La Cérémonie des Chars vient à peine de se terminer que je retourne dans les vestiaires. Les tributs du district 9 se sont admirablement bien débrouillés, et ont été remarqués. On ne manque pas d'ailleurs de me saluer lors de mon trajet jusqu'aux vestiaires. J'ai bien étudié l'attitude de Billie et de Dean, que j'ai habillé. Le fait que la jeune fille se soit débarrassé de ses chaussures n'a pas manqué de me surprendre. Ces chaussures sont en fait le choix de mon supérieur. Pour tout vous dire, il m'avait présenté dix paires, et je devais en prendre une. Aucune de ces paires n'allait avec la tenue, sauf celle-ci. Et comme je n'avais pas encore bien cerné la personnalité de Billie, je pensais que les chaussures lui plairaient. J'avais tout faux. Certes son geste m'a surpris, mais c'est une agréable surprise. Je commence enfin à comprendre la fille du 9, à comprendre qu'elle n'aime pas les artifices et les apparats en tout genre dont on affuble généralement les tributs. Quant au jeune Dean, bien qu'il avait le trac au début, il a peu à peu pris de l'assurance, et montré le Saturne qui était en lui. Le faucon a bien effectué le trajet. En clair, les tributs du district 9 ont vraiment fait sensation. Et je suis ravi d'avoir pu les aider. Mais ça, il ne faut pas que je leur montre. Il faut au contraire que je leur reproche tout ce qu'ils ont pu faire de mal. Il ne faut pas que je créé des liens. Je suis quelqu'un qui s'attache très facilement, et être proche d'un tribut pourrait être dangereux et faire du mal à tout le monde. C'est pour ça que j'ai une sale réputation auprès des tributs. Mais je m'y accommode.

Je pousse vélocement la porte du local de préparation du district 9, et entre dans la pièce. Billie et Dean sont déjà là, entourés par leurs préparateurs, leur Mentor et leur accompagnateur -Dorian Astianos, si mes souvenirs sont bons. Je m'approche, on me félicite, félicitations que j'accueille poliment, mais avec réserve. Les préparateurs comprennent qu'il est temps de partir. Dorian retourne vaquer à ses occupations dans sa chambre. Hypolite reste dans la pièce avant de s'éclipser discrètement. Il faudra que je prenne le temps de discuter avec lui à propos des tenues pour les Interviews. Restent Billie et Dean, attendant sûrement des congratulations, des conseils, des mots gentils, quoi. Mais je ne serais pas gentil avec eux. Ce sont des tributs. Au moins l'un d'entre eux va mourir, peut être les deux. Mon regard se fait dur et j'essaye, avec succès, de rendre mon ton cynique et froid. « Vous attendez que je vous félicite ? Si j'étais vous, je ne compterais pas trop là dessus. » Je me tourne vers Dean, et mon regard se fait si noir, si dur, qu'il frémit et semble rapetisser de quelques centimètres. Je ne veux pas être aussi froid, mais ce regard, résultat de la honte que j'éprouve à maltraiter ainsi les tributs depuis trois ans, résultat de l'envie qui me prend de leur parler gentiment, m'a échappé. « Dean, tu avais l'air complètement tendu. T'as un balai dans le derrière ou quoi ? Faut te décoincer un peu, sinon tu n'attireras aucun sponsor et tu mourras comme une... » Hum. Il ne faut pas aller trop loin non plus, et puis je pense qu'il a saisi. Au tour de Billie. « Quant à toi, je suppose que mes chaussures ne t'ont pas plu ? Eh bien tu me vois flatté par autant de gentillesse à mon égard. » terminé-je d'une voix aussi dure que la roche. Mes mots auront au moins le mérite de vérifier leur aptitude à réponde convenablement. Cela pourrait être une sorte d'entraînement pour les Interviews. Alors, qu'allez vous répondre à ça petits tributs ?