Tout ce qu'il voit quand il s'approche d'un miroir, c'est un beau gosse. Il aime se regarder, admirer son reflet pendant des heures. Oh oui, il aime ça. Narcissique et égocentrique au possible, il ne pense qu'à lui-même, et franchement, ça ne le dérange pas d'ignorer ce que peuvent en penser les autres. Il ne voit en lui que des qualités, qui sont pourtant rares chez sa petite personne. On dirait qu'il y a un voile devant ses yeux, qui l'empêche de constater à quel point son corps se meurt petit à petit. Un corps rongé par la drogue qu'il consomme sans modération. Il ne voit pas ses joues creuses, ses cheveux abîmés par les colorations trop fréquentes, ses yeux marrons exorbités, son teint blafard, son regard vide. Il ne fait pas attention à sa silhouette trop maigre, toujours masquée de vêtements couteux et chics. Non, à ses yeux, il a une silhouette de mannequin, ni plus ni moins. Peut-être est-ce à cause du maquillage dont il se couvre le visage, ou des nombreux produits qu'il utilise pour parfaire son corps princier. Il se considère comme trop parfait pour pouvoir s'abîmer. S'il pouvait seulement faire attention ! L'ennui, avec la perfection, c'est qu'il n'y a pas d'amélioration possible. Simplement de la détérioration.

Son caractère, vous disiez ? Vous n'avez peur de rien, vous alors ! Dyaezel n'est pas le genre de personne que l'on aime à fréquenter. C'est un être imbu de lui-même, arrogant et agressif, dont la nature mauvaise s'accentue lorsqu'il consomme de la drogue, de l'alcool, et d'autres encore. De plus, il jure comme un charretier. Toujours un mot vulgaire prêt à franchir ses fines lèvres. Un bad boy ? Un coureur de jupons, plutôt. Ses centres d'intérêts se comptent sur les doigts d'une main. En premier, la drogue. Mais nous verrons ça plus tard. Ensuite, les filles. Aaaahh, les filles... Il les collectionne. Il n'a jamais été amoureux. Mais au Capitole, c'est un homme qui a beaucoup de succès. Assez pour ramener au moins une fille chez lui, chaque soir. Qu'il abandonnera le lendemain. Les femmes sont un peu des objets pour lui : on la prend, puis on la jette et on en cherche une autre. C'est comme ça que ça marche. Et comme lui ne trouve pas à se plaindre, alors personne ne peut se plaindre non plus. Je vous l'avais dit ! Ça ne l'effraie pas de blesser quelqu'un ! On dirait même qu'il y prend un malin plaisir, alors que la réalité est toute autre. Les sentiments des autres ne l'atteignent pas, voilà tout. Il s'est forgé une carapace infranchissable, peut-être trop protectrice. Plus rien ne peut l'atteindre, sauf les crises de manque. Il est devenu insensible à la société, et malgré tout, la société le veut. Elle a besoin de ses talents de styliste. Car la mode et la création sont ses derniers passe-temps. Il en a fait son métier, et aujourd'hui c'est un styliste renommé. La preuve ? On l'a attribué aux tributs du District Six, pour qu'il les pare de ses plus belles créations afin d'attirer les sponsors.
Outre son tempérament colérique, son goût pour la bagarre, les sensations fortes et le danger, et son sempiternel air de je-m'en-foutiste, ce garçon a quand même quelques rares qualités. Non, il n'est pas loyal, ni même du genre à réconforter quelqu'un qui a un coup de blues. Il ne vient en aide aux gens que quand ça sert ses propres intérêts. Mais c'est un brave type, toujours bien décidé à terminer ce qu'il entreprend. Il ne laisse jamais un travail inachevé. Il est très professionnel, et passionné. Dans les bons jours, il parvient même à rester sérieux. Et puis, pour attirer les filles, il est même prêt à faire preuve de galanterie.

Je suppose à présent que, pour vous permettre de mieux cerner cet être dérangé qu'est Dyaezel, il me faut vous exposer son histoire ? Et bien soit. Commençons par le commencement. Dyaezel est né le 21 décembre 1988, dans un hôpital du Capitole. La mère donne ainsi un petit frère à son fils aîné, Steven, alors âgé de cinq ans. C'est un beau bébé en bonne santé, mais qui ne va pas tarder à la ruiner.

Dyaezel grandit au sein d'une famille heureuse, soudée et aisée. Ses parents sont tous deux des cuisiniers réputés, et leurs services sont régulièrement réclamés par des personnages très influents du Capitole. L'argent coule donc à flots dans cette famille aisée, et, dès son plus jeune âge, Dyaezel est amené à rencontrer de grandes personnalités. Peintres et sculpteurs, hommes politiques, stars de la chanson et du cinéma ; tous tombent sous le charme de ce petit bout de chou à la frimousse d'ange. Ce dernier ne tarde pas à être fasciné par le monde de la très haute société, auquel il a déjà déjà l'impression d'appartenir. Il est conscient qu'on l'admire, qu'on l'aime, que les gens sont tous prêts à le choyer. Ses parents le gâtent un peu trop, cédant à ses moindres caprices. Pour Dyaezel, l'argent est fait pour être dépensé, et il s'y applique consciencieusement. Il n'a encore aucune notion de la valeur des choses.

