient tous les adversaires qui approchaient un peu trop et il n'avait à se soucier de rien... sauf bien sûr la nourriture, qu'il devait lui-même se procurer.

Et puis un soir, une tempête comme il en avait encore jamais vu se déclencha. Tonnerre, éclairs, bourrasque et arbres qui tombent... ils eurent droit au grand spectacle. Cette nuit là trois tributs périrent, noyés dans un torrent ou écrasés par un arbre et la fille du district 9 fut du nombre. Un tronc lui était tombé sur le dos et elle appela Gavyn à l'aide. Il sortit de sa cachette et la rejoignit mais réalisa très vite qu'il n'avait pas la force nécessaire pour la sortir de là. Sans compter qu'une branche lui avait perforé le thorax et qu'elle perdait tout son sang. Alors il arracha brutalement son sac, piqua son arc et son carquois et l'abandonna là en essayant d'ignorer ses cris d'agonie. L'arc et les flèches ne lui furent pas d'une grande utilité puisqu'il ne savait pas tirer mais la corde, le couteau et les couvertures qu'il trouva dans son sac lui sauvèrent la vie. Les jours suivants, il confectionna des pièges qu'il camoufla dans la forêt puis fit le plus de bruit possible pour attirer ses adversaires. Il réussit à attraper une jeune fille et lorsqu'un tribut vint la délivrer, il lança son couteau pour le tuer. La chance (ou le destin ?) firent qu'il réussit miraculeusement son coup et il acheva l'autre prisonnière en l'égorgeant.

Lorsqu'enfin il ne resta plus que lui et la grosse brute du district 1, il fut forcé de combattre au face à face. Le garçon était fort et très doué pour manier une épée mais Gavyn était petit, souple et rapide. Il évitait les coups en se baissant, roulant, sautant et il épuisa son adversaire en le faisant courir à droite et à gauche. Enfin, il parvint à tromper sa défense et lui mit un coup de couteau dans le coeur. Le coup de canon retentit et Gavyn s'écroula sous la pluie battante.

Ce qu'il se passa ensuite, il n'en a aucun souvenir. Sa sortie, son interview, son retour au district 12... tout se déroula comme dans un rêve flou où il n'était qu'à moitié conscient. Il se rappelle juste avoir eu droit à un comité autrement plus chaleureux qu'à son départ. Il se souvient aussi de son déménagement au village des vainqueurs, aidé par les habitants qui voyaient désormais en lui un garçon respectable. Mais respectable, il ne l'était que pour le public. Aussi souriant et sociable qu'il pouvait être en société, il n'en n'était pas moins sombre et violent en privé. Il serait hanté pour toujours par les cris d'agonie de ses victimes et personne n'y pouvait rien. La mort des tributs des éditions suivantes ont continué de l'enfoncer encore plus. Aujourd'hui il s'apprête à jouer le rôle de mentor pour la 12ème fois sans vraiment y croire... mais a-t-il le choix ? Non. Le Capitole ne laisse jamais le choix.