Physique - Caractère

Elle est assise par terre, dans la rue, le dos contre un mur. Ses grands yeux marrons sont comme perdus dans le vague, dans le lointain, dans ce qui n'a pas vraiment de rapport avec la réalité. Ses longs cheveux volent dans toutes les directions, partent une fois à gauche, une fois à droite ; il faut dire que le vent souffle fort. Dans la tête des passants qui l'aperçoivent, que deux mots, "irrésistiblement belle". Une grosse poitrine, un visage angélique, un corps long et fin ; oui, cette jeune femme est séduisante, c'est le cas de le dire.

Une bouffée. Deux bouffée. Trois bouffée. Fumer l'apaise, la fait planer. Dans ces moments là, la jeune femme à l'impression de voler, de s'enfuir de ce monde trop monotone, trop superficiel. Elle est seule, doit passer pour une illuminée. Mais qu'est-ce qu'elle s'en fiche ! Rien n'a d'importance. Rien. La vie, c'est fait pour se droguer, pour se bourrer, pour se faire du mal, pour chialer, pour dégueuler. Son image à elle, sa réputation, elle ne souhaite que la salir, que la jeter. Elle ne désire qu'une chose. Qu'on la haïsse, qu'on la craigne, qu'on lui crache dessus.

Une gorgée. Deux gorgée. Trois gorgée. Il n'y a pas à dire, la bière, ça la détend. En cet instant, elle pense à se trouver une victime. Une qui fait pas trop d'histoire. La jeune femme n'a pas très envie de se battre aujourd'hui. Non, un enfant fera l'affaire. C'est décidé ! Le premier qui s'arrêtera devant elle pour la contempler sera servi. Elle le perturbera, le rendra fou. Torturer des gosses, ouais, c'est sa passion. C'est fou comme ça lui fait plaisir, pour un peu, elle en jouirait.

Sniffer une fois. Sniffer deux fois. Sniffer trois fois. Et oui, après sa petite fumette de l'après-midi, après sa boisson de quatre heure, il lui faut sa dose de cocaïne.

Je vous arrêtes de suite, chers lecteurs. Vous pensez que cette jeune femme est sans doute instable, déséquilibrée ? Folle, même ? Ce n'est pas le cas. Elle est juste méchante, se réjouit simplement du malheur quelle sème autour d'elle. Et c'est pour cette raison, cette seule raison, qu'elle s'est portée candidate pour un post de styliste. Faire chialer les pauvres gosses tiré au sort, les secouer un p'tit peu de l'intérieur, voilà ses ambitions. Oh, je ne parle même pas des tenues affreusement ridicules qu'elle compte leur concocter...

Vous l'aurez compris, Sham Butterfly c'est l'incroyable beauté et l'effroyable méchanceté réunies en un même corps. C'est le blanc et le noir. C'est l'ange et le diable.

Elle n'a ni coeur, ni âme. Ne ressent rien, ne regrette rien.

Qui a bien pu la faire devenir comme ça ?

Aujourd’hui encore, son passé reste flou.

Histoire

Quand on naît de parents qui désirent choisir la vie de son enfant, forcément, ce dernier devient dingue. Pour Sham Butterfly, j'ai bien peur que ce se soit passé ainsi.

***

Ils voulaient une petite fille modèle. Ils rêvaient d'une enfant douée et belle, d'une enfant qui les rendraient encore plus populaire qu'ils ne l'étaient déjà. Mais rien, non rien, ne se passe comme on le souhaite. Oh, certes, au début, ils pensaient avoir réussi. Ils étaient ravis. Mais plus leur fille grandissait, plus ils s'apercevaient que ses ambitions n'étaient pas les mêmes que celles qu'ils lui avaient toujours prévues. Leur fille voulait dessiner, vivre de sa passion. Et cela, jamais, au grand jamais, Monsieur et Madame Butterfly, ne l'auraient permis.

Ils souhaitaient que Sham joue du violon. Ils rêvaient qu'elle étudie le droit. Qu'elle dise merci, au revoir. Qu'elle soit serviable. Mais à trop en vouloir, ils ont causaient sa perte.

Sham avait toujours pensait qu'elle suivrait la route de ses parents, que jamais elle ne s'éloignerait de ce qu'ils appelaient le "droit chemin". Pourtant, il en a été autrement. Elle ne voulait pas leur faire de peine, mais il faut la comprendre... Quand des personnes vous harcèlent matin, midi, et soir, au bout d'un moment, vous lâchez prise, vous vous laissez vivre. Agacée, exaspérée, elle a fini par trouver sa voix toute seule, par se forger son propre caractère, par haïr le monde et se haïr elle même.

A dix-huit ans, une nuit, sans rien dire, elle a quitté la maison de ses parents. Pour aller où ? Elle ignorait. Mais la folie du jour le jour, les plaisirs de la drogues, de la boisson et de la fête, avaient eu raison d'elle. Cette nuit là, elle sut que plus jamais, elle ne ferait confiance à personne. Sham ne vivrait plus que pour elle, n'écouterait plus que ses instincts. Le monde, la jeune fille le voyait noir, dénué de couleur. Son existence, elle la voyait morne, inutile, banale.

Être seule, c'est se détacher de la réalité. C'est s'effriter petit à petit. C'est tomber en miettes. Sans personne à qui parler, personne à se confier, on devient renfermé.

Peu à peu, Sham comprit que le bonheur n'existait pas. Que dans la vie, il fallait se contenter de son propre malheur et du malheur des autres.

Souffrir, c'est vivre. Souffrir, c'est ce sentir exister.