Il arrive aux parents de s'absenter. Les Districts affiliés au Capitole font eux aussi parfois appel à leurs talents culinaires. Dyaezel en profite pour les accompagner. Il a une douzaine d'années, et commence à sentir que ses parents deviennent plus distants envers lui. Comme s'ils ne l'aimaient plus. Mais c'est plus pour voyager rester en compagnie de son frère aîné que Dyaezel accepte de les suivre. Car son grand frère, il l'adore. Mise à part son envie de reprendre la firme familiale, c'est en tous points un modèle pour son jeune frère. Il plaît aux filles, sait attirer les regards admiratifs et envieux, et surtout il a une attitude très protectrice envers Dyaezel. C'est pourtant lui qui va l'inciter à s'éloigner une nouvelle fois du Capitole. Et faire basculer sa vie.

Pour les seize ans de son frère, Steven insiste pour lui offrir un voyage au District Six, « entre hommes ». Dyaezel ne peut qu'accepter. Là-bas, il pose les yeux sur l'envers du décor. Tout n'est pas rose partout. Bien sûr, il a toujours regardé les Hunger Games, qui satisfont déjà sont esprit pervers et sadique. Mais il ignorait les réelles conditions de vie de ces pauvres gens. Tout n'est que famine, haine et désolation. Les gens comme lui sont mal vus dans des lieux pareils. Il décide d'abréger son séjour, mais Steven tient à visiter une usine de transports. C'est alors qu'a lieu l'accident mortel. Les conditions de travail dans le District sont loin d'être idéales, et le matériel est, avouons-le, primaire, et de très basse qualité. Sans crier gare, une lampe se décroche du plafond auquel elle se raccrochait désespérément jusque-là. S'écrase sur Steven. Il suffoque. Le temps que l'équipe médicale se mobilise, ses yeux se nimbent d'un épais brouillard blanc, et son cœur cesse de battre. Dyaezel vient de perdre ce qu'il avait de plus précieux au monde.

Le choc est terrible pour le jeune homme. Il ne s'en remettra jamais vraiment. Tel une ombre, il erre dans les rues du District, sans trop savoir quoi faire, ni ce qu'il va devenir. Son frère. Son modèle. Son protecteur. Son confident. Son meilleur ami. Il est mort. Et il se retrouve seul, du jour au lendemain. Il pleure, il rit tout seul, il fond de nouveau en larmes. Il devient fou. Alors qu'il pense à se laisser mourir de faim ou de froid, il croise la route d'un dealer. Ils sont nombreux, au District Six, à commercer de la drogue, monnaie courante dans le secteur. Noyé dans le chagrin, Dyaezel n'a pas le cœur à refuser un petit remède. Morphine, héroïne, shit ? Il n'a que l'embarras du choix.

Lorsqu'il rentre au bercail, avec plus de deux semaines de retard, Dyaezel est déjà accro. Il a réussi à se procurer quelques maigres réserves, qui fondent comme neige au soleil. Son petit manège n'échappe pas à ses parents. Terrassés par la perte de leur fils aîné et préféré, et écœurés par le comportement de leur petit dernier, ils explosent, et mettent Dyaezel à la porte. Il n'a plus aucun sou en poche, et a besoin de came. Lui qui pensait pouvoir couler des jours heureux sans lever le petit doigt, le voilà obligé de trouer un travail. Comme il bénéficie déjà d'une certaine réputation, il déniche rapidement une place comme apprenti auprès d'un styliste. Pour oublier la douleur que provoque la perte d'un être cher, l'adolescent se plonge corps et âme dans le travail. Il se découvre alors une véritable passion pour la mode, les couleurs, les motifs, les textiles, … Tout lui plaît ! Il adore imaginer, créer, apporter de nouvelles idées. D'autre part, il se reprend peu à peu en mains. Le gouffre se referme légèrement. Mais pour ne plus jamais connaître une telle douleur, Dyaezel met toute sa volonté dans l'érection de barrières impénétrables autour de son cœur. Il ne s'attachera plus jamais à qui que ce soit, de peur de le perdre, et de sombrer de nouveau dans une dépression dont il a déjà eu du mal à émerger.
Avec le temps, le jeune adulte se révèle extraordinairement doué pour le stylisme. Il prend alors la décision de voler de ses propres ailes dans ce milieu pourtant difficile, et c'est un succès. Ses créations originales sont saluées par tout le Capitole ; à tel point qu'on lui propose de prendre en charge les costumes des tributs du District Six lors des prochains jeux de la faim. Qui serait-il pour refuser ? Il en profitera pour faire de fréquents allers-retours entre le Capitole et le Six, histoire d'être un peu inspiré, mais surtout de se procurer de la drogue. Toujours plus.

Fort d'une telle renommée, Dyaezel est de nouveau plein aux as, et peut, comme au bon vieux temps, profiter des soirées organisées par les plus grands. C'est là qu'il dépense sa fortune dans les jeux, la boisson (fortement alcoolisée s'il vous plaît), et... la drogue bien sûr ! Il ne décroche pas, et refuse d'essayer et même d'y penser ; il se sent tellement mieux quand il plane... Il oublie tous ses soucis, son frère décédé, et peut enfin aspirer au bonheur un court instant... Il fume et boit tout ce qui lui passe sous la main. Chaque matin, il se réveille avec la gueule de bois, en proie à une crise de manque. Les gens le surnomment d'ailleurs Heroin, de par son goût prononcé pour la piquouse. Et il aime, il adore ce rythme de vie. Parce qu'en plus de tout ça, il y a les filles. Toutes les filles du Capitole sont à ses pieds, les jeunes comme les vieilles. Et il en profite. Il en ramène une chaque soir chez lui, différente de celle de la veille. Jamais d'amour, seulement du sexe. Et ça lui conient, alors ça doit convenir au reste du monde. Pourquoi voudrait-il changer de vie ? Il a souffert, mais le passé se noie dans la morphine. A présent, Dyaezel a tout ce dont il a besoin, et beaucoup plus encore. Enfin, presque...