Physiquement, Enola est grande, élancée mais maigrichonne. Bien que son district ne soit pas le plus riche, elle aime prendre soin d’elle et s’habille toujours avec prestance. Sa peau très pâle, quasiment translucide lui donne presque un air cadavérique en hiver. Mais c’est sans compter sur ses magnifiques yeux en amande, d’un vert qui vous transperce, et dont vous ne doutez plus alors de leur vitalité. Elle possède ce petit quelque chose d’ensorceleuse qui fait tout son charme mais qui n’est pas sans attiser la jalousie autour d’elle. Pourtant, elle ne s’intéresse pas aux hommes, c’est à peine si elle les regarde. Préfère-t-elle pour autant les femmes ? Elle ne s’est jamais vraiment posé la question. En tout cas, son dada dans la vie ce sont les animaux, en particulier les moutons car Enola est bergère.

Cette jeune femme, fraîchement entrée dans l’âge adulte, a pourtant un véritable caractère de cochon. Et c’est peu dire… Une vraie tête de mule. Il ne se passe pas une conversation sans qu’elle s’énerve contre son interlocuteur. Si bien, qu’elle est devenue légèrement associable, préférant la compagnie des animaux, à celle des humains. Cependant, Enola n’a pas toujours été comme ça. Elle était gentille et douce avec les autres… Jusqu’au jour où Karl, son frère aîné a été envoyé aux Jeux et s’est littéralement fait massacré.

Depuis, elle demeure repliée sur elle-même, complètement paranoïaque. Elle possède une haine très profonde pour le monde dans lequel elle vit. Elle en vient même à regretter certains soirs de ne pas s’être porté volontaire aux Jeux afin de… se suicider en quelque sorte. Puisqu’à quoi bon vivre lorsqu’on est juste de simples esclaves du Capitole ? Quant à la possibilité d’un soulèvement, elle y a déjà songé mais qui voudrait seulement la suivre, elle et son caractère de malheur… De toute évidence, les gens de son district sont bien trop idiots et pacifistes pour se rebeller. Et, surtout, ils sont égoïstes et ne pensent qu’à sauver leur peau. Voilà ce qu’Enola pense des autres. Pessimisme quand tu nous tiens.

Du fait de sa mentalité, un peu spéciale, beaucoup de gens tendent de plus en plus à l’éviter dans son district car tous n’entrevoient que ses mauvais côtés. Cependant, malgré cette carapace austère, Enola est aussi d’une extrême sensibilité et c’est une rêveuse née. Elle ne peut pas tenir plus de quelques secondes devant les Jeux, sans avoir des hauts le cœur. De ce fait, elle refuse catégoriquement de disposer une télévision chez elle. Pour le peu de temps qu’elle y passe chaque année… Ce qu’elle préfère c’est monter dans ses pâturages, sentir battre le semblant d’humanité qui reste sur cette terre. Et rester là, au creux de la montagne, pendant des mois, à observer, respirer et profiter de cette nature si chère à son cœur.

Enola est issue d’une famille du District 10 où l’on élève le bétail de générations en générations : chèvres, vaches, cochons et poules. Ses parents, bien que pauvres, ont toujours eu beaucoup d’affection pour elle mais ce n’est rien à côté de son grand frère, Karl. Enola lui vouait un culte. Cependant, beaucoup de choses les distinguaient : D’une carrure de guerrier, il avait le teint mât de leur mère et les yeux noirs charbonneux de leur père. Il était d’une nature joviale, très avenante avec tout le monde et son petit côté moqueur faisait tout son charme. Enola, à l’inverse, était d’une timidité maladive et la nature bavarde de son aîné l’a arrangé plus d’une fois. Il prenait la parole à sa place, répondait à sa place… Il avait beaucoup d’avance sur elle. Et les filles l’adoraient. Sa sœur y compris. Il lui permettait d’aborder le monde qui l’entourait sereinement. Il dédramatisait tout, comme si rien ne comptait vraiment, ni même sa vie…

Pourtant quand Enola le perdit, elle se rendit compte combien celle-ci aurait du être protégée, combien elle aurait dû le protéger. Seulement, il ne l’aurait jamais laissé prendre sa place aux Jeux. Elle avait tout juste 12 ans quand son frère est mort (et lui 16 ans). A partir de cet instant, la jeune fille s’enferma dans sa chambre pendant des semaines. Quand elle en ressortit ce fut pour crier, hurler sa douleur à tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin, tous ceux qui n’avaient pas pu le sauver. Les premiers, ses parents, se firent traiter de tous les noms. Et pourtant, ils étaient bien braves et eux aussi avaient une peine immense. Trop gentils sans doute, trop peinés aussi, ils n’osèrent rien lui dire et supportèrent tout ce qu’elle leur fit endurer, les caprices, la mauvaise humeur permanente et les crises de larmes.

Quand tout ça cessa, Enola avait 13 ans. Elle sombrait alors dans une profonde dépression, ne croyant plus en rien, se terrant chez elle, n’adressant plus la parole à qui que ce soit. Elle s’était fait une raison. Il ne reviendrait pas. Le capitole, ce monstre au sang froid l’avait emporté. Cette déprime s’atténua doucement au fil des années pour se transformer en rébellion. Mais Enola n’était pas du genre à faire la part des choses. Elle demeurait irritable et associable.

Rapidement, son père lui apprit tout ce qu’il fallait savoir pour garder les moutons. Il possédait un troupeau depuis longtemps mais il était fatigué de devoir grimper dans les montagnes chaque printemps afin d’y amener son troupeau. Or, Enola avait le profil idéal pour devenir bergère. Elle était d’une grande bonté avec les bêtes et se révélait excellente grimpeuse. Aussi, son père se dit qu’étant donné son amour des hommes, la civilisation ne lui manquerait pas tant que ça. De plus, sa mère qui était vétérinaire (bien qu’elle n’en ait jamais le titre) lui avait appris à soigner les animaux. A 14 ans, elle accompagnait son père dans la montagne, puis à 18 ans, elle effectua sa première transhumance.

Et, ce n’est pas sans peine qu’elle revint. En effet, les loups étaient de plus en plus nombreux, chassé par les fermiers de la vallée, ils n’avaient plus rien à se mettre sous la dent. C’est pourquoi cette année là, ils firent une véritable hécatombe. Une nuit, elle cru même apercevoir une mutation génétique. Sa haine envers le capitole avait bel et bien tourné à la paranoïa. Après ce premier essai fâcheux, la jeune fille ne se découragea pas, bien au contraire. Au village, elle apprit à tirer à l’arc. Un ancien tribut avait décidé de monter un petit entraînement chaque semaine ouvert à tous les volontaires. Les progrès d’Enola en tir furent remarquables. En l’espace de quelques mois, elle savait parfaitement atteindre sa cible.

Outre le tir à l’arc, hobby plutôt récent, le plus grand talent d’Enola demeure la musique. En effet, c’est une violoniste hors pair. Elle tient ce don ainsi que l’instrument qu’elle possède, de son père, qui est également luthier à ses heures perdues. Bien qu’elle en joue merveilleusement bien, elle déteste se donner en spectacle. Cela la rend tellement mal à l’aise qu’elle en perd ses moyens. Lorsqu’elle joue c’est donc avant tout pour elle, et pour son frère défunt.