« Un souffle imperceptible, quelque chose me poursuit sans relâche. » Je prends le temps de regarder ma sœur, elle se la joue psychologue pour que j'essaye d'extérioriser mon agression qui date déjà de plus de six ans. Cette attitude m'agace particulièrement, je vais bien. Je n'ai gardé aucune séquelle, et cela grâce à elle en prime. Elle m'a tout appris à nouveau quand j'avais douze ans, mais non ce n'est pas suffisant pour elle. D'après Lullaby, je dois absolument en parler afin que « Continue, il faut que tu me dises tout. » Je serre le poing sur le fauteuil de ma chambre, elle commence à me gonfler sérieusement, mais je n'allais tout de même pas lui claquer dans la gueule, je m'en fou de toute ta merde, moi c'est résolu et ça ne me fait ni chaud ni froid. Non franchement, j'aime trop ma grande sœur pour le faire, mais ça me démange furieusement. Je réfléchis quelques secondes avant de reprendre là où j'en étais. « Il faisait noir, je rentrais à la maison de chez un ami, tu sais celui qui a été envoyé aux Hunger Games et qui est mort. Puis j'arrive face à une ruelle sombre. » Je me bloque soudainement, j'ai beau faire le fier, et même si tout cela ne m'atteint plus autant qu'avant, penser à ça me donne des frissons. Peur ? Non, mais des envies de meurtres surtout. Elle me regarde avec des yeux insistant, genre vas-y continue ou je t'envoie mon poing dans ta tronche. Non je ne plaisante pas, elle l'a déjà fait, une fois quand j'étais bourré j'ai voulu l'embrasser, bon déjà pas très propre comme idée, et pour m'éloigner, elle n'a pas eu de meilleure idée que de m'envoyer un crochet dans la mâchoire qui m'a fait voler dans un mur vu que je ne tenais pas debout. « Puis je me suis retourné en entendant un bruit suspect derrière moi. La plus grosse erreur de ma vie, j'ai reculé en voyant deux personnes armées, l'une avec un couteau et l'autre avec une batte de base-ball. Mais malheureusement la rue se trouvait être une impasse. » Je ferme les paupières, je n'ai pas envie de continuer, je commence à trembler, mes lèvres se retroussent dans un rictus sadique, j'ai envie de me battre, d'aller frapper quelqu'un et de le rouer de coup jusqu'à ce qu'il meurt. Je sais que ce n'est pas bien d'avoir ce genre de choses dans la tête, mais j'ai envie de faire ce qu'on m'a fait subir à quelqu'un d'autre, qu'il soit innocent ou non. Si ma sœur savait ça, je me ferais probablement engueulé mais quelque chose de bien. « Vas-y continue Emrys ... » Et toi, ça te dit de te casser de ma chambre ? Je m'impatiente, elle veut vraiment que je lui raconte une nouvelle fois la douleur que j'ai ressentis ? Les atrocités que l'on m'a fait ? Pas de problèmes mais contrairement à d'habitude, je vais tout lui dire, lui expliquer tout en détail, chose que je n'ai jamais fait. Je tente de me souvenir de tout, parfois ma mémoire me fait faux bond, je ne me souviens de rien de ma vie d'avant cette agression à part ce moment, quel mémoire chaleureux. « Ils se sont approchés de moi, la lune éclairait bien leur visage et l'un m'a mis à terre en me donnant un coup de genou dans le plexus, puis l'autre s'est empressé de me maintenir pour que son acolyte m'enfonce son couteau dans le ventre. J'ai hurlé et craché immédiatement du sang, je voyais trouble et je n'arrivais pas à me débattre, puis un autre coup de couteau, dans le bras cette fois-ci. J'ai cru mourir Lullaby … puis ce n'est pas tout, à la suite, tandis que je me roulais par terre, celui à la batte m'a tabassé, m'a brisé tous les os, se satisfaisait des craquements violents, du sang qui giclait au fur et à mesure des blessures qu'ils me faisaient, et des hurlements que je pouvais pousser. Puis ils sont partis, me laissant pour mort. » Ça ne me fait rien du tout de dire cela, je ne ressens que la haine envers tout le monde, comme si un individu lambda était responsable de ce que ces deux énergumènes m'ont fait. J'aurais aimé dire à ma sœur de me laisser tranquille sinon ça allait mal finir, mais elle ne semble pas prête à le faire, elle reste devant moi, la clef de ma chambre dans sa main. « J'ai attendu longtemps, dix minutes peut-être avant que tu n'arrives, et quand je t'ai vu, je suis tombé dans les pommes. » Je me lève, et lui arrache violemment la clef des mains et me dirige vers ma porte, l'ouvre à la volée et sort rapidement afin de me précipiter vers la sortie de la maison pour aller m'isoler dans mon coin préféré, le petit bois. En réalité ce n'est pas un vrai bois, c'est plutôt un petit espace plein d'arbre à proximité du vieux rail désaffecté. En courant, j'y suis en moins de cinq minutes et finit par m'approcher d'un arbre et envoie mon poing dedans. Ça ne sert à rien, je le conçois, mais ça me calme. Puis un deuxième, un troisième, jusqu'à ce que je m'explose les phalanges et que mon sang recouvre l'écorce. Lorsque je vois l'hémoglobine, une douce sensation se propage dans mon corps, j'apporte mes lèvres dessus et commence à avoir un goût métallique dans la bouche. Le sang m'a toujours fasciné, ce n'est pas une chose qu'on juge de correcte, mais qu'importe. Finalement je me relève et me dirige vers la fontaine du district et me lave les mains afin d'enlever quelques microbes avant d'aller à la serre en marchant, mon sang coule toujours, les gens me regardent d'un air apeuré, avec le visage que je dois faire, ce n'est pas étonnant après tout. Je finis par entrer et prendre quelques feuilles d'aloe vera que je mâche quelques secondes avant de les appliquer sur mes plaies pour les désinfecter. Ma sœur va me tuer parce que je ne suis pas resté, mais je m'en fou, si elle croit m'effrayer c'est loupé. Je l'aime de tout mon cœur, c'est comme ma jumelle, mais parfois elle me rend tellement irascible que j'ai simplement envie de la frapper elle aussi.

© charney